Un intérêt croissant du public pour l'artisanat de la traduction, selon les professionnels du livre
L'aide à la traduction est une des principales missions du CNL qui invitait lundi 6 octobre avec l'Association des Traducteurs Littéraires de France les différents acteurs du monde du livre à une journée autour de la traduction. Une rencontre mouvementée, qui reflète également l'implication personnelle des différents acteurs dans le domaine
Journée de la traduction organisée par le CNL et l'ATLF lundi 6 octobre 2014 |
Un an après avoir accueilli les 40 ans de l'Association des Traducteurs Littéraires de France, le CNL consacrait lundi 6 octobre une journée à la traduction destinée aux professionnels du livre. Son président, Vincent Monadé a rappelé en ouverture les améliorations apportées par l'accord passé sous l'égide du CNL entre le SNE et l'ATLF en 2012 (le Code des usages) et précisé qu'à partir de juin 2015, les dossiers de demande d'aide à la traduction qui ne respectent pas le tarif plancher fixé à 21 euros le feuillet (au lieu de 18 euros) ne seront plus acceptés. Toutefois, il note qu'« un long chemin reste à parcourir pour que les traducteurs soient reconnus comme auteurs à part entière, pas chez les “bons éditeurs”, mais dans les pratiques de notre métier et dans la tête du public ».
« Pour la première fois, les traducteurs s'adressent à ceux qui les diffusent »
Alerté par un courrier de Édith Soonckindt (publié dans les blogs de l'ATLF et de Pierre Assouline) sur la pression exercée sur les traducteurs pour tenir des délais toujours plus courts, notamment pour la traduction des best-sellers, Vincent Monadé a plaidé pour une action commune des traducteurs et des éditeurs, eux-mêmes soumis aux lois du marché du livre dans une économie globalisée. Laurence Kiefé, présidente de l'ATLF, lui fait écho qui note que « pour la première fois, les traducteurs s'adressent à ceux qui les diffusent – libraires, éditeurs, bibliothécaires, organisateurs de salon, de festival » et que « dans une conjoncture difficile, il convient de se serrer les coudes », les traducteurs souhaitant « être les meilleurs ambassadeurs de leurs livres ».
Ce rôle d'ambassadeurs de la littérature étrangère et de passeurs de textes est unanimement salué par les intervenants des deux tables rondes, la première intitulée « Après la traduction, la promotion », la seconde « Traducteurs, lecteurs : une belle rencontre ». Les deux éditrices présentes, Sabine Wespieser et Sophie Benech, elle-même traductrice du russe, témoignent de la façon dont les traducteurs sont des « apporteurs de textes » pour les maisons d'édition. « Ils sont aussi à l'origine de redécouverte », rappelle Sabine Wespieser, qui officiait à Actes Sud à l'époque où André Markowicz y retraduisait Dostoïevski…
Un intérêt croissant du public pour le métier
Libraires, bibliothécaires et organisateurs de manifestations notent par ailleurs un intérêt croissant pour le métier, notamment pour ses aspects techniques. Chacun témoigne à tour de rôle de la curiosité de leur public pour les ficelles de la traduction.
Que ce soit Cécile Quintin, directrice du festival Lettres du monde à Bordeaux qui multiplie les duos auteurs-traducteurs, le bibliothécaire Bernard Coste, coorganisateur d'Etranges lectures dans le Périgord, Corinne Chiaradia de l'agence ECLA, qui travaille avec les scolaires en Aquitaine, ou encore David Rey de la librairie Atout livre et Karine Henry de Comme un roman, qui invitent régulièrement des traducteurs. Cette dernière raconte comment, à l'occasion d'une de ces rencontres, « c'était Lobo Antunes qui écoutait son traducteur et qui lui posait des questions ! » Elle remarque enfin que le nom d'un traducteur peut désormais être « déclencheur d'un achat ».
Quelques voix s'élèvent pour signaler que les traducteurs, comme les auteurs, n'ont pas tous le goût ou le talent pour ce rôle de bateleur. Antoine Cazé, traducteur et responsable du master de traduction à l'Université Paris Diderot, préfère de son côté mettre en avant les lectures bilingues « qui laissent parler l'œuvre ».
Patrick Maurus, traducteur du coréen, directeur de collection chez Actes Sud et enseignant à l'Inalco, brise ce beau consensus et apporte un bémol à l'optimisme général, en dénonçant l'absence d'égalité entre les différents maillons de la chaîne du livre et la méconnaissance du métier des uns et des autres. À ce propos, il pose la question qui fâche, à moins que ce ne soit la réponse qui puisse fâcher : « Quand les trois autorités – l'auteur, l'éditeur, le critique — viennent-elles à nous ? ».
Écrit par Claire Darfeuille
[Source : www.actualitte.com]
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