Dimanche 14 mai, s’est déroulé le pèlerinage de la Ghriba à Djerba. Ghriba signifie littéralement « isolée ». Il est quelque fois utilisé pour désigner une synagogue antique située à l’écart du quartier juif. De nombreuses légendes existent pour expliquer l’origine de celle de Djerba. L’emplacement actuel de la Ghriba serait, selon une légende, un lieu désert délaissé par les habitants de la localité voisine de « Hara Sghira », « petit ghetto ». Y aurait vécu seule, néanmoins une jeune femme modeste. Personne ne connaissait son origine, les conditions de son arrivée, de sa subsistance… Suspectée d’avoir des pouvoirs surnaturels, personne ne l’aurait approché, ou lui aurait apporté d’aide.
Écrit par Dov Zerah
Une nuit, des flammes se seraient élevées de sa cabane. Personne ne lui a porté secours. Au matin, des curieux finirent par aller voir la situation, et découvrirent la cabane réduite en cendres, et la jeune fille morte, mais dont le corps n’était pas atteint par les flammes. Ce miracle qui épargna le corps de cette jeune étrangère, « la Ghriba », en fit une sainte. Une synagogue a été construite sur le lieu.
Nul ne sait dire s’il y a un lien de cause à effet entre cette légende et la pratique consistant, durant le pèlerinage, à ce que toute femme qui souhaite se marier ou avoir un enfant dépose un œuf dans une grotte à l’accès difficile, aux dimensions réduites, 3 m de longueur, 50 cm de largeur et un hauteur d’un demi mètre… Signe extraordinaire de la cohabitation entre les communautés arabe et juive, nombreuses sont les femmes musulmanes qui n’hésitent pas à déposer un œuf dans la grotte…
L’histoire la plus répandue rapporte qu’à la suite de la destruction du premier Temple, au septième siècle avant notre ère, le Temple de Salomon, par Nabuchodonosor, des prêtres quittèrent Jérusalem en flammes avec une porte et des pierres du bâtiment. Certains vont même jusqu’à prétendre qu’ils partirent avec l’Arche sainte ou certains de ses éléments. Arrivés à Djerba, ils construisirent une synagogue avec ces vestiges du Temple.
Si cette légende était confirmée, cela signifierait que la Ghriba serait la plus ancienne synagogue au monde. Si cette légende était confirmée, cela signifierait que la communauté juive de Djerba serait la plus ancienne au monde, en dehors d’Israël.
Si le pèlerinage a duré du 12 au 14 mai, le point d’orgue était dimanche après-midi avec la procession de la « ménara », qui signifie « lanterne » ou « candélabre » qui fait un aller-retour entre la synagogue et la ville de la « Hara Sghrira ».
Même si les pèlerins, 3 000 selon les sources officielles, n’étaient pas aussi nombreux qu’avant la révolution de 2011, le pèlerinage a été, cette année, un véritable succès et a connu une affluence beaucoup plus importante que l’an dernier.
De très nombreux journalistes allemands, britanniques, français, italiens… étaient présents pour couvrir l’événement. La Tunisie accueillant de plus en plus de Russes, 50 journalistes avaient fait le déplacement depuis Moscou pour rendre compte de l’événement.
Même s’il est loin le temps où les charters venant d’Israël atterrissaient directement sur l’île, plus d’une centaine d’Israéliens d’origine tunisienne dont un grand rabbin de Safed ont participé à l’événement.
La réussite de cet événement est un des nombreux signes du renouveau touristique tunisien. Et c’est une bonne nouvelle pour le pays qui a pâti des nombreux attentats de la Ghriba, du musée du Bardo, de Sousse…
Cette commémoration a été également l’occasion pour la ministre du Tourisme et de l’artisanat et le ministre des Affaires culturelles d’annoncer la création d’un musée de la mémoire judéo-tunisienne à l’occasion des rencontres annuelles de Djerba, intitulées cette année « Djerba invite la France ». L’an dernier, les débats avaient porté sur la faisabilité ; cette année, il s’agissait de commencer à définir les modalités de réalisation de ce projet. Un des lieux envisagés pour ce futur musée pourrait être la grande synagogue de Tunis, dont on fêtera le soixante dixième anniversaire en décembre.
La Tunisie redécouvre sa communauté juive. En attendant ce musée, il y a eu le très beau documentaire de la réalisatrice tunisienne Fatma Cherif « Tunisie, la Mémoire juive. »
Rappelons qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, la population juive comptait plus de 100 000 personnes. Elle a régulièrement décru pour atteindre aujourd’hui un peu plus de mille personnes dont plus de 80 % à Djerba et Zarzis. 50 % ont rejoint Israël. Cette diminution s’est progressivement effectuée au lendemain de la seconde guerre mondiale, à l’indépendance en 1956, après l’attaque de la base militaro-navale de Bizerte en 1960, après la guerre des six jours de 1967…
Djerba constitue une véritable exception avec une communauté présente active par l’intermédiaire de ses synagogues, de ses écoles religieuses, ses institutions sociales, ses orfèvres, ses commerçants…qui perdure et se développe en bonne intelligence avec ses voisins arabes, nonobstant les interférences géopolitiques. Un modèle du vivre ensemble dont beaucoup devraient s’inspirer !
[Source : www.tel-avivre.com]
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