Les innovations numériques entraînent de
nécessaires ajustements, qui viennent avec le temps. C'est en substance
que de répond le fondateur de Scribd, alors que la Science Fiction and Fantasy writers of America
vient d'épingler gentiment son service. Andrew Weinstein est contraint
de le reconnaître : on trouve des contenus uploadés illégalement, et qui
sont accessibles pour les personnes qui ont souscrit à une offre
d'abonnement. En somme, on paye, et on pirate. Qui a dit Megaupload ?
[NB : pour étrange que cela puisse être, le mot
"repère", et non "repaire", est pleinement assumé par le rédacteur, au
sens d'indicateur]
La bibliothèque numérique que propose Scribd est une des
premières solutions de publication de documents pour une lecture de
textes en streaming apparue sur le marché. Avec le temps, les
problématiques de piratages se sont multipliées, alors que des
utilisateurs, soucieux de faire profiter leurs condisciples internautes
ont, sans autorisation préalable, diffusé des oeuvres sous droit.
40 millions de documents et de livres, ça fait rêver
En 2007, Scribd s'était fait tirer l'oreille, et cela
revient régulièrement. Depuis cette époque, le petit service est devenu
grand, et propose maintenant trois offres d'abonnement, accès durant une
journée, au mois ou abonnement annuel. La quantité d'oeuvres
disponibles varie donc en fonction de la formule pour laquelle le
consommateur opte, tout est très sensé.
Comme la société, au fil du temps, a mis de l'ordre dans
ses uploads, des éditeurs comme HarperCollins, Simon & Schuster et
des distributeurs comme Smashwords, ont choisi de faire confiance à
l'outil. Et d'introduire leurs oeuvres, tant pour la commercialisation
en achat direct, que pour les services d'abonnement. Si l'on n'est pas
abonné, les oeuvres sont disponibles dans une certaine quantité
gratuitement, avant qu'un sympathique message ne vous informe que, pour
en lire plus, il faudra sortir sa carte bleue.
C'est que l'on doit bien rémunérer les ayants droit, l'auteur, l'éditeur, à un moment ou un autre.
Passons très, très, très rapidement, sur le fait que les
éditeurs américains ne disposent peut-être pas des droits de
commercialisation des oeuvres sous cette forme - l'abonnement - pour se
concentrer sur quelques notions économiques plus urgentes. La
consultation d'extraits gratuits est devenue une norme, simplement parce
que cela offre un attrait supplémentaire pour séduire le chaland, et
tenter de transformer une vente plus efficacement. Le modèle Scribd
fonctionne alors de la sorte :
- les premiers 10 % du livre sont gratuits
- entre 10 et 15 % lus : pas de paiement pour l'auteur/l'éditeur
- entre 15 et 30 % : un crédit. 10 crédits font une vente
- à partir de 30 % de lecture : une vente complète
Évidemment, souligne la SFFWA,
dans le cas d'un roman complet, cela semble cohérent. Mais pour une
anthologie, un recueil de nouvelles... on se rend bien vite compte de
l'écueil. En regardant des droits d'auteurs perçus sur les ventes de livres
numériques, on comprend mieux encore que les billets houleux tempêtent
sur la toile. Mais plus encore, voilà que l'on touche la limite du
service, avec l'upload effectué sans contrôle, par des particuliers.
Tiens, c'est normal, ça ? |
La monétisation d’œuvres piratées n'est bien entendu pas
la vocation première de Scribd, pour qui la confiance des éditeurs est
essentielle, autant que celle des auteurs indépendants. Pourtant, les
abonnés peuvent accéder à des œuvres illégalement uploadées, dans le
cadre des formules proposées. Et la SFFWA commence à affûter ses armes,
en considérant que du contenu pirate, on en trouve partout, en grande
quantité, sur Scribd.
Plus de 40 millions de documents et de livres sont
intégrés dans la base de données, avec 80 millions de lecteurs chaque
mois, et un accès dans une centaine de pays. Cela laisse rêveur quant à
la quantité de textes disponibles, qui le sont sans autorisation. Sauf
qu'il n'existe pas de données conrètes : cela pourrait tout aussi bien
représenter une oeuvre piratée pour 100.000 légalement proposées...
"Nous ne sommes pas encore vainqueurs sur ces questions, ce sont des efforts à réaliser sur le long terme"
(Andrew Weinstein, cofondateur de Scribd)
Retour en 2007 : Scribd lançait alors une série d'outils
pour surveiller les mises en ligne de documents, et puiser dans une base
de données des éléments comparatifs pour exercer un contrôle plus
strict. Mais le combat contre le piratage est une lutte incessante,
surtout quand on propose à tout un chacun de pouvoir diffuser un
document avec une simple inscription. De quoi faire dire que,
finalement, le service d'abonnement profitait de l'offre pirate pour
attirer plus encore le chaland.
Interrogé par Publishers Weekly,
Andrew Weinstein, le cofondateur, est confus : s'il nie catégoriquement
que Scribd encourage à la diffusion de contenus piratés, il promet
qu'avec ses équipes, ça travaille d'arrache-pied pour parvenir à une
offre qui soit la plus légale et respectueuse possible. Les solutions
techniques évoluent, se perfectionnent... à mesure que les internautes
trouvent de nouveaux moyens de les contourner. En novembre dernier,
Weinstein rencontrait d'ailleurs l'Association of American Publishers,
pour s'entretenir des mesures prises par le site pour lutter
efficacement contre la contrefaçon.
L'un des enjeux, ce serait de disposer de copies
numériques avec un système d'empreinte digitale : l'éditeur, dans un
monde parfait, fournirait une version numérique de ses œuvres, laquelle
servirait de référence comparative, pour tout nouveau document
présentant des éléments similaires. Et d'assurer que, dès qu'un contenu
illégal est signalé, l'équipe intervient en moins de 24 heures. Nous
ferons le test en fin d'article, justement.
« Nous ne sommes pas encore vainqueurs sur ces questions, ce sont des efforts à réaliser sur le long terme
», reconnaît Weinstein, tout en avouant que les problèmes demeurent...
principalement parce que les éditeurs ne fournissent pas toute l'aide
nécessaire pour y remédier. Et comme Scribd n'a pas de relations
commerciales avec l'ensemble des éditeurs du monde, il ne lui est pas
possible de confronter un nouvel upload avec une base de données qui
serait exhaustive.
Quant à la France, elle n'est clairement pas épargnée par la contrefaçon sur Scribd, comme le démontre notre enquête.
Écrit par Nicolas Gary
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