segunda-feira, 13 de fevereiro de 2017

En Catalogne, le procès de l’indépendantisme

En Catalogne – pardon! en Espagne – un politicien fait face ces jours-ci à un procès pour « crime référendaire ».
L'ancien président de la Catalogne, Artur Mas, entouré des anciennes conseillères régionales Irene Rigau (à gauche) et Joana Ortega à leur sortie du tribunal le 6 février
Une analyse de François Brousseau
Artur Mas, ancien président de la Catalogne, région autonome d’Espagne (6 % de la superficie du pays, 16 % de sa population, 18 % de son PIB), est accusé d’abus de pouvoir et de prévarication parce qu’il a soutenu – sans l’avoir organisée lui-même – la fameuse « consulta » du 9 novembre 2014.
On avait alors demandé aux Catalans s’ils étaient ou non en faveur de la constitution d’un État indépendant, séparé de l’Espagne.
Cette consultation avait quelques particularités. D’abord, elle était officiellement l’initiative de la société civile catalane et non des partis ou des chefs politiques, même si Artur Mas, alors président, s’était ouvertement solidarisé avec ses organisateurs.
Ensuite, elle ne prétendait à aucune valeur juridique : on voulait plutôt faire un coup d’éclat symbolique en forme de sondage grandeur nature.
Le résultat : plus de 80 % en faveur d’un État indépendant, mais avec seulement 35 % de participation. Nombre de Catalans, partisans du lien avec l’Espagne, se sont abstenus ce jour-là. Dans l’ensemble de la population, les sondages donnaient plutôt, fin 2016, une division à 50-50 sur la question de l’indépendance.
« La démocratie n’est pas un crime! »
Le procès a commencé le lundi 6 février à Barcelone, et doit se dérouler toute la semaine. À l’entrée du tribunal, des milliers de personnes sont venues soutenir l’ancien président de la Catalogne, avec des slogans comme « La démocratie n’est pas un crime! » ou encore « Nous voulons voter! »
Le fond de l’affaire, c’est que pour Madrid, il n’est pas question que les Catalans puissent voter sur leur indépendance, comme les Écossais ont pu le faire eux aussi en 2014… et les Québécois, beaucoup plus loin dans le passé. Pour Madrid, il n’y a qu’une seule nation en Espagne, et le droit à l’autodétermination des Catalans n’existe tout simplement pas.
Le gouvernement central estime donc que l’initiative du 9 novembre 2014 était illégale et condamnable. Dans les jours précédents, le Tribunal suprême (équivalent de la Cour suprême au Canada) avait émis un avis disant que même une opération consultative sur cette question était illégale.
C’est ce même Tribunal suprême qui en 2010 avait fait retirer l’expression « nation catalane » du texte du Statut autonome catalan adopté en 2006 par référendum, ce qui avait été reçu comme une gifle à Barcelone.
En déclenchant une dynamique similaire à celle du lac Meech au Québec dans les années 1990, c’est ce jugement qui, précisément, avait donné des ailes au mouvement indépendantiste catalan, qui jusqu’alors était nettement minoritaire dans l’opinion.
L’Écosse : un cas différent
C’est un cas de figure très différent qu’on avait vu, cette même année 2014 en Écosse, avec un référendum sur l’indépendance dont les modalités avaient fait l’objet d’une entente préalable entre Londres et Édimbourg. Un référendum dont le caractère décisionnel – avec la règle de « 50 % plus un » – était juridiquement reconnu d’avance.
En Écosse, soit dit en passant, on parle de plus en plus d’un second référendum, après le vote pro-Brexit du 23 juin 2016 qui a tant choqué les Écossais (favorables, ce jour-là, à 62 % au maintien dans l’Europe). Beaucoup d’Écossais – y compris un bon nombre de ceux qui avaient voté non en septembre 2014 – voudraient maintenant se séparer de la Grande-Bretagne pour pouvoir rester dans l’Europe!
Le 8 février, le Parlement de Westminster a voté pour mettre en branle les procédures de sortie de l’Union européenne. Le 7 février, c’est le Parlement autonome écossais, à Édimbourg, qui avait symboliquement voté pour refuser cette sortie, même si ce vote n’a aucune portée juridique et que c’est Westminster qui décide.
Dangereuse escalade en vue
Des centaines de personnes brandissent des drapeaux de la Calalogne devant le palais de justice.
Une foule imposante attendait l'arrivée d'Artur Mas devant le palais de justice de Barcelone. 
À Barcelone, ce même 7 février, la défense d’Artur Mas a consisté à déclarer qu’il était solidaire de l’opération, mais que les fonctionnaires, les politiques et lui-même, ce fameux 9 novembre 2014, n’y avaient pas participé directement, sauf en tant que citoyens individuels. Mais au-delà de ces subtilités de langage, il a aussi utilisé un autre registre, celui du défi, voire de l’héroïsme, pour affirmer que « le peuple catalan se tient debout » et que « vouloir voter n’est pas un crime ».
Dans une entrevue à l’AFP le 7 février, à la sortie du tribunal, Artur Mas a déclaré : « L'aspiration de la société catalane est assez claire. Au minimum, la moitié de la population veut un État catalan indépendant. Et l'autre moitié n'en veut peut-être pas, mais elle est disposée à parler d'améliorations substantielles de l'autonomie. Et face à cela, nous avons un gouvernement espagnol qui nie la réalité et dit non à tout ».
Pendant ce temps, il y a un gouvernement indépendantiste, à Barcelone, qui justement veut organiser un référendum – décisionnel celui-là – en 2017…
Le successeur d’Artur Mas à la présidence autonome, Carles Puigdemont, a rendu publique il y a plusieurs mois une feuille de route qui doit mener à un vrai référendum « au plus tard en septembre 2017 ».
Le problème, c’est qu’à Madrid, c’est l’intransigeance totale. Il y a des voix qui appellent même le gouvernement à intervenir physiquement pour bloquer toute organisation d’un référendum en Catalogne.

Les prochains mois semblent annoncer une dangereuse escalade entre Madrid et Barcelone.


[Photos : Reuters/Albert Gea - source : www.radio-canada.ca]

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