Le Brésil se pare de jaune et de vert, les couleurs de son équipe de foot en route vers la Coupe du monde ! Des couleurs aussi victimes d’une manœuvre de récupération politique.
En route vers le Hexa !
Comme tous les quatre ans, Rio se prépare pour la grande fête du futebol, la Coupe du monde. On sort les drapeaux, on décore les rues et les bars avec guirlandes et fanions colorés, on peint des fresques sur les murs et les chaussées, on organise des espaces à l’air libre réservés aux seuls supporters. Tout est à la gloire de la Seleção, l’équipe nationale. Qui, bien sûr, va gagner la coupe ! Tout est en jaune et vert, les couleurs nationales.
Les spécialistes disent qu’il y a moins de mobilisation dans les rues et les espaces publics qu’auparavant. C’est bien possible. Beaucoup se passe désormais dans des espaces privés, fermés, entre amis : grands écrans, churrasco, batucada et bière à volonté ! Sans oublier drapeaux et maillots.
Car la ferveur est toujours bien présente au pays du futebol. On dit que le futebol n’y est pas un sport mais une religion. Pas faux. Même si, comme partout ailleurs, les enjeux d’argent, les conflits de pouvoir, les égos de certains joueurs et la violence des supporters ont de quoi rafraîchir les ardeurs.
Cette année, un mot revient en boucle : HEXA ! Comme SIX. Le fol espoir de tout un peuple de remporter sa sixième Coupe du monde. La dernière date de… 2002 ! Vingt ans, c’est long, beaucoup trop long pour les torcedores (supporters). Ils ont beau répéter qu’aucun pays n’a encore gagné autant de coupes qu’eux, il est bien temps d’en rajouter une nouvelle !
Confusion des genres
Mais cette année, il y a un petit hic question couleurs et symboles. Car c’est depuis septembre que les drapeaux fleurissent aux fenêtres des appartements de certains quartiers et de certaines voitures et que de nombreux Brésiliens vont faire leurs courses revêtus du maillot de la Seleção. Ce n’est pas une anticipation de la Coupe mais la manifestation de leur soutien inconditionnel au président-candidat Jaïr Bolsonaro. Lequel a tout simplement préempté pour son seul compte ces deux symboles du pays : le drapeau national et la camisa (maillot) de la Seleção. Ils sont devenus les attributs de son national-populisme : une confusion des genres parfaitement organisée, qui ne laisse aucun espace à son adversaire. Compliqué pour un supporteur de la Seleção partisan de Lula !
Pour le candidat ou pour la Seleção ?
Du coup, certains se mettent à rêver : le 18 décembre, le Brésil gagne enfin son Hexa ! Tous les Brésiliens, vêtus du maillot de la Seleção, agitent le drapeau national, tous ensemble, oubliant une division qui n’a pas de raison d’être. Un pays uni, réconcilié et vainqueur. En jaune et vert.
Histoire de couleurs
Au fait, d’où viennent ces deux couleurs majeures du drapeau national, qui date de la création de la République en 1889 ? On vous dira que le vert est celui des forêts du pays, dont l’amazonienne, et que le jaune représente l’or du Minas Gerais. Bien trouvé ! Mais en fait, elles sont l’héritage du drapeau impérial créé à l’Indépendance, en 1822 : le vert est celui de la famille de Bragance, de l’empereur Dom Pedro, et le jaune or vient de la famille des Habsbourg, de l’archiduchesse, devenue impératrice, Leopoldina.
Mais, aujourd’hui pour tout un peuple, ce sont les couleurs de la Seleção auriverde (or et vert). Un point, c’est tout ! On oublie l’histoire et la politique.
Christian Pouillaude
[Photos de l'auteur - source : www.courrierinternational.com]
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