Une analyse détaillée des œuvres de l’écrivain sulfureux Philip Roth, au regard de la vie de l’auteur.
Publié par Marie Marin et Nonfiction
En 2010, après la parution de Némésis, l’écrivain américain Philip Roth
décide qu’il n’écrira plus de livre. Déçu par le dernier roman de son
ami dont il est un fervent admirateur, Saul Bellow, il en tire la
conclusion qu’un auteur ne doit pas écrire après l’âge de 80 ans. Cette retraite littéraire est l’occasion pour sa biographe, Claudia Roth Pierpont
(aucun lien de parenté ne les unit malgré son nom), de parcourir
l’œuvre et la vie de Philip Roth pour livrer une analyse approfondie de
ses romans et de sa posture d’écrivain.
Dans Roth délivré,
l’auteure se livre à un examen approfondi de l’évolution de Philip Roth
en tant qu’écrivain, à travers l’évocation notamment de ses thèmes de
prédilection: les juifs, le sexe et l’amour, le sexe sans amour, le sens
de la vie, le sens de sa propre vie, ses parents, les idéaux
américains, les bouleversements des années 1960, le corps humain dans sa
beauté, dans la maladie, les ravages de l’âge, ou encore la mort.
Spécialiste
de l’œuvre de l’écrivain, Claudia Roth Pierpont a, comme il est précisé
sur la quatrième de couverture, longtemps fait partie du cercle des
premiers lecteurs auquel l’écrivain envoyait ses manuscrits pour avis.
Ce livre est le résultat de nombreuses conversations avec l’écrivain
mais aussi avec certains de ses proches. L’auteure le précise, Philip
Roth a accepté de ne pas lire une seule ligne avant la parution. Le
livre étant plutôt élogieux, on doute que l’écrivain aurait souhaité
dans le cas contraire empêcher sa parution.
Un écrivain juif accusé d'antisémitisme
Bien qu’il refuse
l’étiquette d’«écrivain juif» et se veut «écrivain américain», Philip
Roth ne peut se détacher de cette image. En mettant en scène dans la
plupart de ses romans des personnages juifs, il se voit rangé dès lors
dans une case. Cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de subir de nombreuses accusations d’antisémitisme, et ce dès sa première nouvelle, Défenseur de foi.
Dans ce texte, il livre une satire de ses personnages qui sont pour la
plupart juifs. Il refuse cependant de faire porter à ses personnages le
poids de la tragédie ou de l’oppression. Alors qu’il participe à une
conférence intitulée «La crise de conscience chez les écrivains des
minorités», il est choqué, car il ne s’attend pas à autant de critiques
et d’accusations d’antisémitisme. Il déclare alors à sa femme et à son
éditeur: «Je n’écrirai plus jamais sur les juifs». Ce ne sera pourtant pas le cas.
Augie March
de Saul Bellow sera pour lui une révélation. Il découvre alors le type
de littérature qu’un juif peut écrire sur des juifs. Il prend conscience
que l’expérience juive peut être transformée en sujet de littérature
américaine, au même titre que Paris, Long Island… Dans Goodbye Columbus
et les nouvelles qui l’accompagnent, Roth s’intéresse à l’adaptation
–souvent l’inadaptation– culturelle des juifs à la vie américaine
moderne. Il refuse pourtant que son œuvre soit assimilée à une étude de
l’assimilation du peuple juif.
Après avoir abandonné le sujet dans son roman Laisser courir, Roth reprend une thématique juive dans son chef-d’œuvre Portnoy et son complexe.
Il s’adonne alors à l’humour juif, dresse le portrait d’un personnage
archétype de la mère juive, autoritaire, puissante, stressée et
stressante. Selon lui, la prudence excessive de la mère juive, dont on
fait souvent une caricature, est un héritage inconscient de
l’holocauste. À l’occasion de ce livre, Philip Roth s’interroge et voit
naître une problématique qui ne le quittera plus: peut-on être américain
en étant juif ou faut-il nécessairement n’être que juif ? Son
personnage, Alexander Portnoy, soupçonne que le fait d’être juif
l’empêche d’être un vrai Américain.
Ce roman provoque à son tour un tollé dans une partie de la communauté juive.
On lui reproche de donner des armes aux antisémites, en mettant en
scène des héros juifs ravagés par des désirs sexuels immoraux. Gershom
Scholem, universitaire, écrivait dans un journal israélien que Roth
avait écrit «le livre que tous les antisémites ont appelé de leurs vœux».
En 1979, Philip Roth publie L’Écrivain des ombres.
Depuis longtemps, l’auteur souhaitait prendre pour sujet Anne Frank. Il
savait le sujet difficile, d’autant plus qu’il désirait changer son
histoire, la faire survivre et la faire venir en Amérique. Dans cette
entreprise, il décide de reprendre son personnage de Nathan Zuckerman,
créé pour la première fois pour son roman Ma vie d’homme. Le
jeune écrivain se rend chez E.I. Lonoff, un grand admirateur séduit par
ses écrits. Zuckerman est inquiet de la réception de sa dernière
nouvelle par son père. Dans cette nouvelle, l’auteur évoque une dispute
familiale au sujet de l’argent. Le père de Zuckerman est très affecté et
veut l’empêcher de la publier, car il craint que les Gentils n’y voient
que ce qu’ils souhaitent y voir, à savoir le rapport des juifs à
l’argent. Le père ne parvient pas à empêcher la parution et fait appel
au juge Wapter qui à son tour écrit à Zuckerman en lui posant cette
question: «Si tu avais vécu en Allemagne nazie durant les années trente, aurais-tu écrit ce récit?». Et en l’enjoignant d’aller voir Le Journal d’Anne Frank qui se joue à Broadway.
Chez
le grand écrivain E.I. Lonoff, Nathan Zuckerman rencontre Anne Frank,
qui se fait appeler Amy Belette depuis qu’elle se cache en Amérique.
Roth, qui a une vision très tendre d’Anne Frank et de son journal,
s’interroge, à l’instar du personnage d’Amy Belette, sur la réussite du
livre. Il compare son emprise à celle d’un Holden Caulfield ou d’un
Huckleberry Finn. C’est la sincérité de sa voix adolescente qui joue un
grand rôle dans l’attrait porté à son journal. Qu’en serait-il néanmoins
si elle avait survécu? Un autre élément semble important selon Roth
pour expliquer cet attrait. Selon lui, la jeune fille «est beaucoup plus juive à nos yeux qu’elle ne l’était aux siens». Ce qui lui inspire cette interrogation: «Que
pensez-vous qu’il se passerait si je disais tout haut (c’est-à-dire, à
l’écrit) que la moins juive des enfants juifs est notre sainte juive?».
Roth invite à observer que, malgré l’exemplarité d’Anne Frank,
l’antisémitisme perdure. Cela étaye sa thèse selon laquelle il est
impossible de contrôler l’antisémitisme par le seul fait de se montrer
exemplaire, car l’antisémitisme et le problème des antisémites.
On retrouve le personnage de Nathan Zuckerman en 1981 dans Zuckerman délivré.
Ce roman traite des conséquences que peuvent avoir la publication d’un
livre, sujet que connaît bien Philip Roth. Suite à la parution du roman à
succès Carnovsky, Nathan se voit accusé d’antisémitisme. Il reçoit du courrier adressé à l’«ennemi des juifs».
En 1986, Philip Roth publie son roman La Contrevie
dans lequel il met en scène Nathan Zuckerman, son double littéraire, en
visite en Israël chez un ami journaliste. Le roman a pour principal
sujet les lieux, et plus spécifiquement l’Angleterre et Israël. Roth
veut montrer l’influence des lieux sur les gens. L’écrivain avait visité
Israël pour la première fois en 1963 alors qu’il était invité à un
colloque sur les écrivains juifs. Il y retourne ensuite plusieurs fois
pour découvrir les différentes facettes du pays. Il est marqué par
l’écart entre sa première visite avant les guerres et celles qui suivent
pendant lesquelles il constate que les gens ne parlent que de
politique. Il visite également des colonies, ce que lui reproche
notamment son ami Amos Elon. Il continuera de le faire mais de façon
plus discrète. Les juifs d’Israël sont un sujet d’inspiration dans La Contrevie.
Qui d’autre pour représenter le thème de la contrevie mieux que des
juifs qui ont tout reconstruit sur un nouveau territoire? On trouve dans
ce roman les questions sur l’identité juive chères à Roth. Ainsi,
Nathan s’interroge sur ce qu’il y a de plus typiquement juif chez son
frère. Plus que son installation en Israël et son apprentissage de
l’hébreu, le fait qu’il ait eu besoin de faire toutes ces choses
moralement irréprochables afin de justifier la décision de quitter sa
femme est certainement la plus grande marque de son identité juive.
Bien
des années plus tard, la question juive continue de le hanter. À son
retour aux États-Unis, à la fin des années 1980, il donne des cours sur
l’Holocauste. Il fait étudier des livres comme Aux douches, Mesdames et Messieurs de Tadeusz Borowski et fait dessiner à ses étudiants le plan du camp de Treblinka suite à la lecture d’Au fond des ténèbres
de Gitta Sereny, pour qu’ils sachent qu’il était réellement impossible
d’en sortir. Il donne également des cours sur Primo Levi, qu’il avait
rencontré à plusieurs reprises et dont il devient l’ami.
Dans son roman Opération Shylock,
il met en scène un faux Philip Roth, un homonyme, imposteur, qui défend
le projet d’un diasporisme. Le diasporisme est le sionisme à l’envers.
Selon ce personnage, les juifs israéliens de tradition européenne
devraient retourner en masse dans leurs pays d’origine. Ce second exode
serait inévitable pour éviter un second holocauste. Dans le roman, les
gens confondent le vrai et le faux Roth, notamment du fait de la
réputation des livres du vrai Roth, que l’on dit hostile aux juifs.
Au
milieu des années 1980, alors qu’il est interrogé dans la Paris Review
sur l’écriture juive, Philip Roth tente une réponse. Selon lui, ce qui
fait un livre juif, ce n’est pas le sujet, mais le fait qu’il n’arrête
pas d’en parler. Il y a quelque chose dans le style nerveux, bavard,
excité, indigné, obsédé, qui définirait peut-être l’écriture juive. Pour
autant, Roth insiste sur son refus de porter une telle étiquette: «L’étiquette “écrivain juif américain” ne signifie rien pour moi. […] Si je ne suis pas américain, je ne suis rien.»
Un homme à femmes et un écrivain misogyne?
Philip Roth
rencontre Maggie Williams à Chicago. À première vue, Maggie incarne le
rêve américain de Roth. Protestante aux longs cheveux blonds et aux yeux
bleus, elle est issue d’une petite ville du Midwest. Mais la réalité
s’avère différente. La vie de Maggie, tout d’abord, n’a rien d’un rêve.
Fille d’un père alcoolique qui séjourne plusieurs années en prison, elle
doit quitter la fac à 18 ans, car elle tombe enceinte. C’est en tout
cas ce qu’elle raconte à Roth. Mais Maggie est spécialiste dans l’art du
mensonge. La relation entre Roth et Maggie est tumultueuse et connaît
de nombreux rebondissements. Roth finira néanmoins par épouser Maggie
mais uniquement en échange de son avortement… Elle lui révélera quelques
années plus tard qu’elle avait menti, qu’elle n’était alors pas
enceinte, qu’elle était allée jusqu’à acheter un échantillon d’urine à
une femme sans-abri enceinte. Cette relation va influencer toute son
œuvre. Cette histoire d’amour romanesque et toxique est un des épisodes
charnières de sa vie.
Roth est un homme à femmes. On lui connaît de nombreuses relations, notamment avec Jackie Kennedy.
Un des grands amours de sa vie, comme il la considère encore
aujourd’hui, est Ann Mudge, une femme fort heureusement très différente
de Maggie. Elle en sera en quelque sorte l’antidote même s’il ne peut
éviter un passage par la psychothérapie. L’écriture l’aide aussi dans sa
reconstruction. Il écrit sur Maggie, sur les histoires de son enfance,
car il est encore incapable de parler de son mariage. Il est encore trop
tôt pour lui pour évoquer la Maggie qu’il a connue, il s’en tient à la
petite fille qu’elle était dans son roman Quand elle était gentille. Ce
roman voit naître les premières attaques lancées par des féministes. On
lui reproche d’écrire sur des personnages féminins antipathiques. Cette
attaque irrite Roth qui décrit alors son personnage principal comme «un cas de rage féministe prématurée».
Une jeune femme lui reproche notamment de décrire des
personnages masculins avec de la profondeur tandis que ses personnages
féminins sont superficiels.
Ce n’est que dans Ma vie d’homme que Philip Roth
parvient enfin à évoquer son mariage avec Maggie en mettant en scène
Peter Tarnopol, son alter ego dans le roman, qui lui-même se crée un
double littéraire Nathan Zuckerman. Il ne cache rien dans ce roman de sa
difficulté à écrire sur le sujet, de ses faux départs. Peut-être,
doit-il se dire, qu’il sera capable une fois l’histoire racontée dans un
livre de comprendre et surtout de surmonter cet échec retentissant.
Ma vie d’homme provoque une fois encore la colère des féministes.
Claudia Roth Pierpont évoque un article en couverture de Village Voice
dans lequel Vivian Gornick, critique et féministe, présente les
photographies de Roth, Mailer, Bellow et Henry Miller sous le titre
«Pourquoi ces hommes haïssent-ils les femmes?». L’auteure de l’article
ne nie pas le talent de ces écrivains. Elle admire même les œuvres de
Roth et distingue la critique des femmes dans Portnoy et son complexe ‒c’est alors Portnoy qui a un problème avec les femmes‒ et dans le texte de Ma vie d’homme qui
dépasse le cadre de la fiction. Beaucoup d’autres critiques ont
considéré ce livre davantage comme une thérapie que comme un roman. La
même critique, Vivian Gornick, poussera plus loin encore sa réflexion
sur la supposée misogynie de Philip Roth. Elle considère que l’auteur,
tout comme son confrère Bellow, transpose sur les femmes une colère
juive contre les Gentils. Selon elle, «dans tous les livres des
trois décennies suivantes, les personnages féminins sont monstrueux
parce que, pour Philip Roth, les femmes sont monstrueuses». D’autres critiques partagent cette vision d’un Roth misogyne suite à la lecture de Ma vie d’homme.
Des années plus tard, dans son roman Tromperie,
il mettra en scène une femme procureure qui accuse le personnage de
Philip de misogynie et de sexisme. Encore une fois, une belle mise en
abyme de la part de l’auteur. Le personnage se défend alors en demandant
pourquoi le portrait d’une femme doit être interprété nécessairement
comme le portrait de toutes les femmes. On retrouve là une réponse
habituelle de l’écrivain Philip Roth.
En 1999, Roth est invité à
un séminaire pour parler de ses œuvres et répondre aux questions
concernant celles-ci. Il apprend au cours de ce séminaire que son livre J’ai épousé un communiste
a engendré beaucoup de colère chez les femmes présentes pour assister
au séminaire. Une jeune femme lui reproche notamment de décrire des
personnages masculins avec de la profondeur tandis que ses personnages
féminins sont superficiels. Sa réponse est claire. Il existe dans ses
romans des femmes fortes mais il n’écrit pas sur des genres, simplement
sur des individus. Les femmes du séminaire lui faisant part de leur
difficulté à s’identifier aux personnages féminins de la littérature, il
leur répond que lui a eu, de son côté, du mal à trouver des héros juifs
auxquels s’identifier. Il les invite alors à s’identifier à n’importe
qui, peu importe le genre.
Un écrivain du désir sexuel et provocateur?
L’un des thèmes de prédilection de Philip Roth, comme le rappelle Claudia Roth Pierpont, est le sexe. C’est avec le roman Portnoy et son complexe
qu’il se fait connaître en 1969. Un roman subversif dans une époque qui
l’est tout autant. Portnoy est un adolescent juif de 13 ans. Un
adolescent très sage qui lutte contre sa conscience surdéveloppée. Ce
roman est une farce juive en ce qu’il met en scène un personnage qui
échoue à devenir mauvais malgré ses tentatives. Portnoy témoigne de la
permissivité de l’époque. L’auteur doit à ce roman sa réputation
d’auteur sulfureux. Il y décrit dans un style très cru les obsessions
sexuelles d’un adolescent: découverte de la sexualité, masturbation…
Conscient de la réputation qui est la sienne suite à la parution de Portnoy, Philip Roth s’en amuse en publiant le roman Le Sein
en 1972. Roman dans lequel un homme, David Kepesch, professeur de
littérature comparée et spécialiste notamment de Kafka, se réveille un
matin métamorphosé en sein.
En 1977, il publie Professeur de désir.
On retrouve dans ce roman le personnage de David Kepesch, qui raconte
lui-même son histoire. Il y est beaucoup question de satisfaction
physique et de bonheur, de séparation douloureuse entre le sexe et
l’amour. L’héroïne de ce roman se nomme Claire, mais la chronologie de
l’écriture du roman démontre qu’elle n’a rien à voir avec Claire Bloom.
Elle semble inspirée davantage par Barbara Sproul. Comme Barbara le fut
pour Roth, elle est la guérisseuse des blessures infligées par les
ex-petites amies de Kepesch. Le thème de ce roman est dans la lignée de Portnoy.
Une fois encore le désir sexuel est au cœur du récit, qui n’atteint pas
le même succès que son prédécesseur. D’après Claudia Roth Pierpont, il
s’agit pourtant d’un roman encourageant, en ce qu’il mêle les thèmes
chers à Philip Roth à des scènes novatrices.
Le Théâtre de Sabbath,
paru en 1995, comporte quelques-unes de ses scènes les plus sulfureuses
et obscènes. Le thème du sexe renvoie ici non seulement à la liberté
mais aussi et surtout à une protestation contre la mort elle-même.
Claudia Roth Piermont montre comment, au fil des années, l’œuvre de
Philip Roth traduit une angoisse du temps qui passe et de la mort.
Auteur et personnage?
Dans ce livre, l’auteur s’attache à
proposer un examen des œuvres de Philip Roth en suivant l’axe
chronologique. Il aurait été facile de classer ses œuvres par thèmes, ou
plus simple encore, en fonction des narrateurs. Mais ce choix d’une
analyse chronologique ne doit rien au hasard. La vie et l’œuvre de
Philip Roth sont intrinsèquement liées. L’auteur s’inspire de ses
histoires sentimentales, de ses échecs, de ses blessures ou encore de
ses voyages. S’il met en scène autant de personnages juifs, c’est parce
que c’est l’univers qu’il connaît le mieux. Dans Portnoy, les
parents ressemblent par de nombreux aspects à ses propres parents. Jack
Portnoy est comme Herman Roth courtier en assurance. Il a dû arrêter
l’école très jeune mais est travailleur. Sophie Portnoy est une fée du
logis, comme peut l’être Bess Roth. Dans ses autres personnages de vieil
homme juif, il n’est pas rare de retrouver des empreintes de son père.
Roth déclara dans une interview en France: «Il m’est quasiment impossible de ne pas l’inclure dans un livre que j’écris. […] Je dois fermer toutes les portes à double tour et les bloquer avec des meubles pour l’empêcher d’entrer.»
Nathan
Zuckerman est véritablement l’alter ego de Philip Roth dans ses romans.
Tout comme lui, il est né à Newark, dans une famille juive et aimante.
Il est allé à l’université, a fait l’armée et est finalement devenu
auteur. En revanche, là où leurs routes se séparent ‒et ce n’est pas
anecdotique‒, c’est lorsque la route suivie par Zuckerman ne croise
aucune Maggie. Tous deux partagent une crainte à l’idée de décevoir leur
père par leurs écrits. Dans La Leçon d’anatomie, le personnage
de Zuckerman est très malade, ce qui est le cas de Roth lors de
l’écriture du roman. Ce livre sur la douleur physique fait écho à la vie
de l’écrivain, alors confronté à divers problèmes de santé. D’autres
points communs unissent les deux hommes, comme leurs réactions aux
critiques ou encore leur réputation d’auteurs antisémites.
Provocateur, cherchant à dépasser ses propres limites
et à marquer la littérature américaine de son empreinte, Philip Roth est
un auteur sulfureux qui aime mettre en scène des personnages confrontés
à un dilemme moral.
Son roman Les Faits est en majeure partie
autobiographique. Il écrit ce livre dans une période difficile de sa
vie. De graves problèmes de dos et une opération ratée au genou lui
provoquent des douleurs terribles qu’il traite avec un médicament
violent provocant des hallucinations et une dépression. À peu près à la
même période, il est rattrapé par des problèmes cardiaques et se fait
opérer. Il considère l’écriture du roman Les Faits comme une nécessité thérapeutique.
Roth
semble fasciné par les mystères de l’identité. On peut penser que sa
volonté de brouiller les pistes entre fiction et réalité, de mettre en
scène des alter ego (homonymes ou non), de s’inspirer de
proches, essentiellement de femmes qu’il a fréquentées, est le résultat
de cette fascination. Ses narrateurs et personnages principaux
pourraient être considérés comme de nombreuses facettes de sa
personnalité. Zuckerman, Kepesch et Philip Roth (le personnage) sont des
hommes juifs ayant grandi dans les années 1930-1940, tout comme lui.
Ses personnages s’emparent des romans et prennent le contrôle. Mickey
Sabbath fait du Théâtre de Sabbath le roman le plus libre de Roth. Le Suédois, en revanche, apporte de la structure au roman Pastorale américaine.
De cette biographie plutôt élogieuse, on retient l’image d’un homme
de contradictions. Provocateur, cherchant à dépasser ses propres limites
et à marquer la littérature américaine de son empreinte, Philip Roth
est un auteur sulfureux qui aime mettre en scène des personnages
confrontés à un dilemme moral. Influencé par Henry Miller,
Roth veut faire entrer dans ses romans le répugnant, celui-là même que
nous faisons tout pour cacher et ne pas voir. Tirant son inspiration de
sa propre vie et ses propres expériences, l’écrivain met en scène des
personnages qui lui ressemblent et qui deviennent au fil des romans
récurrents. Des critiques lui ont reproché ce solipsisme, cette manie de
ne parler que de lui. Ce serait aller un peu vite dans l’analyse, comme
le montre Claudia Roth Piermont dans cet examen exhaustif de l’œuvre de
Philip Roth. Qu’importe si les personnages sont ses alter ego, les
romans développent des sujets universels comme le sens de la vie, le
sexe, l’amour, la douleur. Dans sa trilogie américaine (Pastorale américaine, J’ai épousé un communiste et La Tache), il prend pour thème l’histoire américaine, au cours de différents événements marquants.
À travers le regard admiratif, mais expert, de Claudia Roth Piermont, Roth délivré est
un excellent moyen de découvrir cet auteur pour les néophytes et de
prolonger le plaisir de la lecture de ses œuvres pour les connaisseurs.
[Source : www.slate.fr]
Sem comentários:
Enviar um comentário