Écrit par Rav Yaakov Lévi
Il m’arrive souvent d’être étonné, en entendant lire, adultes ou
adolescents dont l’hébreu est pourtant la langue maternelle, trébucher à
la lecture d’un texte biblique ponctué clairement. Pour se justifier
les adolescents, pourtant fraîchement sortis du lycée, se plaignent de
ne pas connaître le nom des points-voyelles ou que la grammaire les
effraie. Mieux encore, que ces voyelles les gênent dans la lecture des
versets. Personnellement, je crois que cette disharmonie a des racines
bien plus profondes, même si nous excusons ces lecteurs en disant qu’ils
ne saisissent pas toujours la signification de chaque mot.
Reprenons
les choses à la base. Au fur et à mesure des générations les
enseignants, en Israël comme ailleurs, utilisèrent trois méthodes
d’apprentissage de lecture: 1) La méthode syllabique. C’est la
méthode traditionnelle. L’enfant apprend la consonne et ensuite la
voyelle, puis les lettres sont assemblées en syllabes (אלף קמץ אָ, בית
קמץ בָּ …), les syllabes en mots, et les mots en phrases. Cette méthode, utilisée depuis la nuit des temps, est toujours de règle dans les
milieux orthodoxes qui utilisent les abécédaires classiques Rechith ‘Ho’hma ou Hamassoreth. 2) La méthode globale: Elle a été initiée dès le 18e.
siècle par un certain précepteur français du nom Nicolas Adam, qui écrit
en 1787 dans sa « Vraie manière d’apprendre une langue quelconque » : «
Lorsque vous voulez faire connaître un objet à un enfant, par exemple
un habit, vous êtes-vous jamais avisé de lui montrer séparément les
manches, ensuite les devants, les poches, les boutons … Non, sans doute,
mais vous lui faites voir l’ensemble, vous lui dites : voilà un habit …
Pourquoi ne pas faire la même chose pour leur apprendre à lire ?
Éloignez d’eux les alphabets, tous les livres français et latins,
amusez-les avec des mots entiers à leur portée qu’ils retiendront bien
plus aisément et avec plus de plaisir que toutes les lettres et syllabes
imprimées ». Les auteurs de cette méthode ont été accusés d’être à
l’origine de nombreuses dyslexies du fait que les enfants ne distinguent
pas assez la particularité de chaque lettre et la structure des mots.
3) La méthode semi-globale: Après un départ global, la méthode retourne plus ou moins vite à l’apprentissage des lettres et des syllabes.
Malheureusement,
je crois que nos enfants ont servi de cobayes aux fantaisies ou
originalités prétentieuses du corps enseignant. Si la méthode syllabique
a fait ses preuves durant des dizaines de générations, pourquoi y
déroger? Le mal est fait et les nouvelles générations d’instituteurs
s’affairent à réparer les fautes de leurs aînés. Travail d’autant plus
difficile que, tout le monde le sait, les média audiovisuels ont un
impact bien plus fort que la lettre écrite et que les smartphones et
leurs icônes entravent l’apprentissage de l’orthographe. D’autant plus
que le politiquement correct voudrait qu’on lise en général « avec les
yeux » et non pas à haute voix, ce qui empêche la précision et surtout …
la correction.
Il ne s’agit pas de « lire » mais de « savoir lire
» avec précision en soulignant toutes les finesses de l’hébreu et «
lire vite » n’a jamais été synonyme de « lire précis ». Ne l’oublions
pas, l’hébreu est la langue de D.ieu, et même s’il est utilisé à des
fins profanes, il reste la langue sacrée et tout texte, chant ou prière
qui y sont liés doivent être soigneusement fignolés.
On a dit de rabbi Shnéour Zalman de Lyadi (1745-1812), fondateur du mouvement
‘Habad, qu’il choisissait ses disciples les plus compétents pour
enseigner l’alphabet aux enfants. Mais, lui dit-on, pourquoi ne pas les
réserver pour expliquer à d’autres des pages talmudiques complexes. Ce à
quoi il répondit: « Lorsque les meilleurs de mes élèves enseignent un
Aleph, ce n’est pas une lettre qu’ils enseignent, mais un univers tout
entier … ».
Chabbath Chalom
Yaakov Levi
Rav Kehilath Atrid, Arnona Hatse’ira.
[Source : www.lphinfo.com]
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