La Jornada Le 30 juin 2013, Vers un autre Brésil, Guillermo Almeyra
Les
soi-disant gouvernements « progressistes » appliquent des politiques
néolibérales, légèrement modifiés par des
mesures de protection sociale pour soutenir la consommation
intérieure, et une forte intervention de l'Etat pour affirmer la
domination capitaliste en général, avec en particulier un consensus
apprécié - qui vient en grande partie de la peur d’un plus grand mal
déjà connu.
Le gouvernement Lula et celui de
Dilma Rousseff n'ont pas fait de réforme agraire, mais au contraire ils
ont renforcé l'agrobusiness, et transformé les terres où
on cultivait les éléments de base de l'alimentation populaire par la
production de canne à sucre qui est cultivée pour produire de
l'éthanol, préférant les automobiles aux Brésiliens, ils ont
permis que le grand capital gagne comme jamais auparavant, et ils
ont réprimé sans dégoût dans les favelas, dans les champs, dans les
régions autochtones. Poussé par les difficultés économiques
(l'économie a progressé de seulement 0,9 %, alors que le taux de
fécondité atteint 2,14 %, ce qui montre que, par tête d'habitants, les
Brésiliens s’appauvrissent), ces gouvernements ont favorisé
de plus en plus les transnationales et domestiqué de plus en plus
les syndicats qui font partie de l'appareil d'État capitaliste.
Alors qu’ils conduisent, ce que
Gramsci appelle une révolution passive (c'est-à-dire par les solutions
ci-dessus, limitées et mêlées à des mesures réactionnaires
et antinationales, travailler pour unifier et moderniser le pays),
les autorités croient qu’il suffit d’acheter des dirigeants
d'organisations sociales, d’empêcher l'indépendance politique de
travailleurs, de chercher des parlementaires alliés dans les partis
bourgeois en leur donnant des privilèges, et se taire pour les pauvres,
avec cadeaux et événements sportifs.
Ils facilitent l’achat de voitures,
de sorte que les villes sont de plus en plus polluées et le trafic
devient de plus en plus chaotique (à Sao Paulo la vitesse
moyenne est passée de 20 kilomètres / heure il y a quelques années à
12 actuellement et un travailleur doit consacrer trois heures par jour
au « plaisir », de se serrer dans des
transports de plus en plus pire et plus cher).
Alors que les inégalités sociales
se développent, ces gouvernements confondent le soutien électoral et un
chèque en blanc pour faire quoi que ce soit. C’est pour
ça, par exemple, qu’en Bolivie éclata le gasolinazo (augmentation de
80 % du prix du carburant, sans préavis) qu'Evo Morales annula le
lendemain et le Brésil urbain se lève quand augmente
l'extorsion d’argent par la hausse du prix du billet pour le
transport public (déjà cher, puisqu'un habitant de Sao Paulo doit
consacrer à lui verser l'équivalent de 14 minutes de salaire minimum
contre seulement 1 minute et 31 secondes pour un travailleur de
Buenos-Aires) et s’ajouta l'affront intolérable de la sauvage répression
de la police militaire.
Même si Dilma et le gouvernement
ont annulé cette augmentation, ils ne répondirent pas ainsi à la cause
première de la protestation, qui a éclaté à l'occasion de
la mesure, mais avec des racines beaucoup plus profondes tenant à la
rage accumulée par la détérioration de la qualité de vie,
l'augmentation de l’exploitation, la richesse honteuse de
l'oligarchie, la corruption de l'État, la violence de l'appareil
d'État. Les gouvernements qui acceptent le capitalisme comme un cadre
unique, qui veille à « l’humaniser » et qui théorisent,
comme Cristina Fernández avec Laclau, qu'il n’existe plus de lutte
de classes ni de classes, se retrouvent tout d’un coup face à des
travailleurs et des classes moyennes pauvres qui ne se
contentent plus de Bourses de famille, de la télévision et du
football quand ils se voient obligés de faire comme les plus pauvres, ne
mangeant que deux fois et il faudrait qu’ils appelle ça un
énorme progrès.
C’est la base du lullisme-dilmismo
qui se divise aujourd'hui entre ceux qui n’ont aucune terre ou de
solutions dans le monde rural et qui étant très limités dans
leurs attentes économiques ne peuvent protester, et les autres, plus
instruits, des secteurs urbains qui ne veulent pas vivre seulement
d’assistance sociale et de football et qui demandent la
démocratie, une éducation décente ou la qualité de vie.
60% des habitants de la région de
São Paulo vivent en ville. Au Brésil, selon le recensement de 2010, 84,4
% des habitants sont déjà urbanisés. En outre, bien que
l'espérance de vie augmente, la grande majorité de la population
brésilienne, a moins de 40 ans. C’est la jeunesse urbaine qui a lancé la
révolte et elle ne s'arrêtera pas. On a comparé le cas du
Brésil avec la révolution arabe, mais au Brésil Lula et Dilma ont un
soutien populaire très fort. En outre, les protestations ne furent pas
seulement contre le maire de São Paulo, qui est du PT,
mais également elles ont eu lieu contre les maires de droite ou des
partis alliés et concurrents du PT. Les partis ont été
empêchés de brandir leurs drapeaux, parce que, comme il est également
arrivé à Buenos Aires avec les assemblées
populaires de 2002, les gens ordinaires voulaient peser directement
dans la vie politique et pas être manipulés ou instrumentalisés par les
partis ou des sectes souhaitant pêcher en eau
trouble.
L'axe du problème est le niveau
actuel de la subjectivité des manifestants. Les revendications
n’allèrent pas au-delà du rejet de l’augmentation de la protestation
contre la violence de la police militaire et la corruption. Le
Brésil n’a jamais rencontré de mouvements de masse indépendants au cours
de son histoire. Son indépendance, fut proclamée par le
fils du roi du Portugal devenant empereur, et même les grandes
grèves des années 70 qui renversèrent la dictature ne furent pas
complètement indépendantes, puisqu'elles faisaient partie de
l'opposition avec des partis bourgeois. Ce qui est important, par
conséquent, ce n'est pas la limitation des revendications, mais le fait
que le mouvement a été spontané, exprimant l'aspiration à
la démocratisation de la vie politique et sociale et débordant les
partis et les appareils. Nous ne sommes pas face à une révolution, mais
face à une rébellion démocratique de la majorité des
jeunes en milieu urbain, qui refuse de rester simple objet des
politiques burocratico-technocratiques des agents des grandes
entreprises déguisés en «progressistes ».
Mais elle crée les conditions d'un
large front politique qui bouleverse toutes les données politiques au
Brésil. En ce moment où le chavisme se débat entre la crise
ou son approfondissement, et que Kirchnerisme s’épuise, ce qui se
passe au Brésil a une importance énorme. La crise du capitalisme, de
réduisant les fondements des droits démocratiques et en
menaçant les niveaux de vie conquis au cours des dix dernières
années, permet d'accélérer sa transformation. Mais il manque encore le
programme, des idées, et même le désir de comprendre ce
nouveau processus à gauche, à l'extérieur et au sein du PT. Pour
développer le potentiel du processus nous avons avant tout besoin de
clarté théorique et politique.
[Source : la-brochure.over-blog.com]
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