Débattue et votée par les députés, la loi est écrite par les fonctionnaires parlementaires du service de la séance. Visite guidée de l’atelier de confection de la loi avec le chef de la division, Thierry Anjubault.
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La machine à sceller les lois |
Écrit par Samuel Le Goff
C’est du petit service de la division des lois que dépend en grande partie la qualité des textes votés par les députés. Neuf personnes en tout s’occupent de l’écriture formelle de la législation.
Ces professionnels de ce que l’on appelle la légistique interviennent à presque toutes les étapes de la discussion d’un texte et assurent les opérations matérielles, comme l’apposition du sceau de l’Assemblée sur les lois adoptées et leur télétransmission au Journal officiel.
Orthographe, grammaire, tournure, typographie
Le texte, qui arrive du secrétariat général du gouvernement est relu et corrigé, si nécessaire.
« Quand le Conseil des ministres a lieu à 10 heures, nous recevons une version informatique du projet de loi vers 15 heures. Une secrétaire refait alors la mise en page et y appose les pastilles qui servent à numéroter les alinéas, pour faciliter la rédaction des amendements », raconte le chef de la division des lois Thierry Anjubault.
Il en va de même pour les propositions de loi des députés. L’examen est moins approfondi, mais c’est la division des lois qui donne le bon à tirer, indispensable pour la mise en ligne sur le site de l’Assemblée.
Plusieurs niveaux de lecture existent. L’orthographe, la grammaire et la typographie sont d’abord revus. Les projets de loi sont souvent truffés de fautes.
« Il y a parfois des différences d’écritures importantes entre les ministères, certains n’ayant pas l’habitude de cet exercice. Sans compter que les délais sont courts : un texte qui passe en Conseil des ministres le mercredi est parfois examiné en Conseil d’État le vendredi précédent », explique le chef de la division.
Le choix des mots et des tournures est également important. La légistique dispose elle-aussi de ses « tics de langage » rassemblés dans des guides, que seuls la division des lois et les juristes spécialisés connaissent.
Éviter les dommages collatéraux
Une à une, toutes les références à d’autres lois ou à d’autres codes cités dans les articles d’un texte, doivent ensuite être vérifiées.
Le but est d’éviter les dommages collatéraux. Si un article existant dans un code est abrogé, tous les textes qui y font référence doivent être corrigés, raconte Thierry Anjubault.
« Ces séances de nettoyage avancent parfois à rythme d’escargot (trois pages de l’heure). Alors quand le texte compte 200 pages… »
Amendements « rédactionnels » ou de « coordination »
L’examen en commission parlementaire échappe à la division des lois, qui reprend le contrôle de la situation lors de la séance publique. Pour être plus efficace, le service de Thierry Anjubault a cependant mis en place des procédures et dispensé des formations en légistique, avec un guide spécifique pour les commissions.
La « petite loi » (le texte adopté) est élaboré directement dans l’hémicycle, au fur et à mesure de l’avancement des débats.
La division des lois a le pouvoir d’intervenir directement sur le texte quand les modifications sont purement rédactionnelles. Si, par exemple, un amendement change le nom du « haut comité du ferroviaire » en « haut comité du transport ferroviaire », la correction est faite automatiquement dans l’ensemble du texte.
Quand un doute apparait sur la portée de la modification, la division des lois propose en revanche au rapporteur une série d’amendements dits « rédactionnels » ou « de coordination », généralement adoptés sans débat.
Faire chanter la loi
Bien qu’équipée d’ordinateurs performants, le cœur du travail de la division des lois repose avant tout sur les capacités humaines, le papier et les crayons.
« Nous travaillons avec deux crayons, un stylo rouge pour les corrections de forme ou rédactionnelles que nous faisons de notre propre chef, et un crayon de papier pour celles où nous avons un doute, sur la pertinence ou la portée de la modification », explique le chef de la division.
À chaque étape, les amendements et le texte sont systématiquement lus par deux personnes. En fin de parcours, les administateurs s’isolent dans une salle et font « chanter la loi ».
Le texte est relu à haute voix par l’un d’entre eux qui frappe sur la table : une fois pour indiquer la nécessité de placer une virgule, deux fois quand il s’agit d’un point.
Jusqu’au bout
La division des lois de l’Assemblée travaille en étroite collaboration avec son alter ego du Sénat. Les échanges sont également fréquents avec le Secrétariat général du gouvernement, surtout à la fin du processus.
Lorsqu’une loi est définitivement adoptée, le gouvernement doit la promulguer et peut alors formuler des observations.
« Dans la majorité des cas, nous n’avons que peu d’observations du gouvernement, sauf pour les lois financières, où ils regardent les textes de près, explique Thierry Anjubault. Le SGG ou le ministère compétent nous fait des observations, que nous retenons, ou pas. »
Une fois le texte publié au Journal officiel, la division des lois procède à une dernière vérification, qui, parfois, peut amener à la publication d’un rectificatif.
« La confiance n’exclut pas le contrôle », conclut le chef de la division des lois.
[Source : www.contexte.com]
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