Arthur H possède une voix sensuelle et grave. Il l’a mise à l’épreuve dans son nouvel album, L'Or d'Eros, pour conter des poèmes sexuels et faire vibrer les sens avec l’aide de ce compagnon de "libi-duo," le musicien jazz-electro, Nicolas Repac.
La poésie sexuelle francophone du 20e siècle a sa bande-son. Si les disques d’Arthur H parlaient d’amour, le conteur à la voix de pierre n’avait pas touché aussi fortement le sujet dans son propre répertoire. Il a donc pioché dans des textes d’une immense richesse (Guillaume Apollinaire, James Joyce ou Georges Bataille, entre autres) pour y extraire une nourriture sémantique exquise.
La musicalité des mots crus produit un effet euphorisant. Tout comme jaillissait du hip hop sensuel de LL Cool J, du jazz charnel de John Coltrane et du trip hop cher à Massive Attack, une substantifique charge sexuelle. Jouant sur des sonorités basses et une voix profonde et feutrée, le duo excite l’oreille. On est au choix, en plein film noir ou érotique selon la plage du disque jouée.
Pour souligner l’élégante lecture de ces morceaux de bravoure érotiques, Nicolas Repac a croqué avec doigté des fresques musicales sensuelles et brutes, tantôt roses, tantôt noires. La palette de sons est aussi large que les positions du Kamasutra et elle est utilisée avec esprit.
Dans L’oeil de chat, les jeux d’un jeune couple préférant l’onanisme spirituel au coït brutal, racontés sur un air de piano sobre sonnent répétitifs et beaux. L’héroïne concluant à la fin de ce texte de Georges Bataille sur ces mots quasi a capella : "je ne veux plus que tu te branles sans moi".
L’ambiance du disque est belle, tendue, confortable par moments, inquiétante aussi mais jamais moite et jamais glauque. Il y a du romantisme, du trash mais aussi des plaisirs imaginés qui remplissent le cerveau d’images interdites. Avec Roman d’amour (fragment) de Ghérasim Luca, un personnage d’homme paradoxal y est raconté, entre son désir de procréer et ses pulsions animales. Le parler chanté d’Arthur H met en avant cette "femme au sexe soyeux" face à un homme en proie à un milliard de questions. Les sons de pas utilisés par Repac sont une heureuse trouvaille. Il y a quelque chose de religieux dans les orchestrations avec ces longues notes de piano qui s’étirent avant l’arrivée finale des violons.
Arthur H met l’amour et l’obscénité sur un pied d’égalité vocal. Le miracle opère. Il est moins émouvant sur Prendre corps en conclusion de l’album. Comme si l’exécution d’un poème en musique n’était pas toujours une évidence. Dans L'amour, avec Lou Doillon, Arthur H recrée un "Je t’aime... moi non plus" dans un va-et-vient de combinaisons, sorties de l’esprit prolifique des maîtres André Breton et Paul Eluard.
Arthur H susurre, fait résonner ses cordes, vocalise et échappe à la monotonie. Il ne fallait pas surjouer la diction de mots gras, raides et revêches, pas enjoliver des phrases déjà douces comme le satin ou sales comme les saillies verbales d’un James Joyce déchaîné. L’alliage électro-érotique de ce concept-album tient la chaleur. Alors que les textes semblent contemporains, le mélange atmosphérique du duo serait plutôt intemporel. Il sera servi en live au festival off d’Avignon l’été prochain.
Arthur H et Nicolas Repac L’Or d’Eros (Naïve) 2014
Site officiel d'Arthur H
Page Facebook d'Arthur H
Spectacle Le Rouge et Le Noir les 20 et 21 mai 2014 au Centquatre, Paris.
Par David Glaser
[Source : www.rfimusique.com]
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