segunda-feira, 6 de março de 2017

Grandeur et décadence du judaïsme européen

Les Juifs de Belgique, pourtant bien informés, doivent ignorer que l’organisation représentative juive européenne, le Congrès juif européen, est présidée depuis 2007 par un milliardaire russe : Viatcheslav Moshé Kantor. Il s’est ailleurs fait élire pour la quatrième fois en janvier dernier lors d’une soirée de gala organisée dans le cadre de la Journée internationale du souvenir de la Shoah, et ce sans le moindre débat et sans qu’aucun autre candidat ne se soit présenté ! 

Écrit par Nicolas Zomersztajn 

Qu’un milliardaire russe préside le Congrès juif européen est une chose. Mais que cet oligarque s’accommode des violations flagrantes des droits de l’homme dans son pays d’origine en est une autre bien plus préoccupante. Alors qu’il se doit, en tant que porte-voix du judaïsme européen, d’inscrire son action dans une perspective de défense des valeurs démocratiques, il n’a jamais dénoncé les dérives autoritaires de la démocrature de Vladimir Poutine. Ce silence est d’autant plus assourdissant que dans le sillage de la Russie, des pays d’Europe orientale comme la Pologne et la Hongrie tournent le dos à l’universalisme et à la démocratie libérale pour exalter le nationalisme exacerbé et prôner la haine de l’Occident jugé décadent. Tout cela ne semble pas préoccuper M. Kantor qui n’hésite pas à poser fièrement aux côtés du maître du Kremlin pendant que ce dernier plaisante sur l’antisémitisme auquel se heurtent les Juifs européens en les invitant à s’installer dans la très inhospitalière Russie.

Cette situation est embarrassante, car elle ne correspond pas du tout à l’état d’esprit démocratique des Juifs européens et risque de les faire passer pour ce qu’ils ne sont pas : des soutiens à un autocrate corrompu hostile à l’Europe. Il est donc grand temps de mettre fin à cette situation dans laquelle un homme s’est offert le Congrès juif européen comme un oligarque russe s’offre un club de football. Il s’agit pour lui d’acquérir une notoriété et une respectabilité que ses affaires ne peuvent lui procurer. 

Or, ce n’est pas de cette manière que les institutions juives fonctionnent. C’est même tout le contraire. Leurs dirigeants sont choisis parce qu’ils jouissent d’une notoriété et d’une respectabilité censées rejaillir sur ces institutions. C’était précisément le cas de René Cassin (1887-1976) lorsqu’il est devenu président de l’Alliance israélite universelle en 1943. C’est même suite à la demande expresse du général de Gaulle qu’il est devenu président de cette organisation juive internationale dont la vocation est l’éducation, la promotion de la culture française à l’étranger, la défense des droits de l’homme et le dialogue interreligieux.

René Cassin, dont on a commémoré le 20 février dernier le 40e anniversaire de sa mort, a assuré la présidence de l’Alliance israélite universelle jusqu’à sa mort en 1976, en considérant qu’elle devait toujours « se placer sur le plan de la dignité humaine ». Éminent professeur de droit, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, juriste de la France libre aux côtés du général de Gaulle, négociateur lors de la création de l’UNESCO, rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, président de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, vice-président de la Cour européenne des droits de l’homme et prix Nobel de la paix en 1968, René Cassin s’est toujours soucié du sort des Juifs à travers le monde, sans jamais faire de l’Alliance israélite universelle un jouet à sa propre gloire. Lorsqu’il agissait au nom du judaïsme, Cassin s’efforçait toujours de se montrer fidèle à sa conception universaliste des droits de l’homme. De sorte qu’on fit appel à lui pour la rédaction des textes de Vatican II sur les Juifs.

Nous ne pouvons aujourd’hui honorer la mémoire de René Cassin, ce grand Juif et ce « fantassin des droits de l’homme » comme il aimait s’appeler, et regarder sombrer le judaïsme européen au gré des caprices dispendieux d’un oligarque russe soutenant un autocrate comme Poutine.

[Source : www.cclj.be]


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