Les nouvelles en provenance de la Turquie sont toujours aussi inquiétantes : depuis le coup d'État manqué du 15 juillet 2016, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan s'est lancé dans une purge au sein de la population civile, des intellectuels et de l'armée. Le Conseil Européen des Associations de Traducteurs Littéraires, le CEATL, s'alarme ainsi de l'emprisonnement de la traductrice turque Necmiye Alpay.
Necmiye Alpay (photographie via CEATL) |
Écrit par Antoine Oury
Dès le 27 juillet, un décret du gouvernement Erdogan prononçait la fermeture administrative de 29 maisons d'édition, sans fournir d'explications. 16 télévisions, 23 radios, 45 journaux et 15 magazines subirent rapidement le même sort, sans autre forme de procès. Dans les premiers jours qui suivirent le coup d'État manqué, « près de 70.000 personnes ont été arrêtées, font l’objet d’une enquête, ont été suspendues ou congédiées. On compte au moins 59 journalistes et écrivains », expliquait l'organisation PEN International.
Parmi eux, le cas d'Asli Erdogan est particulièrement frappant : la police turque s'est présentée à son domicile le 17 août dernier, pour lui signifier son arrestation. Un semblant de procès a eu lieu le 5 septembre, alors que l'auteure était accusée de « propagande en faveur d’une organisation terroriste », « appartenance à une organisation terroriste » et « incitation au désordre ». Le tribunal d'Istanbul a décidé de son maintien au sein de la prison de Bakırköy, malgré son état de santé fragile.
Le CEATL attire aujourd'hui l'attention sur un autre cas préoccupant, celui de Necmiye Alpay, traductrice, critique et linguiste turque membre de la Çevirmenler Meslek Birliği (ÇEVBİR), l'association des traducteurs turcs. Comme Asli Erdogan, Necmiye Alpay a été accusée « d'appartenance à une organisation terroriste armée », et a été placée en détention dans l'attente d'un procès au prétexte qu'« elle pourrait prendre la fuite », rapporte le CEATL.
L'état de santé de Necmiye Alpay, 70 ans, est fragile, et le CEATL réclame sa libération immédiate, ainsi que la fin de la « chasse aux sorcières » initiée par Erdogan.
Une purge contre les soutiens aux minorités
Les arrestations commandées par Erdogan et son gouvernement ne sont évidemment pas uniquement dirigés vers les organisateurs du coup d'État de juillet dernier. Les soutiens politiques aux minorités opprimées par le régime turc sont également visés : Asli Erdogan avait été une des premières auteures à reconnaître le génocide arménien par les Turcs, et à présenter des excuses publiques, en 2008.
Pour Necmiye Alpay, ces représailles politiques sont encore plus flagrantes : elle fait partie du comité consultatif du journal Özgür Gündem, une publication prokurde, « un poste symbolique pour incarner sa défense de la liberté d'expression », précise le CEATL. Évidemment, dès le 16 juillet, le journal a été visé par la censure du gouvernement turc, avec une accusation de « soutien aux actions terroristes du PKK ».
PKK, pour Parti des travailleurs du Kurdistan, incarne une organisation armée et politique kurde qui commandite des actions pour revendiquer l'existence d'une nation kurde au sein de la Turquie moderne. L'organisation est considérée comme terroriste par le gouvernement kurde, mais aussi par les États-Unis, ce qui rend délicate toute aide internationale.
Au dernier G20, en Chine, Erdogan n'avait d'ailleurs pas manqué de rappeler à Barack Obama que son pays devait continuer à lutter avec la Turquie contre les organisations terroristes : l'État islamique, bien sûr, mais aussi les groupes kurdes originaires de Syrie.
Plus d'information sur la censure d'Erdogan et le coup d'Etat en Turquie.
[Source : www.actualitte.com]
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