segunda-feira, 12 de junho de 2017

Un néo-Québécois contre l’obsession ethnoculturelle

Tous les Québécois, qu’ils soient de souche ou d’installation récente, ont et doivent avoir les mêmes droits et assumer les mêmes responsabilités, estime l'auteur. 
Écrit par Sam Haroun

Nous souffrons d’obsession ethnoculturelle. Pas un débat politique ou culturel sans que, au détour d’une idée, d’une phrase ou d’un mot, surgissent les préjugés et les associations erronées et simplistes : les immigrants n’aiment pas nos valeurs, les Anglos sont plus tolérants que les Francos, qui sont plus identitaires et plus exclusifs, et ainsi de suite ! La nuance ne fait pas bon ménage avec l’ethnoculture. D’ailleurs, les Canadiens d’expression anglaise ont élevé le multiculturalisme au rang de mythe fondateur du pays, au point qu’ils en font le secret de la réussite des institutions. Pour ne pas être en reste et pour nous en démarquer, nous nous accrochons, au Québec, à l’interculturalisme, idée proposée par Gérard Bouchard dans ses écrits, comme la réponse universelle à tous nos problèmes. Encore récemment, le 30 mai, Le Devoir publiait une lettre de Michel Seymour (relayé, le 31 mai, par Olivier Collin) qui s’achevait par un dithyrambe appuyé de l’interculturalisme. Pourtant, à y regarder de plus près, nous constatons que l’interculturalisme est une variante édulcorée du multiculturalisme. 
Selon les multiculturalistes, la société (canadienne ou québécoise) est composée de communautés culturelles qui doivent être reconnues en tant que telles alors que, pour les interculturalistes, le Québec est fait d’une majorité canadienne-française et de minorités ethnoculturelles. Reste que les deux modèles relèvent de la même logique sociologique puisqu’ils se réfèrent à l’ethnoculture comme prémisse incontournable à leur vision des choses. Or les questions qui se posent au Québec depuis les débuts du débat sur les accommodements sont d’ordre politique : qu’est-ce qu’être citoyen québécois et quels devraient être les rapports entre l’État et la religion ?
 
D’abord des individus
 
Il n’y a pas d’ethnocultures à l’Assemblée nationale. Il y a des individus : les députés, qui représentent des individus, soit les électeurs, abstraction faite de leurs origines ethniques, religieuses et nationales, et cela vaut pour les uns et pour les autres. Mais ces individus ne sont pas des atomes isolés qui errent dans la nature, ils participent d’un système de valeurs qui les intègre dans la Cité : ces individus-citoyens, débarrassés de leurs préjugés culturels et sociaux, forment la volonté générale inscrite dans la loi. La démocratie n’existe que s’il se forme, au-dessus des individualités consentantes, une entité collective qui incarne les aspirations et les responsabilités de tous et de tout un chacun. Henry Kissinger n’est pas un historien juif allemand, mais un historien américain, et Salman Rushdie n’est pas un romancier islamo-indien, mais un écrivain britannique. Fonder la citoyenneté sur l’ethnie ou la religion équivaut à la réduire à un état primaire, infrapolitique. La dualité ethnoculturelle majorité/minorités altère l’idée de peuple qui, dans le cas du Québec, a été forgée par quatre siècles d’histoire avec ce que cela suppose de traditions et d’institutions, de malheurs et de grandeurs, de représentations et de symboles.
 
Instaurer le modèle
 
Tout en saluant la démarche libérale et l’esprit d’ouverture des interculturalistes, nous demeurons sceptiques quant à la façon d’instaurer ce modèle. Pour M. Bouchard, « la reconnaissance des minorités ethnoculturelles dans un esprit pluraliste est une des pièces maîtresses de l’interculturalisme » (cf. Bouchard, L’Interculturalisme…, p. 47). Il définit la minorité comme « un foyer ou une sociabilité distincte qui se déploie à la fois en coexistence et en relation avec la culture majoritaire… » (ibid, p. 36) et préconise que « l’interculturalisme […] se soucie autant des intérêts de la majorité culturelle […] que des intérêts des minorités et des immigrants » (ibid, p. 16). Reconnaître implique une égalité des cultures au sein d’une même société et l’attribution de droits spécifiques à chacune des cultures. Que les premiers peuples du Canada jouissent de droits politiques, administratifs et culturels n’est que justice puisqu’ils ont humanisé le territoire depuis des millénaires ; que les Québécois d’expression anglaise aient des droits linguistiques est aussi justice puisqu’ils ont développé depuis deux siècles d’importants réseaux éducatif et hospitalier ! Ce sont des droits spécifiques liés à des conditions historiques spécifiques. En vertu de quoi les néo-Québécois devraient-ils avoir des droits spécifiques ? Et, du reste, quels droits ?
 
Tous les Québécois, qu’ils soient de souche ou d’installation récente, ont et doivent avoir les mêmes droits et assumer les mêmes responsabilités. Ni plus ni moins ! C’est ce qu’on appelle la citoyenneté dans une démocratie.
 
En clair : tous les droits aux individus, aucun droit aux ethnocultures !


[Photo : Annik MH de Carufel - source : www.ledevoir.com]

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