Après de nombreuses collaborations, Oxmo Puccino et Ibrahim Maalouf reviennent pour un nouvel album, et un duo cette fois : « Au Pays d’Alice », un retour au pays du personnage inventé par Lewis Caroll en 1865.
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La pochette de l’album, sortie le 18 novembre. |
Par Tanguy Homery
Il était une fois, une commande…
Au Pays d’Alice… n’est pas né comme n’importe quel album. Oubliez tout de suite l’idée même d’une suite de morceaux sans intérêt : ce n’est pas le genre des deux artistes. En réalité, l’œuvre était à la base une commande. Ibrahim Maalouf, invité par le Festival Île-De-France en 2011, se voit proposer la réalisation d’un projet autour du « merveilleux ». Ne pouvant s’y attaquer tout seul, il se tourne vers son ami Oxmo Puccino.
Un ami, oui, car les deux artistes avaient déjà collaboré ensemble plusieurs fois sur des albums, et sur quelques concerts, avant d’arriver dans ce projet. Interrogé par TouteLaCulture.com, Ibrahim explique qu’ils avaient « vraiment envie de travailler ensemble (…) on a pas mal de points communs, d’amis en communs, d’âme commune même. »
Puccino s’est alors attaqué à la lourde tâche de reprendre le conte de Lewis Caroll écrit en 1865, sans tomber dans la répétition. Car entre adaptations au cinéma, en musique, en jeux-vidéo, ou encore en arts-plastiques, le conte de Caroll aurait été repris près de 200 fois dans le monde tout type d’œuvre confondu. « C’est un texte qui laisse trop de portes ouvertes », affirmait Oxmo Puccino, lors d’une interview sur Qobuz.
Ibrahim Maalouf, c’est bien entendu le célèbre trompettiste, mais vous l’entendrez rarement jouer de son instrument dans cet album (seulement de temps en temps, sur Jamais quand il faut ou Partie de Croquet, par exemple). Le Libanais s’est en effet collé au rôle de l’écriture des musiques de ce projet. On ressent la patte d’Ibrahim Maalouf à plusieurs endroits, comme dans la piste Introduction qui ressemble plus ou moins à Illusions qui ouvrait son dernier album solo. Une petite référence qui, voulue ou non, fait plaisir à entendre.
Une fois réunis, Maalouf et Puccino vont se produire pour un seul et unique concert spectaculaire rassemblant « un orchestre philharmonique, une chorale de 200 chanteurs, un cirque,… ». Mais après ce concert, est rapidement arrivée l’envie d’enregistrer l’album puisque aucune captation n’avait été faite. Alors, à force de se répéter que c’était dommage qu’il n’y ait pas eu « de trace audiovisuelles de ce moment là », l’idée d’enregistrer un album est apparue.
Un retour orchestral
Ibrahim Maalouf à la direction artistique, et Oxmo Puccino aux paroles, voilà donc la répartition des tâches. Pour ce nouvel album, les deux principaux protagonistes ont opté pour un accompagnement oscillant entre l’orchestre classique et le groupe de jazz/rock. « Dans la proposition même de création il y avait l’idée de faire travailler des professionnels avec des amateurs, des jeunes avec des moins jeunes, etc… », explique Ibrahim Maalouf. Instruments, générations, niveaux… tout est mélangé pour ne faire qu’un.
L’éclectisme de l’album provient justement de cela : un mélange entre tous les styles contemporains qui font la musique aujourd’hui. En une phrase, on peut dire que tout le paysage musical actuel est résumé, retravaillé et diffusé sur cet album.
Il ne faut pas oublier également la Maîtrise de Radio France (la chorale des jeunes chanteurs de Radio France) qui accompagne majestueusement Oxmo Puccino dans les montées en puissance des morceaux, à l’image de Tomber Longtemps. Parfois imposantes, parfois stridentes, les voix des jeunes chanteurs participent énormément à la création de l’atmosphère de cet album : une atmosphère merveilleuse.
Mais, dans l’accompagnement instrumental, on retrouve aussi des musiciens et un son que l’on connaît bien quand on écoute Ibrahim Maalouf. En effet, ce dernier a invité ses fidèles musiciens à jouer sur cet album. L’allemand Franck Woeste aux claviers, François Delporte à la guitare, Stéphane Galland à la batterie… un son très agréable donc, notamment pour ceux qui auraient adoré les derniers albums d’Ibrahim Maalouf.
Alice vu par Oxmo Puccino
« Il a fallu réadapter quelque chose qui existait déjà en essayant de ne pas virer dans le médiocre, dans le plagiat honteux », voilà comment Oxmo Puccino décrit son mode d’écriture. Car il est vrai qu’avec des centaines d’adaptations existantes, Alice au pays des merveilles a déjà été revisité sous tous les angles.
Puccino nous propose sa propre vision de l’histoire d’Alice au pays des merveilles. Réutilisant les personnages de l’histoire (le Lapin Blanc, Absolem la Chenille, la Reine…), le rappeur y a ajouté sa patte sombre, celle qui signe aussi la plupart de ses albums personnels.
Malheureusement, la voix d’Oxmo Puccino n’est pas toujours adaptée aux histoires qu’il veut nous raconter. Certes ses textes sont irréprochables, Puccino manie les mots avec grand art, et comme disait Pascal Clark sur France Inter à son propos :« Il est celui qui joue des métaphores tel un chat du Cheshire du Hip-Hop ». Seulement sa voix se trouve être trop monotone sur des pistes comme La porte bonheur.
Certaines histoires sont quand même plus entraînantes que d’autres, à l’image du morceau Le Process qui clôt l’album. Les textes récités par Oxmo Puccino y sont majestueux, la musique est rythmée, il y a un réel mélange des genres. C’est finalement ce type de titre que l’on aurait aimé retrouver sur tout l’album.
Le résultat est à découvrir
Malgré quelques défauts, Au Pays d’Alice n’en est pas moins un très bon album qu’il faut absolument écouter si on veut sortir le temps de quelques minutes des sentiers battus de la musique actuelle. Ibrahim Maalouf est un compositeur hors-pair et il nous le prouve ici, Oxmo Puccino est un écrivain de talent et lui aussi le prouve ici.
Au Pays d’Alice, par Oxmo Puccino et Ibrahim Maalouf, est sorti le 18 novembre.
[Source : www.worldzine.fr]
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