segunda-feira, 25 de outubro de 2021

En conserve, en beignets et même au musée : pourquoi les Portugais sont-ils si attachés à leur morue ?

 On la surnomme l'«amie fidèle» et la légende veut qu'il existe mille et une façons de la cuisiner. Quel est ce lien si particulier qui unit le Portugal au «bacalhau», pêché dans les eaux froides de l'Atlantique nord ?

 La morue et le Portugal, un lien comme il n'en existe nulle part ailleurs. Johan Ricou 
      

Écrit par Johan Ricou

À l'origine de la relation unique entre le Portugal et le bacalhau (morue en portugais), il y a la volonté du régime de Salazar (État nouveau, 1933-1974) de parvenir à l'autonomie alimentaire, notamment au moyen d'une pêche massive du cabillaud dans les eaux froides et hostiles de Terre-Neuve ou du Groenland. Une priorité pour l'État dictatorial de ce pays, qui importait 90 % de ce qu'il consommait. Les pêcheurs de tout le littoral furent alors massivement mobilisés et envoyés dans l'Atlantique à bord de navires mères, d'où ils étaient largués au milieu des vagues et des icebergs, dans de minuscules embarcations en bois appelées dori. La propagande de l'État nouveau fut mise au service de cette cause nationale, avec en point d'orgue une messe annuelle organisée au Monastère des Hiéronymites, à Belém, clin d'œil appuyé à la glorieuse période des découvertes maritimes, que le régime rêvait de retrouver.

Présentés comme des héros, les pêcheurs étaient même exemptés de conscription et échappaient aux guerres coloniales en Afrique. Il fallait bien cela pour les convaincre de s'aventurer dans la mission aussi éprouvante que dangereuse de « Rapporter à la patrie le pain des mers ». Sous l'impulsion de Salazar, qui organisa sa pêche et son commerce, le bacalhau est ainsi peu à peu devenu « l'ami fidèle » d'une population nécessiteuse, « la viande des pauvres » que l'on trouvait à toutes les tables et à toute occasion. Un poisson dont le lien avec la nation n'existe nulle part ailleurs. Voici nos quelques conseils pour apprécier au mieux son histoire et sa gastronomie, à table, sur le pouce, en conserve, au musée ou dans vos valises !

Règle nº 1 pour apprécier la morue : en manger, encore et encore ! Terra Nova - Populi

À table

Règle nº 1 pour apprécier la morue : en manger, encore et encore ! Terra Nova - Populi

Le meilleur moyen de découvrir la morue est… d'en manger ! Le plus possible. Car ne croyez pas qu'une rapide dégustation vous permettra d'en apprécier tous les contours : en carpaccio ou tartare, en beignet, en tapas (petisco), bouillie, rôtie, grillée à la braise, frite, en filet ou effilée, au quotidien ou à Noël, en tartine (tiborna), entrée ou plat principal, à la mode de Lisbonne, de Porto ou de Braga, au curry ou confite… Il existe bel et bien mille et une façons de préparer cet ex-libris de la cuisine du pays, comme l'affirment fièrement ses habitants.

Et comme pour le cochon, dans la morue, tout est bon ! Ne vous étonnez donc pas de retrouver à certaines cartes des plats composés de joues (bochechas) ou de têtes (cara) de bacalhau, ou de parties de son estomac (bucho) ; les langues (linguas) de bacalhau se savourent cuisinées avec du riz ou panées ; quant à ses œufs, frais ou fumés, ils constituent d'excellentes tapas.

Tradition ou modernité ? À vous de choisir ! Casa do Bacalhau

Sur le pouce

Vous voilà pris d'une soudaine fringale lors de votre visite du centre historique parfois escarpé de Lisbonne ? Rassurez votre estomac : « l'amie fidèle » se déguste à toute heure, sous la forme d'un beignet semblable aux acras antillais (mais sans piment), le pastel de bacalhau (bolinho de bacalhau dans le nord du Portugal). À base de morue, de pomme de terre et de persil, sa recette date de 1904 et d'un traité de cuisine d'un officier de l'armée portugaise. Vous en trouverez dans tous les cafés du pays, ou presque, mais avec un petit bémol : pour ne rien perdre de son croustillant, il doit se manger chaud, ce qui est rarement le cas.

Depuis quelques années, une mode à fait son apparition, loin de faire l'unanimité : le beignet de morue au fameux fromage crémeux Queijo da Serra. Les uns y voient un sacrilège, un affront fait à une formule immuable. Les autres apprécient cette alliance de deux produits emblématiques de la gastronomie portugaise. Traditionaliste ou avant-gardiste ? Essayez les deux et forgez-vous votre avis ! Si vous vous sentez l'âme conservatrice, la Tasca Estrela d'Ouro (quartier de Graça) propose d'excellents beignets classiques. Mais si la modernité a votre préférence, ruez-vous sur les polémiques beignets de la Casa Portuguesa do Pastel de Bacalhau, à l'origine du concept et qui dispose désormais de nombreux points de vente. Ils y sont préparés devant vous et servis chauds.

Les assortiments de conserves font office de cadeau idéal. Maël Sandro Ricou

En conserve...

Lisbonne est connue pour ses incroyables conserves de poisson et parmi les sardines, saumons, lamproies, poulpes et maquereaux, la morue est elle aussi mise en boîte depuis les années 1930. La « viande des pauvres » s'apprécie alors grillée ou bouillie, avec de l'huile de l'olive et de l'ail. Ses œufs fumés sont également un grand classique. À Lisbonne, les deux conserveries historiques de la capitale sont situées à quelques mètres l'une de l'autre, à deux pas de la Place du Commerce, dans la bien nommée « Rua dos Bacalhoeiros » (rue des marchands de bacalhau).

La Conserveira de Lisboa, la plus ancienne (1930), a préservé le charme désuet des boutiques et des emballages typiques du début du XXe siècle. La Conserveira Comur, née dans la ville d'Aveiro en 1940, propose pour sa part un packaging au design bien plus moderne, aux couleurs vives, composant de magnifiques rayons. Dans les deux cas, vous y trouverez des produits de qualité et de délicieux souvenirs gastronomiques à offrir à votre entourage. Les assortiments sont toujours très appréciés.

Découvrez l'histoire du bacalhau au musée qui lui est consacré. Turismo de Lisboa – Lismarketing – CIHBacalhau

... ou au musée

C'est en 2020 que le Centre d'interprétation de l'histoire de la morue a ouvert les portes de son exposition consacrée à l'amie fidèle du Portugal. Situé en plein centre-ville de la capitale, sur la grande Place du Commerce, il retrace en quelques salles thématiques (saga, vie à bord, propagande, à table…) l'histoire d'un poisson intimement associé à la culture du pays ; celle de ses pêcheurs qui bravaient autrefois les mers hostiles de l'Atlantique nord sur de frêles barques en bois ; ou de la politique du régime de Salazar, qui éleva la pêche du cabillaud au rang de priorité nationale.

Les plus petits apprécieront la reconstitution de l'expérience de ces valeureux Portugais, dans une pièce spéciale à la température très fraîche, assis dans un bateau en mouvement, entourés d'images de forte houle et de dangereux icebergs… À la sortie, une superbe boutique vous permettra de prolonger l'aventure. Peluche bacalhau pour les enfants, morue de l'Atlantique vendue en emballage scellé, conserves, vaisselle ou t-shirts thématiques : si vous souhaitez mettre un peu de morue dans votre vie, précipitez-vous-y ! Un regret : les éléments audio et les sous-titres des vidéos ne sont pas traduits en français. Sans maîtrise de l'anglais ou du portugais, point de salut.

Praça do Comercio | Tous les jours, de 10 h à 19 h | Adulte, 4 € ; 6-15 ans, 2 € ; + 65 ans, 3 € ; Lisboa Card, gratuit.

Rapporter de la morue dans la valise

Boutique spécialisée dans la vente de morue, en centre-ville historique de Lisbonne. Johan Ricou


Vous mourrez d'envie d'épater votre famille ou vos amis en leur préparant une recette de bacalhau typiquement portugaise, découverte pendant vos vacances ou votre week-end au pays de Fernando Pessoa ? Rien de plus simple : il existe de nombreuses échoppes spécialisées dans la vente de morue, entière ou à la découpe, en morceaux ou effilée, en conserves ou en sachets hermétiques faciles à transporter, y compris en avion (pour ceux qui n'y ont jamais été confrontés, sachez que les effluves dégagés par ce poisson salé sont proches de l'insoutenable pour les narines les plus délicates).

La Rua do Arsenal (qui part la Place du Commerce) pullulait autrefois d'odorantes boutiques traditionnelles de morue. Deux ont résisté, l'épicerie Rei do Bacalhau et la Pérola do Arsenal. La célèbre et ancienne Mantegaria Silva, dans le centre de Lisbonne, est aussi reconnue pour la qualité de son bacalhau depuis 1956. Son excellent jambon fumé (presunto) vaut également le déplacement. À défaut, les grandes surfaces disposent toutes d'un rayon consacré à la morue.

 

[Source : www.lefigaro.fr]

 

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