sexta-feira, 15 de abril de 2022

« Mona », la fable satirique de Pola Oloixarac sur nos grands écrivains

La romancière argentine met en scène, avec un humour hors du commun, les petits travers d’écrivains réunis pour un festival littéraire. « La Montagne magique » en version grunge.

Pola Oloixarac. (Helena Insinger)

Écrit par Didier Jacob

L’élite mondiale de la littérature a rendez-vous au bord d’un fjord suédois. C’est pour un festival annuel, Meeting, qui se clôt chaque année par l’attribution convoitée du prix Basske-Wortz, l’un des plus prestigieux après le Nobel, et doté d’une somme rondelette pour son heureux lauréat. Parmi les prétendants, Philippe Laval concourt dans la catégorie français chauve. Un type assez déprimant qui tient l’échec, en art, pour le sommet du génie. On songe à Houellebecq, surtout lorsque Philippe suit Mona, une jolie romancière péruvienne qui vit en Californie, et lui sort son pitoyable engin dans les toilettes pour filles. Philippe est mal tombé, car Mona, qui mélange allègrement valium et vodka, n’est pas une petite nature.

Pola Oloixarac est-elle un peu Mona ? Remarquée pour son premier roman, « Les théories sauvages », cette romancière née à Buenos Aires en 1977 met en scène ici, avec un humour hors du commun, les petits travers de nos grands écrivains. On croise Franco, l’Italien « persuadé que le souvenir vintage de Marcello Mastroianni vibre dans son regard », et qui n’a de cesse de montrer sa supériorité au lit. Chrystos, un auteur macédonien publié chez Flammarion en France, envie Mona, éditée elle chez Gallimard. Sous le chapiteau où se tiennent les conférences, chacun y va de son bon mot (« Google est le contre-roman du roman humain »). Tous attendent Ragnar, le poète/prophète islandais dont le discours, à la fin du festival, ne manque pas de surprendre.

Un sens de l’observation unique

Les jours passent, la littérature s’ennuie. La vérité, c’est que nul ne s’en soucie vraiment, sauf Hava Pinkus, l’Israélienne. Les autres sont surtout branchés cul. Qui va finir dans le lit de qui ? Une question qui taraude Mona, dont le corps semble pourtant meurtri par une partie de jambes en l’air qui a mal tourné. Pola Oloixarac se branche sur la fréquence intime de son héroïne, s’insinuant dans son esprit tourmenté, tiraillé entre érotisme triomphant et féminisme solaire.

Même si le final du roman bascule dans un fantastique qui ne s’imposait peut-être pas, la fable satirique de Pola Oloixarac, menée tambour battant, et inspirée par des festivals auxquels elle a sans doute participé, témoigne d’un sens de l’observation unique. Le ton y est contemporain, lugubre et sarcastique. « Mona », c’est « la Montagne magique » en version grunge : la mort du monde s’y prépare tandis que, toujours satisfaits d’eux-mêmes, les écrivains continuent de pérorer sans fin.


Mona, par Pola Oloixarac, traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon, Seuil, 176 p., 19 euros.

[Photo : Helena Insinger - source : www.nouvelobs.com]

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