Les questions migratoires sont au cœur des débats politiques ces dernières semaines en Espagne, et le gouvernement dénonce les prises de position du mouvement d’opposition de centre droit du Partido Popular (PP), qui reprend selon lui les arguments de l’extrême droite.
Écrit par Fernando Heller
Alberto Núñez Feijóo, le chef du parti d’opposition de centre droit Partido Popular, devrait parler des exilés en situation irrégulière avec « un peu d’humanité et de décence » et mettre à distance les positions de l’extrême droite sur cette question sensible, a déclaré la ministre espagnole des Sciences, de l’Innovation et de l’Enseignement supérieur, Diana Morant (Parti socialiste-ouvrier espagnol, PSOE), samedi 24 août.
Pour cette dernière, Alberto Núñez Feijóo devrait cesser d’essayer de concurrencer Vox et Se Acabó la Fiesta (SALF) lors de ses prises de position sur l’immigration, rapporte EFE, média partenaire d’Euractiv.
Faisant allusion à une interview publiée le week-end dernier dans laquelle le chef de file du PP rendait le Premier ministre Pedro Sánchez (PSOE) responsable du « nombre record d’immigrés clandestins » présents sur le territoire espagnol, Diana Morant a déclaré samedi 24 août qu’il était important de ne pas oublier que derrière l’immigration, il y a souvent « des conflits, des guerres, la faim et des gens qui risquent leur vie et risquent tout justement parce qu’ils fuient une situation désespérée ».
Pour dénoncer ce qu’il considère comme une politique migratoire désastreuse, Alberto Núñez Feijóo a souligné que certains États de l’Union européenne (UE), comme l’Italie ou la Grèce, tentaient actuellement de réduire le nombre d’exilés arrivant sur leur sol. Selon lui, le PP « ne peut pas accepter » les migrants qui arrivent clandestinement en Espagne avec l’aide de réseaux mafieux.
Entre le 27 et le 29 août, Pedro Sánchez sera en voyage officiel en Mauritanie, en Gambie et au Sénégal. Il devrait profiter de ces déplacements pour exprimer le soutien politique et économique de Madrid à ces pays, d’où sont originaires beaucoup d’exilés en situation irrégulière en Espagne, avec avoir emprunté la dangereuse route de l’Atlantique vers les îles Canaries.
« Le Premier ministre aurait dû faire ce voyage il y a des années, il le fait maintenant dans un contexte de crise migratoire en Espagne », a déploré Alberto Núñez Feijóo auprès de l’agence de presse espagnole EP.
Selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras, les îles Canaries sont actuellement le principal point d’entrée des migrants dans le pays. L’île d’El Hierro, située au sud de l’archipel, est la plus touchée par les arrivées.
Lors d’une visite à Santa Cruz de la Palma vendredi 23 août, Pedro Sánchez a promis aux autorités locales que le gouvernement renforcerait son aide, annonçant un programme de 50 millions d’euros pour améliorer la situation sur place, ainsi que d’autres mesures d’urgence.
L’un des principaux défis à relever est la saturation des 80 centres d’accueil des Canaries destinés aux mineurs étrangers non accompagnés. Ces derniers n’ont pas les capacités pour recevoir les 6 000 enfants non accompagnés qui attendent sur place d’être secourus et qui sont actuellement logés dans des tentes et d’autres abris.
De nombreuses arrivées sont attendues
Au cœur de la controverse entre le gouvernement progressiste du PSOE et la plateforme de gauche Sumar d’une part, et les partis de droite et d’extrême droite d’autre part, se trouve la question de la gestion de l’immigration, et plus particulièrement des mineurs non accompagnés.
Le gouvernement soutient qu’une solution serait de réformer la loi sur l’immigration pour y introduire un système obligatoire dans les 17 communautés autonomes espagnoles qui permettrait l’accueil « solidaire » des mineurs et autres exilés en situation irrégulière sur l’ensemble du territoire.
Le 27 juillet, le PP et le parti séparatiste de droite Ensemble pour la Catalogne (JxCat), dirigé par l’ancien président catalan Carles Puigdemont, se sont opposés au Parlement à une proposition ambitieuse de réforme de cette loi présentée par le PSOE, Sumar et la Coalition Canarienne de centre droit.
Des données officielles publiées début août montrent que l’Espagne a battu des records d’entrée d’exilés en situation irrégulière sur son territoire, avec des chiffres alarmants, notamment aux Canaries et dans les enclaves de Ceuta et Melilla en Afrique du Nord.
Dans ce contexte politiquement instable, le leader du PP a défendu la nécessité d’une immigration régulière, avec des personnes qui viennent en Espagne pour « travailler » et « respecter les lois ». Ce type d’immigration est selon Alberto Núñez Feijóo bénéfique car l’Espagne est confrontée à un problème de natalité et au vieillissement de sa population.
« Les immigrants clandestins, qui n’acceptent pas les lois de notre pays, arrivent par l’intermédiaire de trafiquants d’êtres humains. Nous devons rejeter cette immigration illégale », a-t-il martelé.
Certaines ONG soulignent que l’arrivée de migrants en situation irrégulière en Espagne pourrait atteindre des niveaux historiques d’ici la fin de l’année. En 2023, les données de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) ont montré une augmentation alarmante des franchissements irréguliers des frontières.
Si ces prévisions se concrétisent, « nous pourrions parler de plus de 70 000 personnes supplémentaires d’ici la fin de l’année. Si tel était le cas, nous serions dans une situation de véritable chaos », alertait en février le président des Canaries, Fernando Clavijo (Coalition Canarienne).
[Édité par Anne-Sophie Gayet - photo : EPA-EFE/BORJA SANCHEZ-TRILLO - source : www.euractiv.fr]
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