Wiertz est un peintre belge à l’écart de toutes les modes de son siècle. Il avait extorqué à l’État un espace considérable pour y installer son atelier, qui est devenu le musée de ses œuvres, souvent de très grande taille. C’est à Ixelles, un faubourg de Bruxelles, et ça vaut le coup d’œil, d’autant que la foule ne s’y presse guère.
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Antoine Wiertz (1806-1865), La Liseuse de romans, 1853 |
Écrit par Jean-Paul Brighelli
Sed non satiata, dit le poète. Comme Messaline, épuisée d’orgie
mais non encore satisfaite, C*** rentre au petit matin, par les rues humides où
seuls s’activent les nègres des poubelles — débordant de foutre : elle a, très
jeune, pris le goût de marcher dans la rue avec sa culotte trempée par la
mouille et le sperme, gênée et glorieuse à la fois. Elle a été baisée toute la
nuit, dans le bordel chic où son amant la loue, parfois, pour le seul plaisir
de l’humilier en la livrant à des inconnus — et pour l’argent aussi : dans son
petit sac, elle a une somme considérable, en billets froissés. A priori, les
clients viennent pour se faire sucer — elle est experte en ce domaine —, mais
une fois à pied d’œuvre, à regarder ses lèvres s’arrondir autour de leur queue,
à voir ses petits seins ballotter pendant qu’elle s’active sur leurs couilles,
ils ne résistent pas à la tentation d’investir son ventre plat ou son petit cul
pommé — et, en général, l’un et l’autre. Quarante euros la pipe, mais cent pour
une baise conventionnelle, deux cents pour une sodomie bien profonde : elle a
dans son réticule de quoi offrir à son chéri l’un de ces restaurants de luxe où
il adore l’exhiber, la robe presque ouverte sur sa poitrine ferme, le visage
sérieux et mutin à la fois. Le Grand Véfour ? Ledoyen ? Guy Savoy ? La table de
Joël Robuchon ? Ou l’un des salons privés de Lapérouse, dans le souvenir des
cocottes qui venaient y essorer les mandataires des Halles — et faisaient sur
les miroirs l’épreuve de leurs diamants ?
Sur le boulevard de
Bonne-Nouvelle, les premiers taxis redescendent, chargés, de la Gare de l’Est,
ou de la Gare du Nord. Elle frissonne. L’idée de retrouver son amant, bien au
chaud dans un lit douillet, lui fait presser le pas.
Le veilleur de nuit
dormait, à l’hôtel, et maugrée un peu en la voyant arriver — mais il sourit
quand même. « Déjà ? », plaisante-t-il. C’est un Levantin qui flaire sur elle
l’odeur des hommes qui l’ont bousculée cette nuit. Sans doute se
masturbera-t-il en pensant à elle, lorsqu’il retournera sur sa couche étroite.
S’il savait, seulement, que l’un d’eux lui a même tanné le cul à coups de
ceinture, pour la porter au rouge avant de l’enfiler ! Elle en a gardé les
traces non équivoques, elle brûle de les montrer à son Amant, toujours ravi de
lire en elle la trace de son ignominie.
Dans l’ascenseur, elle
sent à nouveau son ventre couler — non de ce que les hommes y ont déversé, mais
d’une excitation nouvelle, à l’idée d’exposer en pleine lumière à son amant son
anus dévasté, son sexe encore béant après tant d’intromissions démesurées.
Il n’a pas tout à fait fermé la porte du 66, afin
de la laisser entrer comme un songe, de la sentir se glisser contre lui, toute
fraîche des brumes du dehors, toute moite encore des foutreries de la nuit.
La veilleuse est encore
allumée. Elle se déshabille lentement. Elle se doute qu’il l’observe, qu’il
feint de dormir, qu’il ne perd rien de son strip-tease. Ostensiblement, après
avoir ôté le dernier linge, elle renifle sa culotte absolument trempée de
déjections variées — comme si elle y retrouvait le détail phérormonique des
hommes de sa nuit : les deux cadres très supérieurs en goguette, qui l’ont
prise en sandwich, le grand timide qui vient régulièrement pour elle,
l’ambassadeur africain avec sa bedaine considérable et sa queue courte et très
épaisse, un ministre français en exercice qui débarque régulièrement avec son
épouse, qu’il fait baiser devant lui par le garde du corps de la maison, un
Maghrébin dont le sexe énorme commence par un gland violet, un abricot gonflé
que la circoncision met diablement en valeur — pendant que lui-même s’offre
l’une ou l’autre des jeunes femmes mises à sa disposition. Et quelques autres,
de passage, provinciaux en goguette, touristes de haut vol munis des bonnes
recommandations. Sans oublier cet évêque en civil, spécialiste exclusif de la
sodomie. Tous ont laissé en elle leur message génétique — deux dans sa bouche,
deux dans son vagin, les autres, tous les autres, dans son cul. Elle avait, en
marchant, l’impression que son anus ne se refermerait plus jamais.
Elle se love contre le corps tout chaud de son
amant, comme si elle épousait les formes d’une viennoiserie géante, sortie du
four.
– C’était bien ? demande-t-il à mi-voix.
– Je suis un sac à foutre plein, mon amour,
murmure-t-elle.
Puis, dans un souffle, et comme elle le sent furieusement
bander contre elle :
– Prends-moi. Parle-moi.
Il s’insinue dans son
vagin détrempé, dans cette source inépuisable qu’elle porte entre ses jambes,
ce puits sans fond irrigué de semences diverses.
– Tu les as tous sucés, n’est-ce pas ? Avec un plaisir sans cesse renouvelé…
– Oui — oui, je les ai sucés à fond, jusqu’à ce que leurs queues me brûlent
la glotte… j’aime ça !
– Et ils t’ont baisée longuement — en levrette probablement…
– Oui, oui, ah, j’adore ça, mon amour — bien leur montrer mes trous pour
qu’ils fassent leur choix… Comme une petite chienne…
– Et ils t’ont prise en te claquant les fesses, n’est-ce pas…
– Très fort. Ils m’ont frappée très fort, en me
défonçant la chatte…
– Mais ce n’est pas là qu’ils ont joui, pas vrai ?
– Non !, gémit-elle — et, immédiatement, elle crie « Oui, oui, oui ! »
parce que sa queue l’emplit complètement, et titille en elle des zones si
sensibles qu’elle en crierait.
– Ils t’ont déchiré le cul, ma toute belle — mon amour — ma chérie, ma
chérie…
– Oh oui, comme tu vas le faire, n’est-ce pas…
J’ai tellement envie que tu m’encules, toi aussi…
– Là maintenant ?
– Non — oui, attends…
Il n’attend guère. Elle s’est lovée en cuillère contre lui, en se couchant,
et c’est dans cette position qu’il l’a prise — à la paresseuse. Elle saisit le
membre qui lui fouillait la chatte, et le pointe d’autorité sur son anus
assoupli par les queues qui s’y sont aventurées, qui l’ont ramonée pendant des
heures.
– Oh, oui, dit-elle en se cambrant pour le sentir,
au plus vite, au plus profond. Oh, comme tu m’encules bien, mon amour…
– Tu as encore leur foutre dans le derrière, n’est-ce pas, petite putain…
– Oui, je suis ta putain, une roulure, une dévergondée…
– Je te punirai, dit-il.
– Comment ? Oh, dis-moi comment…
– Une vraie fessée — c’est tout ce que mérite une petite traînée comme toi…
Couchée sur mes genoux, la jupe retroussée, la culotte à mi-cuisse. Sale gamine
! Je vais te mettre les fesses en feu !
– Et tu me mettras au piquet ?
– La jupe retroussée, pour qu’on voit bien tes fesses rubicondes. Les mains
derrière le dos, sinon tu te branlerais, pas vrai, petite garce ?
– Ça, c’est sûr, dit-elle en s’astiquant le bouton
de plus en plus fort. Elle sent monter l’orgasme — elle a joui plusieurs fois
cette nuit, mais rien qui puisse se comparer aux extases que lui procure son
Amant, cette impression de mourir, de mourir de ne pas mourir, de décoller, et
de retomber comme un avion en feu, sur le tarmac du lit — secouée de spasmes,
les yeux pleins de larmes — et, bientôt, frissonnante, presque glacée,
pelotonnée sous la couette, dans la chaleur de son amant. « Je vais jouir, mon
amour, dit-elle soudain. Je vais jouir… Donne-moi ton foutre… Donne-le moi… »
Il accélère ses allers-retours, il la défonce complètement, sortant presque
entièrement à chaque fois, et plongeant en elle jusqu’à ce que ses poils lui
frottent les fesses, vingt centimètres de chair brute, où la grosse veine
dessine un relief tourmenté. Elle a été pénétrée, cette nuit ou autrefois, par
des queues plus considérables, qui lui fouillaient les entrailles, mais il est
le seul dont elle a l’impression qu’il lui remonte jusqu’au cœur…
– Oh mon amour, crie-t-elle soudain, oh je t’aime…
De sentir les jets de foutre lui jaillir dans la grotte, se perdre dans son
rectum dévasté, et y noyer les brumes de sa nuit, les traces de son passé,
accentue encore son déchirement. Elle crie, « oh oui, oui ! oh mon amour ! » —
puis ce n’est plus qu’un long hurlement, la langue en lambeaux du foutre et de l’amour.
Elle ne revient à elle qu’après un long moment. Il a ramené sur elle la
couette que, dans leur fougue, ils avaient jetée au pied du lit. Elle grelotte,
en se pelotonnant contre son amant.
– Serre-moi, serre-moi fort, murmure-t-elle.
Et, immédiatement après :
– Parle-moi…
[Source : blog.causeur.fr/bonnetdane]