sábado, 15 de abril de 2017

Cohn-Bendit : «Macron, c’est un point d’équilibre pour repousser Fillon et Le Pen»

Rallié au candidat d’En marche, l’écologiste s’attend à «un changement d’ère politique» avec d’inévitables coalitions, et s’en prend à Mélenchon sur la Syrie et l’Europe.



Par Matthieu Ecoiffier et Rachid Laïreche 

Ex-leader de Mai 68, ancien coprésident du groupe vert au Parlement européen, cofondateur d’EE-LV - qu’il a quitté il y a trois ans -, Dany Cohn-Bendit a été suspendu de son poste de chroniqueur à Europe 1 en raison de son soutien à Emmanuel Macron. Il sera présent le 19 avril à Nantes à son grand meeting pour parler d’Europe.
Comment jugez-vous la tonalité de cette campagne ?
Je trouve que beaucoup de monde déraille. Je ne comprends pas bien les options des uns et des autres. Prenez par exemple Thomas Piketty, un grand économiste de renommée mondiale, qui conseille Benoît Hamon mais déclare aujourd’hui qu’au second tour il voterait Mélenchon et pas Macron. Cela revient à dire que le vote utile à gauche, c’est Mélenchon. Même Hamon a dit la même chose. C’est une désertion en rase campagne, un suicide en plein vol. Car il n’y aura jamais un second tour Mélenchon-Macron !
Vous retrouver avec Bayrou, Villepin ou Perben, ça vous fait pas bizarre ?
Mais arrêtez. Si j’étais avec le PS ou Mélenchon, je me retrouverais aussi avec des gens bizarres. Je dis simplement qu’aujourd’hui, l’équilibre pour repousser Marine Le Pen et François Fillon est là. N’oublions pas que la droite ultrathatchérienne, réactionnaire et catholique, est toujours debout. Elle se fout des affaires autant que l’extrême droite qui soutient Le Pen. Aujourd’hui, le candidat pour se sortir de ce marasme, c’est plutôt Emmanuel Macron. Mais je l’avoue franchement, se prononcer pour lui c’est prendre un risque.
Lequel ?
Le risque, c’est qu’Emmanuel Macron a un programme libéral-social ou social-libéral avec une plateforme écologique qui se défend, même si Hamon va plus loin. Moi je suis un soutien exigeant, pas un béni-oui-oui. Il est favorable à une réduction de la part du nucléaire à 50 % dans l’électricité en 2030 ? Ça veut dire qu’il faudra fermer plus qu’une centrale nucléaire. Pas seulement Fessenheim. Quand il dit qu’il va remettre une taxation écologique pour soulager celle du travail, il faudra le faire. Je serai exigeant.
Ne risque-t-il pas de se retrouver avec une majorité beaucoup plus à droite ou d’être condamné à l’immobilisme au centre ?
Oui, il y a un risque. Mais encore une fois qui aura une majorité ? Aucun élu le 7 mai n’aura une majorité absolue aux législatives. Il y aura vraisemblablement une forte représentation d’En marche à l’Assemblée si Macron est élu, mais il n’aura pas la majorité tout seul. Sa capacité à agir dépendra donc de l’intelligence politique des réformistes à gauche et à droite pour trouver un compromis pour gouverner. C’est cela qui est intéressant et nouveau dans la période politique actuelle.
Franchement, si Mélenchon gagne - inch’ Allah j’espère que cela n’arrivera pas ! -, vous croyez qu’il aura une majorité d’insoumis ? Hamon une majorité de frondeurs ? Ou Fillon une LR ? Faut pas rigoler. De toute façon en mai, on change d’ère politique. On va se retrouver après les législatives dans une situation où le président élu devra à mon sens tout de suite mettre sur la table l’introduction de la proportionnelle. Et faire un accord de gouvernement sur deux ans, au terme desquels il devra dissoudre pour faire élire une nouvelle Assemblée à la proportionnelle. Voilà ce dont je rêve.
Lorsque Macron annonce une réforme du code du travail par ordonnances, cela paraît autoritaire…
Je viens de l’appeler et nous en avons parlé tous les deux. Je lui ai dit : «Tes ordonnances, je ne comprends pas… Tu ne vas pas te mettre la CFDT sur le dos ?» Il m’a répondu que sur la loi travail, il ne faut pas des ordonnances mais une ordonnance qui renforce les possibilités de négociations d’accords d’entreprise. Ni plus ni moins. Je lui ai dit : «Tu ne peux pas, à la Fillon ou Juppé, te lancer dans une orgie d’ordonnances.»
Macron qualifie Mélenchon de candidat du Parti communiste. On croit entendre Giscard en 1974…
Le discours de Mélenchon à Marseille sur la paix, c’est Georges Marchais dans les années 60. C’est la même chose. Un pacifisme antiaméricain bête et méchant. Ce n’est pas comme cela que l’on va sauver la planète ou résoudre le problème de la Syrie, en se mettant d’accord avec Poutine et Assad. Je suis terrifié, j’ai des tas d’amis qui me disent : on va voter Mélenchon. Ils sont prêts à mettre une croix sur l’Europe, sur les exactions d’Assad soutenu par Poutine. Sans parler de l’autoritarisme du candidat Mélenchon, ses phobies bolivariennes…
Est-ce sur l’Europe que vous vous opposez le plus à Mélenchon ?
En disant «je renégocie les traités européens et en cas d’échec, je sors la France de l’euro», Mélenchon joue à la roulette russe sur l’Europe. Il dit «moi, le grand Jean-Luc Mélenchon, grand par le grand peuple français, je vais arriver à Bruxelles et mettre sur la table mon plan et dire "Madame Merkel, à genoux, tous à genoux". Je vais imposer que la Banque centrale européenne rachète les dettes des États». Mais comment ? Vous croyez que M. Draghi ou son successeur lui dira : «Évidemment Monsieur Mélenchon, nous n’attendions que vous !»
Comme cela ne se fera pas, ce sera alors le plan B. C’est-à-dire que, pour lui, sortir de l’euro et sortir de l’Europe, c’est une perspective réelle. Ce sera sur mon cadavre, parce qu’on peut avoir des tas de critiques sur l’Europe, notre seule chance, la chance des Français et des Allemands dans le monde d’aujourd’hui, c’est de la transformer. On ne sacrifie pas l’Europe, on se bat pour qu’elle bouge.




[Photo : Albert Facelly - source : www.liberation.fr]

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