quarta-feira, 30 de dezembro de 2015

Si j’égratigne un peu le mythe de la « Corse ile Juste », vous allez beaucoup m’en vouloir ?


Maxime Cohen, responsable de la communauté juive de Corse, a adressé à Yad Vashem en 2010 une demande pour que la Corse soit reconnue « Ile juste », car, selon lui et selon la légende, « La Corse est le seul département français qui n’a ni arrêté, ni déporté de juifs durant la Shoah ».
La réponse du Président du Comité français de Yad Vashem, Paul Schaffer, fut : « La Corse n’obtiendra jamais cette distinction ».
La raison ? La légende est hélas fausse. Déportation il y a bien eu.

La Corse avait ses antisémites comme partout ailleurs en France

  • Selon le Grand Rabbin Haïm Korsia, « les Corses dans leur ensemble, pas tous les Corses, car il y a eu beaucoup de Corses collaborationnistes insupportables, mais, dans leur ensemble, les Corses, ont considéré que c’était une partie d’eux-mêmes que l’on touchait ».
  • Iannis Roder, professeur agrégé d’Histoire et responsable formation du mémorial pour la Shoah, déclarait dans L’Informateur Corse Nouvelle du 14 mai 2010 « à l’époque, les lois édictées par le gouvernement de Vichy étaient bel et bien appliquées en Corse et personne
    ne s’est opposé à l’astreinte à résidence, entre mai et septembre 1943, des israélites à Asco. »
  • Sur le site de Résistance.Corse.asso.fr Iannis Roder, qui enseigne l’histoire-géographie à Saint-Denis, précise que lorsque durant l’été 1943, 57 chefs de famille Juifs de Bastia ont été assignés à résider à Asco, nulle protestation ne s’est élevée alors.
  • Lorsque Darnan crée sa «Légion Française des Combattants» en 1940 à Nice, il déclare :
    «Partez en emportant mon mot d’ordre. Nous avons besoin que les vrais Français patriotes remplacent les métèques, les Juifs et les étrangers». Et environ 20 000 corses furent recrutés, précise Roder.
  • Doriot, antisémite notoire et chef du Parti Populaire Français, recruta 300 adhérents dans l’île, qui distribuèrent des tracts antisémites et barbouillèrent des vitrines de commerces juifs.
  • La presse pétainiste corse n’était pas en reste. Bastia journal du 21 juin 1941 écrivait : «…les fauteurs de discorde, Juifs échappés des ghettos, francs-maçons chassés de leurs termitières, communistes impénitents, apatrides saboteurs».
  • La presse catholique de l’ile de beauté ne manquait pas à l’appel non plus. Le « Bulletin diocésain » d’août 1941 va même jusqu’à justifier la persécution que les Juifs subissent : «…parce qu’ils commençaient à trop s’identifier avec les peuples au milieu desquels ils vivaient et qu’ils étaient en train de perdre leur originalité ; alors Dieu a permis qu’ils fussent ramenés durement à leur destinée».
  • Le 24 août 1942, dans le même Bulletin diocésain, juste après la rafle du Vél. D’Hiv, Joseph Ferracci, membre du Conseil diocésain, justifiait les persécutions ainsi : « ce peuple n’a pas reconnu Jésus comme le Messie ».
  • Durant l’entre-deux guerres, le journal «A Muvra» expliquait que les agressions des nazis et des fascistes contre les peuples étaient dirigées :
    « contre la grande offensive hébraïque ourdie à Moscou et à Londres », et «Si les Juifs et les francs-maçons veulent la ruine de Hitler et de Mussolini qu’ils y aillent eux-mêmes [faire la guerre]».

La Corse, seul département français qui n’a ni arrêté, ni déporté de juifs ?

Non dit Louis Luciani, ce petit professeur d’histoire de Luri, qui a étudié les persécutions en Corse durant la guerre avec ses élèves de 4e pour le Concours national de la Résistance, et a découvert dans les archives départementales, nationales et italiennes, l’existence d’une déportation.
Il s’appelait Ignace Schreter, c’était un juif allemand arrivé en France en 1938 et réfugié à Ajaccio pendant la seconde Guerre mondiale. Il sera arrêté par la police ajaccienne et envoyé dans les camps de la mort où il sera exterminé au camp de Sobibor en Pologne.
Louis Luciani explique à Corse matin :« Ignace Schreter est arrêté par la police d’État d’Ajaccio, le 9 septembre 1942. C’est le secrétaire général de la préfecture qui profite de l’absence du préfet Paul Balley, parti sur le Continent, pour informer l’administration pétainiste de la présence en Corse d’un israélite allemand, de surcroît communiste. Il dit dans son courrier : « La police d’Ajaccio vient d’arrêter un Juif allemand rentré sans papier en France en 1938 avec passeport non visé. Faute de camp de concentration dans le département, il a été privé de ses papiers d’identité et assigné à résidence. Je dois le diriger sur le camp de Rivesaltes conformément à la circulaire du 5 août 1942. » Signé le secrétaire général de la préfecture de Corse. André M. »
L’historien et collaborateur à Yad Vashem Alain Michel, réagissant à une question de notre confrère Jean-Patrick Grumberg, déclarait : « Paul Schaffer a raison [de refuser le titre de ile Juste à la Corse], et l’absurdité d’une telle demande montre à quel point « l’obsession des Justes de France » menée notamment pas Klarsfeld déforme notre regard sur le passé ».
Seul le village du Chambon-sur-Lignon a été reconnu « Juste parmi les Nations ».
Si j’ai volontairement écarté de cet article les très nombreux témoignages qui expriment comment les Corses ont protégé, caché, et aidé les juifs, c’est parce que d’innombrables documents y pourvoient, dont un documentaire d’André et Clémentine Campana, qui apporte un éclairage inédit sur la situation des juifs dans l’île de beauté durant l’Occupation.
Par Alain Grinblat

[Source : www.jssnews.com]

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