sexta-feira, 10 de fevereiro de 2017

«Devenir le premier espace européen trilingue»

Interview par Jonas Mercier
La nouvelle région Grand Est aura certainement beaucoup de problèmes à régler avant de s’intéresser à la Grande Région. Avez-vous peur que cette nouvelle configuration territoriale laisse de côté les priorités de la Grande Région ?

«L’organisation territoriale française peut apparaître complexe, mais elle est source d’un engagement important de nombreux acteurs locaux en faveur de la coopération européenne et transfrontalière. Les relations tissées au fil des années entre les partenaires lorrains, luxembourgeois, sarrois, rhénans-palatins et wallons sont solides et résisteront à ce changement d’échelle administrative française. La nouvelle région Grand Est devra s’organiser et jouer le rôle stratège qui doit être le sien.
Je reste pour l’instant confiant, l’ouverture à l’Alsace et à la Champagne-Ardenne est une opportunité de partager les bonnes pratiques expérimentées avec le bassin rhénan, d’une part, et avec l’Ardenne belge d’autre part. Mais au-delà des acteurs institutionnels, c’est une grande diversité d’acteurs économiques, associatifs, culturels, etc. qui sont acteurs de la coopération transfrontalière.
Vous estimez que l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge est une condition pour une meilleure communication entre voisins. Concrètement, comment la Grande Région peut-elle impulser une telle politique côté français, mais aussi côté allemand et belge ?
«La question du multilinguisme – langue maternelle + langue du voisin + langue du monde ou anglais – est fondamentale, car l’élévation du niveau de qualification, et donc la possibilité d’accéder à un éventail plus large de carrières sur l’ensemble de l’espace grand-régional, en dépend en large partie. Je pense que l’ensemble de la Grande Région, Grand Est français inclus donc, peut se fixer un objectif fédérateur: devenir le premier espace transfrontalier européen trilingue (allemand, anglais, français), voire quadrilingue pour ceux qui ont la chance de pratiquer le luxembourgeois. Cette vision rencontre des ambitions parfois très avancées, comme au Luxembourg et en Belgique, ou en construction, comme en Allemagne avec la Frankreichstrategie de la Sarre, et en France. Du reste, cela peut contribuer à doter la Grande Région d’une identité lisible et ambitieuse, dont elle manque encore.
La question de l’apprentissage des langues dès la petite enfance, en crèche notamment, est également à l’étude chez nous. Très concrètement, je travaille actuellement avec la rectrice à un dispositif nouveau pour que le département de Meurthe-et-Moselle soit multilingue dès le plus jeune âge. En Meurthe-et-Moselle, plusieurs projets sont en cours, avec la Rhénanie-Palatinat autour de l’apprentissage de l’allemand pour des allocataires du RSA afin de leur permettre d’envisager une insertion professionnelle en Allemagne; et avec la Sarre, autour d’un programme tandem entre fonctionnaires du Land et du conseil départemental.
Vignette allemande, Brexit, montée des courants nationalistes dans plusieurs pays d’Europe… Est-ce là une occasion pour la Grande Région de devenir un modèle d’organisation régionale ?
«À l’évidence, une Grande Région qui rassemble quatre des six pays fondateurs de l’Union a une responsabilité toute particulière pour enrayer les replis nationalistes et xénophobes. Nos valeurs communes d’ouverture et de progrès doivent plus que jamais être au centre du terrain et plus spectatrices sur le banc de touche des compétitions populistes partout en Europe et dans le monde ; je compte beaucoup sur la présidence luxembourgeoise en ce sens. Faisons de la politique ensemble et soyons concrets pour nos concitoyens, donnons-leur toute leur place pour qu’ils s’emparent enfin de la Grande Région.
Il nous faut renforcer notre coopération, fixer une stratégie et de vrais objectifs opérationnels, développer des synergies avec d’autres espaces européens de coopération transfrontalière, en particulier avec l’Union Benelux et la Conférence du Rhin supérieur. La période actuelle demande également de renforcer les actions avec et en direction des jeunes, c’est l’une des priorités énoncées par Xavier Bettel et Corinne Cahen que je partage entièrement : échanges scolaires, espaces de  formation pour des jeunes à risque de décrochage, engagement citoyen. Je pense également à l’intensification de la coopération dans le domaine des douanes, de la sécurité et de la protection civile, ainsi que c’est le cas par exemple entre l’État en Meurthe-et-Moselle et la province belge du Luxembourg.»

[Photo : CD54 – G. Berger) - source : www.paperjam.lu]

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