sexta-feira, 27 de maio de 2022

Argentine : à Buenos Aires, le foisonnement de librairies

 En 2021, Carime Morales décida d’ouvrir sa propre librairie, dans le quartier de Parque Chas, où elle réside. Espace verdoyant, résidentiel, au cœur de Buenos Aires, elle a connu un succès immédiat. Mala Testa – de même que d’autres établissements de quartiers – a vécu une embellie post-pandémie. Et la capitale de l’Argentine se redécouvre une passion pour la lecture. 

 ActuaLitté                                        Mala Testa

Publié par Clément Solym

Un reportage du New York Times nous transporte ainsi dans la vie de cette commerçante de Buenos Aires, une des villes qui compte le plus grand nombre de librairies par habitant au monde. Cecilia Fanti, propriétaire de Céspedes Libros, créée en août 2017, observe avec un réel plaisir cette prospérité : elle-même a dû agrandir son établissement, trois ans après l’ouverture, pour répondre à la demande.

Car, une fois n’est pas coutume, si les boutiques en ligne proposent tout ce qui peut exister de livres ou presque, les libraires savent proposer un conseil que le point-and-click ne permet pas. Et que les clients sont rapidement venus chercher : « Il est juste qu’en ligne se retrouve absolument tout, mais on n’achète que ce que l’on sait chercher », souligne Victor Maumián, éditeur chez Godot, maison indépendante — et cofondateur d’un salon du livre pour éditeurs indépendants. « Les petites librairies vous accompagnent dans la découverte de ce que vous ignoriez chercher », poursuit-il.

Manifestement, cette connexion aura fait toute la différence, et la proximité avec les habitants du quartier devient fondamentale, explique Carime Morales. Résidente et commerçante, elle vit à la jonction des deux mondes. « Mes voisins sortent acheter une laitue puis s’arrêtent au magasin pour un livre », raconte-t-elle. La réussite de Mala Testa est telle qu’elle a même cessé son activité d’éditrice indépendante, se consacrant à temps plein à la vente des livres.

L'engouement... et l'avenir

Après trois années consécutives de récession, entre 2018 et 2020, l’Argentine et ses industries ont souffert de la pandémie Covid. Le confinement de mars 2020 n’a pas amélioré les choses pour l’édition. La célèbre avenue Corrientes, connue justement pour ses grandes boutiques de livres, se désertait totalement… Il ne restait aux Porteños, comme on appelle les habitants de Buenos Aires, qu’à dénicher leurs lectures dans les librairies de quartier.

Nurit Kasztelan, propriétaire de Mi Casa, dans le quartier de Villa Crespo, se souvient qu’à cette époque, elle n’avait « même plus le temps de lire. Les gens se sont mis à acheter quatre ou cinq livres par mois ». Ce volume de lecteurs, que les professionnels du livre qualifient d’unique en Amérique latine, aura permis aux petites librairies de prospérer, malgré les temps difficiles.

« L’Argentine est peut-être toujours en crise, mais elle compte bon nombre de lecteurs. Et pas n’importe lesquels : ceux qui sont toujours à la recherche de nouveautés », analyse Cristian De Nápoli, auteur et propriétaire d’Otras Orillas, basée dans le quartier de Recoleta.

Pour un éditeur indépendant, le tirage moyen va de 500 et 2000 exemplaires imprimés : les grands éditeurs peuvent grimper jusqu’à 10.000 exemplaires. Sans ces partenaires, les petites structures n’auraient donc aucune chance de s’en sortir — d’autant que les grandes chaînes de librairies impliquent des campagnes marketing coûteuses. Chose que les indépendants ne peuvent se permettre…

Ana López, qui dirige Suerte Maldita à Palerme, le souligne : « Nous avons les mêmes livres que tout le monde, mais la clef c’est que nous ne présentons pas les mêmes livres. Bien sûr, si quelqu’un demande le dernier best-seller je peux lui obtenir, mais ce n’est pas lui que je choisis de mettre en vitrine. Plutôt les petits éditeurs. »

Toute la question demeure pourtant de savoir comment de boom de la librairie sera vécu dans les prochaines années, et quelle pérennité pour ces entreprises. « Il y a vraiment une sursaturation des librairies, en particulier dans certains quartiers », note Nurit Kasztelan. Si le livre peut encore s’avérer un commerce prospère, reste à voir ce qu’il en sera pour l’avenir.

 

[Source : www.actualitte.com]

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