Le 12 décembre 2013, après plusieurs semaines de discussion, le gouvernement catalan s’est enfin décidé sur les modalités du référendum sur l’indépendance, prévu le 9 novembre 2014. Celui-ci prendra la forme d’une double question.
Chaîne humaine du 11 septembre 2013, Plaça Catalunya, Barcelone. |
Écrit par Valentin Berthoux
« Souhaitez-vous que la catalogne devienne un État ? » En cas de réponse affirmative, le citoyen devra répondre à une seconde question : « Souhaitez-vous que la Catalogne devienne un État indépendant ? ».
Cette double question est le résultat de longues heures de négociation
entre les différents partis catalans. Le choix de la question a été le
centre d’un fort débat au sein de la société catalane, face à un
gouvernement central qui ne souhaite pas en entendre parler. L’enjeu
d’un telle décision était important : il s’agissait de laisser, ou non,
une possibilité de représentation aux citoyens qui soutiennent la « 3e
voie ».
Cette « 3e voie », très discutée, est une solution
intermédiaire, moins radicale que l’indépendance. Pour certains, le
statu quo n’est plus tenable pour la Catalogne, mais ils ne veulent pas
non plus en arriver jusqu’à la sécession avec le reste de l’Espagne.
C’est par exemple le cas de la proposition du PSC (Parti Socialiste
Catalan) qui appuie l’idée d’un État fédéral. Cette « 3e voie » peine
tout de même à exister au milieu d’un débat qui se radicalise de jour en
jour.
Bien plus qu’une simple annonce d’un calendrier, les
politiques catalans ont trouvé un moyen de renvoyer la balle dans le
camp de Madrid, qui répète depuis plusieurs mois que le référendum est
anticonstitutionnel et qu’il n’aura jamais lieu. En annonçant une
chronologie et une question claire, les Catalans poussent le pouvoir
central à sortir de son silence et à s’exprimer sur la question. Madrid
est maintenant dans une situation délicate où interdire la consultation
passerait pour une mesure antidémocratique aux yeux des citoyens et de
la communauté internationale.
Le rôle de la communauté internationale est essentiel; et cela,
les Catalans l’ont bien compris. Le président de la Generalitat, Artur
Mas, mène depuis plusieurs mois différentes actions et réunions à
l’étranger et à Bruxelles, pour tenter d’internationaliser
l’affrontement. Dernièrement, il a écrit à plusieurs États européens et
aux institutions européennes pour défendre son projet de référendum et
d’autodétermination pour le peuple catalan. La Via Catalane, grande
chaîne humaine traversant l’ensemble de la Catalogne, organisée le 11
septembre 2013, en se basant sur l’exemple la Voie Balte de 1989, s’inscrivait aussi dans cette logique d’internationalisation du conflit.
Aujourd’hui, il est clair que les Catalans sont sur le point de gagner
ce pari. La bataille entre Barcelone et Madrid est devenue manichéenne
et le gouvernement central en s’obstinant à refuser un référendum,
endosse le rôle du « méchant » s’opposant à la liberté d’expression d’un
peuple. A l'étranger, certaines voix se sont élevées pour demander que
ce référendum puisse être organisé au nom de la démocratie et du droit à
l’autodétermination.
Madrid est aujourd’hui dans une posture très délicate. Le
gouvernement de Rajoy refuse le dialogue avec la Catalogne et se
retranche derrière la Constitution pour expliquer qu’un référendum n’est
pas réalisable. Au fond, ce rejet est logique : l’exécutif de droite
satisfait ainsi à une grande partie de son électorat conservateur et
défenseur du traditionnel centralisme d’État.
Mais, ici, le
calcul politique est peut-être mauvais. Actuellement, le principal
argument des indépendantistes catalans est le fait que Madrid s’oppose à
un acte démocratique et ignore les demandes du peuple. Il est clair que
Mariano Rajoy en se refusant à tout dialogue et en mettant en place une
logique d’affrontement frontal contribue aujourd’hui à alimenter encore
plus la cause indépendantiste.
Depuis plus d’un an, la bataille menée par Artur Mas finit petit à
petit par porter ses fruits. De nos jours, parler d’indépendance en
Catalogne n’a plus rien de tabou, alors qu’il y a quelques années, ce
débat se réduisait à quelques irréductibles. Mais il ne faut pas s’y
tromper, ces revendications ne sont pas une invention du président à la
barre d’une hasardeuse manœuvre politique. Si le débat indépendantiste
s’est imposé, c’est bien parce que la société civile catalane s’est
emparée de l’idée et est descendue en masse dans les rues, à plusieurs
reprises. Depuis 2010, les manifestations réunissant à chaque fois des
millions de manifestants s’enchaînent. Pour une région de 7 millions
d’habitants, la mobilisation est plus que massive.
Reste
que la double question du référendum ouvre de nouvelles inconnues. Avec
maintenant 3 choix pour le citoyen; quel nombre de vote sera retenu pour
considérer une option comme gagnante ? Le gouvernement d’Artur Mas
précise qu’une option sera reconnue comme valide si celle-ci dépasse 50%
des voix exprimées. Dans les consultations avec plus que deux options,
atteindre 50% est très difficile. Le dernier sondage réalisé montre que
44% des Catalans sont en faveur de l’indépendantisme et voteraient oui
aux deux questions. Un très bon résultat pour les séparatistes. Mais
surtout, ce que révèle cette étude, c’est que 20% des Catalans n’ont
encore rien décidé. Ce pourcentage très élevé invite à la prudence et
prouve que l’issue du vote est clairement imprévisible.
Au
fond, ce qui se passe depuis plusieurs mois, au delà d’une lutte pour
l’indépendance ou pour le droit à l’expression, c’est que les Catalans
réussissent petit à petit à faire accepter leur identité et leur
constitution en tant que nation, à l’Espagne et au reste du monde. Cette
affirmation, loin d’être anecdotique dans la conscience commune, est un
pas de géant moins de 40 ans après la fin de la dictature franquiste.
[Photo de l'auteur - source : www.lejournalinternational.fr]
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