sábado, 27 de agosto de 2022

Heurs et malheurs des noms propres devenus noms communs

Certains noms communs tirent leur origine de personnalités ayant réellement existé. De manière parfois très surprenante...

Écrit par Michel Feltin-Palas

Louis XVI oblige, tous les Français ou presque savent que la guillotine fait référence à son inventeur, Joseph Ignace Guillotin, et que le hachis Parmentier doit beaucoup à un pharmacien prénommé Antoine-Augustin... De nombreux termes de notre idiome national partagent ainsi cette particularité : ils tirent leur origine de personnalités ayant réellement existé. Des hommes et des femmes que Daniel Lacotte a eu la bonne idée de rassembler dans un ouvrage dont le titre truculent est précisément composé de patronymes devenus des noms communs, D'où vient cette pipelette en bikini qui marivaude dans le jacuzzi avec un gringalet en bermuda ? (1) Un intitulé qui, à lui seul, reflète la démarche de l'auteur : partager son plaisir des mots et montrer que l'amour du français ne se réduit pas aux cabalistiques accords des participes passés des verbes pronominaux.
Impossible, évidemment, de citer ici l'intégralité de ces mots dits "éponymes" ("qui donne son nom à"), où l'on retrouve à la fois des personnalités, des héros mythologiques ou de romans, sans oublier quelques toponymes. En voici donc une sélection tout à fait arbitraire.
Commençons par ceux qui tombent sous le sens. Dantesque vient évidemment du poète Dante, qui décrit dans La Divine Comédie des scènes grandioses et terrifiantes. Daltonien de John Dalton, savant britannique qui décrivit l'étrange maladie entraînant une confusion dans la vision des couleurs. Nicotine du diplomate Jean Nicot (1530-1600), qui introduisit le tabac en France (on ne le remercie pas). Volcan de Vulcain, le dieu romain du feu. Et ainsi de suite.
Il en est d'autres dont je ne connaissais pas l'origine. Et notamment :
Corbillard. Au XVIe siècle, les véhicules qui se rendaient de Corbeil à Paris s'appelaient des corbeillards, qui deviendront nos actuels corbillards. Pourquoi cette ville en particulier ? Deux explications s'affrontent. La première, amusante, voudrait que ce soit en référence au "manque d'entrain des laquais qui se déplaçaient dans les carrosses bourgeois venus de Corbeil", comme l'explique Lacotte. Il en est une autre, plus probable et hélas moins plaisante : le souvenir des transports de cadavres sur l'Essonne lors des grandes épidémies de peste.
Doberman, du nom de son premier éleveur, Frédéric Louis Dobermann (1834-1894), un... percepteur qui cherchait un chien suffisamment impressionnant pour l'accompagner dans sa périlleuse mission.
Gotha. Ville d'Allemagne où fut publié à partir de 1764 un annuaire recensant les grandes familles d'Europe.
Guillemets. Ainsi qualifiés au XVIe siècle en hommage à leur inventeur, l'imprimeur Guillaume.
Laconique. L'adjectif fait allusion à la Laconie, une région de Grèce dont les habitants avaient la réputation de s'exprimer de manière sobre et concise. Et non, contrairement à ce que susurrent les mauvaises langues, au psychanalyste Lacan, dont le propos était aussi rare que le montant des consultations élevé...
Pipelette. Allusion au couple de concierges parisiens inventés par Eugène Sue dans ses Mystères de Paris : Anastasie et Alfred Pipelet.
Silhouette. Le ras-le-bol fiscal n'est pas une invention récente. Sous Louis XV, Etienne de Silhouette crée l'impôt sur les portes et fenêtres. Son impopularité est telle qu'il doit très vite quitter son poste de contrôleur général des finances, mais son patronyme reste associé aux réformes mal conduites et aux entreprises inachevées. On qualifie dès lors de "silhouette" les dessins aux contours simplement esquissés.
Sandwich. Du comte britannique ainsi nommé (1718-1792). Un homme si passionné par les jeux de cartes qu'il refusait d'interrompre ses parties pour se sustenter. Jusqu'au jour où son cuisinier eut l'idée de lui confectionner un repas en intercalant du jambon et du fromage entre deux tranches de pain. Une trouvaille appelée à un bel avenir...
Satin. Le terme provient de la ville de... Quanzhou, en Chine. Aucun rapport ? Si. Au Moyen Age, la cité s'appelait Tsia-toung, prononcée en arabe Zaytûn, devenu peu à peu notre satin. Tordu, mais véridique !
À ceux qui rêvent d'entrer à leur tour dans la partie "noms communs" des dictionnaires, on ne saurait trop conseiller la prudence. Car il est des cas où les intéressés auraient sans doute préféré passer à la postériorité pour un autre motif. Alexis Godillot, par exemple, n'était sans doute pas peu fier d'être devenu l'organisateur des fêtes officielles sous Napoléon III et d'avoir créé à Saint-Ouen une importante tannerie. Comment aurait-il pu deviner que l'on donnerait son nom aux chaussures des soldats ? Mais à tout prendre, son sort vaut mieux que celui de l'infortuné préfet Poubelle. Le haut fonctionnaire, attentif à l'hygiène publique, obligea dans les années 1890 les propriétaires de la capitale à "mettre à disposition des locataires un ou plusieurs récipients communs pour recevoir les résidus de ménage". Un intitulé à rallonge qui fut bientôt remplacé par son patronyme. Ses descendants ne l'en remercient pas forcément...
(1) D'où vient cette pipelette en bikini qui marivaude dans le jacuzzi avec un gringalet en bermuda ? par Daniel Lacotte. Le Point Seuil, 7,40 €.

 

[Source : www.lexpress.fr]

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