quarta-feira, 29 de janeiro de 2020

Ernst Lubitsch (1892-1947)

Ernst Lubitsch (1892-1947) était un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain né dans une famille juive ashkénaze à Berlin (Allemagne). Ayant excellé dans l'ère du cinéma muet et du cinéma parlant, il a créé des comédies sophistiquées et un style (the Lubitsch touch) qui ont influé sur des réalisateurs pendant des décennies. Arte diffusera le 6 janvier 2022, dans le cadre d'"Invitation au voyage" (Stadt Land Kunst), "Varsovie, la résistante de Ernst Lubitsch" (Ernst Lubitsch und der Warschauer Widerstand).


Publié par Véronique Chemla

Ernst Lubitsch (1892-1947) était un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain né dans une famille juive ashkénaze à Berlin (Allemagne). Durant l'ère du cinéma muet et celle du cinéma parlant, il a créé à Hollywood des comédies sophistiquées ("the Lubitsch touch") admirée notamment par Billy Wilder. Dans sa filmographie, citons : Trouble in Paradise, Ninotchka, The Shop Around the Corner et To Be or Not to Be.

En 1946, il a reçu un Oscar honoraire pour sa contribution distinguée à l'art cinématographique.

"Ernst Lubitsch, Drôle de touche"
En 2010, la Cinémathèque française a rendu hommage à Ernst Lubitsch par la projection de films, des rencontres et conférences, et par l'article "Ernst Lubitsch, Drôle de touche" de Frédéric Bonnaud.

"Avec une concision toute lubitschienne, François Truffaut l'a résumé d'une formule : « Lubitsch était un prince ». En titrant ainsi son célèbre article de février 1968 (Cahiers du cinéma, n° 198), écrit juste après la grande rétrospective de redécouverte organisée par Henri Langlois à la Cinémathèque française, Truffaut insistait sur la place que Lubitsch accorde au public : « Pas de Lubitsch sans public mais, attention, le public n'est pas en plus, il est avec. Il fait partie du film », a écrit Frédéric Bonnaud dans "Ernst Lubitsch, Drôle de touche".

Et Frédéric Bonnaut d'analyser : "Il ne s'agit pas seulement de le respecter, ce qui est la moindre des choses, mais d'exiger de lui une participation active. Et Truffaut de citer le fameux dîner d'Angel (1937), entre le mari, la femme et l'amant, avec l'assiette qui revient vide en cuisine (le mari avait faim, il a mangé sa côtelette le cœur léger), celle qui n'a pas été touchée (la femme n'a pas pu, ça ne passait pas) et celle de l'amant – qui a découpé sa viande façon puzzle sans en avaler un seul morceau. Filmer le retour des assiettes à l'office et les commentaires des domestiques plutôt qu'un dîner déchirant : un exemple, parmi tant d'autres, de la « Lubitsch touch », grand art du récit, donc de la mise en scène. À la solution narrative répertoriée, toujours préférer une échappée inédite, jamais envisagée auparavant. Lubitsch ou la révolution permanente. Dans le même film, longtemps mal considéré, un élégant mouvement d'appareil suit l'amant (Melvyn Douglas) qui va acheter un petit bouquet de fleurs à une pauvre vieille femme. Nous restons sur eux, Douglas sort du cadre, et nous l'entendons crier : « Angel ! Angel ! » Il ne la retrouvera que lors du dîner des côtelettes. Nous restons sur la vieille – qui a assisté à toute la scène dérobée à notre regard. Elle a les larmes aux yeux. Qui deviennent les nôtres. Elle va ramasser le bouquet au pied du banc, le remet dans son panier et s'éloigne. Angel (Marlene Dietrich) n'a pas eu le temps matériel de disparaître du parc, diraient « nos amis les vraisemblants ». Mais au cinéma, l'idée est plus forte que la vraisemblance. Surtout quand elle s'accompagne du détail trivial qui tue : le bouquet ramassé et remis dans le panier. Oui, Lubitsch était un prince, « qui se donne un mal de chien, qui se saigne aux quatre veines et qui va mourir du cinéma vingt ans trop tôt. »

"LES ORIGINES DE LA « TOUCHE »
Mais il lui a d'abord fallu échapper à la « konfektion » berlinoise. Né en 1892, le petit Ernst est destiné à travailler dans l'entreprise paternelle, « Établissement des ateliers pour manteaux de dames », qui ne devait pas être très éloigné de la maroquinerie Matuschek de The Shop Around the Corner (1940). Après des études correctes, il se lance et avoue à son père qu'il n'aime que le théâtre. Selon une version : « Alors le vieux Lubitsch se décide à dire à son fils quelque chose qui lui est très difficile. Il l'entraîne vers le miroir devant lesquels les mannequins se changent. « Regarde-toi un peu ! Et tu veux faire du théâtre ? Je ne dirais rien si tu étais joli garçon ! Mais avec ta tête ? » «  Ernst Lubitsch se tait. » (Ernst Lubitsch, Cahiers du cinéma / Cinémathèque française, 1986) Il sera commis (nul), comptable (nul), fera du théâtre, jouera Molière et Shakespeare et sera admis dans la troupe du grand Max Reinhardt. Au cinéma, dès 1914, il invente son emploi : le petit commis juif qui met la pagaille. Mais c'est bientôt la guerre et le public se lasse de l'ersatz berlinois de Charlot. C'est comme ça qu'Ernst Lubitsch devint cinéaste. Par nécessité. Huit ans plus tard, après le succès américain de Madame Du Barry (1919), il débarque à Hollywood, à la demande de Mary Pickford, avec une douzaine de films à son actif. Longtemps méprisée, cette période allemande frappe d'abord par sa diversité. Tout y passe, de l'adaptation de Carmen (1918) au manifeste théorique (Die Puppe, 1919), en passant par le mélodrame « égyptien » (Die Augen der Mumie Mâ, 1918) et les fresques historiques (Du Barry et Anna Boleyn, 1920). Mais les deux chefs-d'œuvre allemands sont Die Austernprinzessin (La Princesse aux huîtres, 1919) et Die Bergkatze (La Chatte des montagnes, 1921), deux films auxquels il a été longtemps de bon ton de reprocher l'épaisseur du trait, voire la grossièreté."

"Alors qu'il suffit de les voir pour se rendre compte que le jeune Lubitsch maîtrisait déjà ce qui deviendra plus tard sa fameuse touche. Dans son célèbre article (Les origines du « style Lubitsch »), Lotte H. Eisner lui reproche essentiellement une lourdeur comique toute berlinoise et de ne pas être assez expressionniste. Elle le trouve pesant et plat, « tireur de ficelles », et s'étonne de le retrouver si alerte et aérien en Amérique : « Que de chemin parcouru, des lourds accessoires de son comique allemand à ces suggestions rapides et légères ! » Lubitsch lui-même en convenait, déclarant à son arrivée à Hollywood : « Goodbye slapstick and hello nonchalance… » Bouleversé par la vision de L'Opinion publique (A Woman of Paris, 1923) de Charles Chaplin, « un film qui n'insulte l'intelligence de personne » (véritable obsession lubitschienne, on l'a vu), Lubitsch va effectivement affiner son style et l'on ne retrouvera plus jamais le véritable zoo humain qui constitue la population tarée de La Princesse aux huîtres. Et ses acteurs américains seront interdits de grimaces. Ce n'était de toute façon pas leur genre… Mais la touche est-il si différente ? Lubitsch considérait que La Princesse aux huîtres était son premier film à faire montre d'un style défini et ajoutait qu'il était passé « de la comédie à la satire ». S'il est indéniable que le film est grossier, mais jamais vulgaire, avec le père qui regarde les ébats de sa fille par le trou de la serrure en hurlant « Ça, ça m'intéresse ! » face à la caméra, il est tout aussi évident que l'inventivité y est constante. Les trous de serrure resteront en Allemagne, Lubitsch devenant le cinéaste des portes dès la période muette de sa carrière américaine. « Des portes ! C'est un metteur en scène de portes ! Il ne s'intéresse qu'aux portes ! », hurlait Mary Pickford en quittant le plateau de Rosita (1923). Mais la touche dans tout ça ? La touche n'a rien à voir avec une quelconque légèreté. Elle fonctionne sur un système de caches – donc de portes, certes – qui nous permet d'imaginer le pire – donc le meilleur, avec appétit – et à Lubitsch de passer sur ce qui l'ennuie de devoir justifier (« les trous dans le gruyère » qu'avait parfaitement repérés Truffaut). Ce serait une définition possible, une de plus : la « Lubitsch touch » est une insistance qui ne peut se repérer, une manière unique d'enfoncer le même clou en tapant toujours un peu à côté, une idée fixe poursuivie jusqu'à son épuisement – mais qui jamais ne lasse. Le mystère est là. Voir et revoir La Huitième femme de Barbe-Bleue (1938) aide à s'en convaincre."

"CHEFS-D'ŒUVRE HOLLYWOODIENS
À partir de Trouble in Paradise (Haute pègre, 1932), Lubitsch enchaîne une éblouissante série de douze chefs-d'œuvre, jusqu'à Cluny Brown (La Folle ingénue, 1946). Malgré une santé fragile, il est une valeur sûre d'Hollywood, comme un poisson dans l'eau au sein du système des studios, passant de l'un à l'autre et devenant fugacement chef de production de la Paramount (1934-35). Il est son propre producteur (statut rare et envié de producer director) et fait à peu près ce qu'il veut. Après avoir beaucoup varié sur le même thème du désir féminin comme perturbation absolue, en mixant l'air du temps américain à des motifs européens, cette totale réussite hollywoodienne va lui permettre d'entreprendre sa « trilogie de la confession », avec The Shop Around the Corner, To Be or not To Be (1942) et Heaven Can Wait (1943). Respectivement, film autobiographique sur des « petites gens » qui cherchent un peu d'air, réponse au Dictateur de Chaplin – aussi géniale et efficace que son aiguillon –, et ultime confession d'un homme qui a beaucoup aimé la vie témoignent à la fois d'une belle diversité et d'une complète cohérence. Dans les trois cas, menée d'une main de fer, l'idée balaye tout sur son passage, au risque de l'abstraction, comme le remarquait justement Jean Domarchi : l'histoire à raconter, les conventions à respecter et les sentiments froissés. On oublie trop souvent que To Be… fut d'abord un échec commercial, avant de devenir le film de Lubitsch le plus connu, le plus admiré et le plus cité (Inglourious Basterds, Tarantino), les spectateurs américains ne supportant pas leur propre rire devant des choses aussi glaçantes : « Ils m'appellent camp de concentration Erhardt ! ». Décidément bon prince, Lubitsch a aussi pris la peine de tourner un condensé de son génie, en deux minutes dix secondes et onze plans. Cas unique dans toute l'histoire du cinéma. Dans son sketch de Si j'avais un million… (1932), intitulé The Clerk, Phineas V. Lambert (Charles Laughton), employé modeste et timide, reçoit une enveloppe sur son bureau. Il l'ouvre, elle contient un chèque d'un million de dollars. Il se lève posément, prend un escalier, pousse des portes, jusqu'à celle du grand patron, qu'il gratifie d'un « prout ! » en lui tirant la langue, avant de refermer la porte. Mais juste avant, face au miroir de l'entrée, il avait vérifié sa mise et sa cravate. La touche, toujours."

« Rosita » 
« Rosita »  est un film réalisé par Ernst Lubitsch et Raoul Walsh Avec Mary Pickford, Holbrook Blinn, Irene Rich, George Walsh, Charles Belcher.

« Épris d'une chanteuse des rues, le roi d'Espagne veut se débarrasser de l'homme qu'elle aime...  »

« Chanteuse des rues à Séville, Rosita est le seul soutien de sa famille misérable. En plein carnaval, elle enthousiasme la foule avec une chanson de sa composition moquant le roi d'Espagne, qui vient de promulguer un impôt injuste. Don Diego, un jeune aristocrate sans le sou, qui tente de la défendre face aux sbires venus l'arrêter, est emmené avec elle. Mais lorsque Rosita est confrontée au roi, celui-ci tombe sous son charme… »

« En 1922, Lubitsch, qui vient de quitter l'Allemagne, s'installe à Hollywood pour réaliser son premier film américain ».

« Sous contrat avec la société de production de Mary Pickford, il dirige la star dans une délicieuse comédie romantique, inspirée d'une pièce française créée en 1844 par Frédérick Lemaître ».

« Mobilisant pour les scènes de carnaval jusqu'à deux mille figurants, il orchestre des séquences d'une époustouflante modernité ».

« Restauré par le MoMA à New York à partir d'une version du film retrouvée en Russie, un petit bijou du cinéma muet ».

"Rosita" est une comédie romantique située dans l’Espagne du XVIIème siècle. Une chanteuse de rue est emprisonnée pour s’être moquée du roi. Avant que Lubitsch ne devienne le prince de marivaudages sophistiqués, il accorde déjà aux femmes une place prépondérante. Courageuses et insolentes, elles tiennent tête aux figures masculines du pouvoir et de la domination ».

"Jeux dangereux"

"Jeux dangereux" (To Be or Not To Be) est une comédie dramatique d'Ernst Lubitsch (1942) avec Carole Lombard, Jack Benny, Robert Stack, Lionel Atwill, Felix Bressart, Stanley Ridges.

"Pologne, 1939. En pleine occupation allemande, la troupe du théâtre de Varsovie tente de monter sa pièce : une critique acide d'Hitler et des atrocités nazies. Les événements jouant contre eux, la représentation est annulée et les comédiens se retrouvent au chômage. Seulement, un élément imprévu va perturber le cours de l'histoire : un pilote polonais, réfugié à Londres, découvre l'immense complot visant à exterminer toute la résistance polonaise. Il débarque en catastrophe à Varsovie et retrouve la petite troupe d'acteurs. Motivé par l'amour fou qu'il porte à l'ancienne héroïne de la pièce, il va les convaincre de déjouer le plan diabolique des nazis".

"Ce classique absolu fut très mal reçu à sa sortie en raison de son humour féroce, son absence de sentimentalisme, et l’audace de certaines plaisanteries. Le chef-d’œuvre de Lubitsch, même s’il participe à l’effort de guerre de la production hollywoodienne, se distingue de tous les films de propagande de l’époque, par la subtilité prodigieuse de son écriture et les nombreux thèmes abordés, parmi lesquels le couple et le théâtre. On connaît davantage Jeux dangereux sous son titre original To Be or Not To Be
", a analysé Olivier Père. 


"La plus fameuse tirade shakespearienne, d’une importance capitale dans le récit, donne au film de Lubitsch sa véritable signification. Il s’agit d’être libre ou pas, intelligent ou pas, résistant ou pas. Lubitsch livre ici sa philosophie hédoniste de la vie. Liberté des désirs amoureux, liberté d’esprit et liberté politique sont indissociables; l’amour des femmes et du théâtre s’oppose à la barbarie et à la bêtise nazies", a conclu Olivier Père.
     
"Varsovie, la résistante de Ernst Lubitsch"
Arte diffusera le 6 janvier 2022, dans le cadre d'"Invitation au voyage" (Stadt Land Kunst), "Varsovie, la résistante de Ernst Lubitsch" (Ernst Lubitsch und der Warschauer Widerstand). "Linda Lorin nous emmène à la découverte de notre patrimoine artistique, culturel et naturel".

"Capitale de la Pologne, Varsovie semble avoir préservé l’architecture médiévale de sa vieille ville des ravages du temps. Suite aux destructions causées par la Seconde Guerre mondiale, certains quartiers ont été reconstruits à l’identique. Une reconstruction qu’Ernst Lubitsch avait expérimentée à Hollywood en 1942 avec To Be Or Not To Be, son film comique et engagé contre le nazisme."
     

« Rosita » par Ernst Lubitsch et Raoul Walsh 
États-Unis, 1923
Scénario : Edward Knoblock, Norbert Falk, Hanns Kräly
Production : Mary Pickford Company
Producteur/-trice : Mary Pickford
Image : Charles Rosher
Musique : Louis F. Gottschalk
Avec Mary Pickford, Holbrook Blinn, Irene Rich, George Walsh, Charles Belcher
Auteur : Adolphe d'Ennery, Philippe Dumanoir
Sur Arte le 21 mai 2019 à 0 h 30

Visuels :
Mary Pickford est Rosita dans le film muet d'Ernst Lubitsch de 1923
Holbrook Blinn (Le Roi) et Mary Pickford (Rosita) dans le film "Rosita" d'Ernst Lubitsch, 1923
Mary Pickford (Rosita) et Holbrook Blinn (le Roi) dans "Rosita" d'Ernst Lubitsch, 1923
Crédit : © D.R.

"Rosita" von Ernst Lubitsch - Ein Film, eine Minute » 
France, 2019, 2 min

"Jeux dangereux" d'Ernst Lubitsch
États-Unis, 1942, 95 minutes
Directeur artistique : Vincent Korda
Costumier : Irene
Maquilleur : Gordon Bau
Monteur : Dorothy Spencer

Avec Carole Lombard, Jack Benny, Robert Stack, Lionel Atwill, Felix Bressart, Stanley Ridge
Sur Ciné + Classic les 25 janvier 2020 à 11 h 20, 28 janvier 2020 à 22 h 25/et 30 janvier 2020 à 13 h 30

"Varsovie, la résistante de Ernst Lubitsch"
France, 2022, 14 min
Sur Arte le 6 janvier 2022 à 05 h 00








Les citations proviennent d'Arte. Cet article a été publié le 20 mai 2019, puis le 29 janvier 2020.

[Source : www.veroniquechemla.info]

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