La grande histoire d'amour entre Napoléon et Joséphine n'est-elle qu'un mythe?

 

Certains historiens accusent Ridley Scott de l'avoir exagérée dans son film.

«Joséphine et Napoléon aimaient sûrement davantage le pouvoir qu'ils ne s'aimaient entre eux.» | Capture d'écran SonyPicturesFr r via YouTube

Repéré par Bénédicte Le Gall 

Dans le dernier film de Ridley Scott, Napoléon, Joaquin Phoenix interprète l'empereur qui a, selon le réalisateur, «conquis le monde pour essayer de gagner l'amour de Joséphine, et, n'y parvenant pas, l'a conquis pour la détruire, et s'est détruit par la même occasion», relate The Conversation.

Pourtant, certains historiens dénoncent les choix de mise en scène du réalisateur, qui sont parfois éloignés de la réalité. Au cœur de la discorde, l'âge de l'actrice choisie pour jouer Joséphine, Vanessa Kirby. Elle est de quatorze ans la cadette de Joaquin Phoenix, alors que dans la vraie vie, Joséphine avait six ans de plus que Napoléon. Cette légère adaptation du réalisateur aurait-elle pu en entraîner une autre? La relation passionnelle entre les deux protagonistes représentée à l'écran a-t-elle été emphasée?

«Plus je m'acharne pour ne plus t'aimer, davantage je t'aime»

Mère de deux jeunes enfants, Joséphine de Beauharnais devient veuve pendant la Révolution française. Puisque son mari a été guillotiné, elle ne touche pas un sou à sa mort. Âgée d'une trentaine d'années, elle est convaincue par son entourage d'épouser le jeune et prometteur général corse: Napoléon Bonaparte, tombé sous son charme. Quelques mois seulement après leur mariage en 1796, il est envoyé en mission à la tête de l'armée révolutionnaire italienne.

Depuis le front, il lui écrit des dizaines de lettres passionnées, empreintes de chantage affectif. «Tu ne m'écris jamais, tu ne t'occupes pas de ton mari»; «Je n'ai pas de nouvelles de toi, je suis sûr que tu ne m'aimes plus»; «Chaque jour, je fais le compte de tes méfaits. Je m'acharne pour ne plus t'aimer, mais chaque jour je t'aime davantage», peut-on lire dans celles-ci. Lorsque Joséphine le rejoint en Italie, il l'espionne, jusqu'à ouvrir et lire le contenu du moindre courrier qu'elle reçoit. Peu à peu cependant, le sentiment amoureux de Napoléon s'estompe. À partir de 1797, les épanchements romanesques de ses lettres laissent place à un ton plus formel et impersonnel.

Joséphine entame une liaison avec un certain Hippolyte Charles, peut-être en résistance à l'emprise que son mari a sur le reste de sa vie. Napoléon découvre la vérité alors qu'il est en campagne militaire en Égypte: d'abord furieux, il lui pardonne à son retour à Paris. Elle reste à ses côtés et le soutient lors de son coup d'État en 1799.

«Joséphine a-t-elle aimé Napoléon au début? Je ne le pense pas»

Elle qui avait hésité à suivre son mari en Italie en 1796, l'accompagne désormais partout. Joséphine a tout intérêt à ce qu'il ne soit pas distrait par une femme plus jeune. Pourtant, cela semble inévitable: en 1807, Napoléon refuse la présence de son épouse en Pologne, où il entretient une liaison avec une certaine Maria Walewska. Malgré tout, des lettres de l'empereur prouvent qu'il a toujours des rapports sexuels avec Joséphine.

Cette dernière ne pouvant pas lui donner d'héritiers, il demande le divorce en 1809. L'événement est présenté comme «un sacrifice aux besoins de la nation». Napoléon continue de rendre visite à son ex-femme et de lui écrire des lettres. À la naissance de son fils, en 1811, Joséphine félicite Napoléon: «Je partagerais toujours votre bonheur, nos destins sont inséparables». Juste avant d'entamer sa campagne en Russie en 1912, l'empereur lui rend visite dans son château de Rueil-Malmaison. Il ne reverra jamais sa dulcinée, qui mourra deux ans plus tard, en 1814.

Katherine Astbury, professeure de français à l'université de Warwick, explique: «Il est difficile de qualifier leur relation, car nous n'avons retrouvé que très peu de lettres de Joséphine exposant sa version des faits. A-t-elle aimé Napoléon au début? Je ne le pense pas. A-t-elle fini par l'aimer avec le temps? Je pense que oui. Joséphine et Napoléon aimaient sûrement davantage le pouvoir qu'ils ne s'aimaient entre eux, mais la dernière visite de l'empereur à la Malmaison montre à quel point Joséphine comptait pour lui.»

 

[Source : www.slate.fr]