Près de Berlin se trouve le seul endroit en Allemagne
entièrement autonome pour son approvisionnement en énergie. Grâce aux
éoliennes installées dans leur jardin et à un réseau indépendant, les
habitants paient l’électricité au prix minimum. Un exemple qui attire
des écologistes du monde entier.
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"Village autonome en énergie. Feldheim, commune de Treuenbrietzen" |
Petra Richter n’a pas besoin de longs discours pour expliquer
la success story qui a permis à sa commune de goûter aux joies de la
renommée internationale. Le projet s’est fait au bon moment, résume la
maire de Feldheim. La petite localité du sud-ouest de Berlin est la
première et jusqu’ici la seule commune d’Allemagne à être autonome sur
le plan énergétique. Résultat : 3 000 visiteurs débarquent chaque année
du monde entier dans le petit village brandebourgeois de 130 âmes
seulement qui, en dépit de sa situation à 150 mètres d’altitude, ne se
laisse pas dénicher facilement.
Tout s’est fait progressivement, raconte Petra Richter. Les quatre
premières éoliennes sont arrivées en 1997. Aujourd'hui, on en dénombre
43, qui produisent chaque année 140 000 mégawatts/heure. Avec ces
sources d’énergie renouvelable devant les yeux tous les jours, la
coopérative agricole locale a fini par réfléchir à la construction d’une
centrale à biogaz. Ses représentants se sont assis à table avec le
promoteur du parc éolien, Michael Rascheman, et lui ont demandé de leur
soumettre un projet.
Celui-ci a calculé qu’avec les 4,3 millions de kilowatts/heure que
produirait la centrale à biogaz sous forme de chaleur, il était non
seulement possible de chauffer les porcheries et les bureaux de la
coopérative, mais aussi tout le village. A l’époque, beaucoup se
chauffaient encore avec des poêles à bois. Chez d’autres, les premiers
chauffages centraux installés après la chute du Mur étaient tombés en
panne. L’envie d’essayer quelque chose de nouveau était grande, se
souvient Petra Richter : "Presque tous étaient enthousiastes dès le départ".
Quelques réunions publiques plus tard, ils décident de fonder la
Feldheim Energie GmbH & Co. KG. Celle-ci n’est pas seulement chargée
de gérer le réseau de chauffage centralisé censé diffuser une douce
chaleur dans tous les foyers de Feldheim, mais aussi de distribuer
l’électricité produite par les éoliennes situées sur le pas de leur
porte. Mais tout n’a pas été aussi simple. Car E.on-Edis, propriétaire
du réseau électrique local, refusait de mettre ses lignes à leur
disposition. Il a donc fallu en construire de nouvelles. D’où une
situation inédite : les maisons de Feldheim sont aujourd’hui raccordées à
deux lignes électriques, dont l’une a été coupée.
La société Feldheim Energie devait trouver 400 000 euros pour
financer le nouveau réseau, mais l’apport des commanditaires a suffi à
couvrir cette somme. Seuls les propriétaires de terrains sur la commune
étaient autorisés à en devenir membres, ainsi que les entreprises
locales, l’église, le syndicat des eaux et la ville de Treuenbrietzen, à
laquelle est rattaché Feldheim. Leur apport se monte à 3 000 euros pour
l’électricité et le chauffage, ou à la moitié pour ceux qui ne
reçoivent qu’une des deux sources d’énergie.
Le financement de la construction du réseau
électrique était une formalité en comparaison du 1,7 million d’euros
qu’a coûté le réseau de chauffage centralisé
Le financement de
la construction du réseau électrique était une formalité en comparaison
du 1,7 million d’euros qu’a coûté le réseau de chauffage centralisé. Et
si les habitants de Feldheim ont pu le financer, c’est uniquement grâce à
l’Union européenne et à la région Brandebourg, qui ont soutenu le
projet à hauteur de 50% du coût. Pour payer le reste, la société
Feldheim Energie a souscrit un crédit sur 15 ans, dont le remboursement
se déroule comme prévu. Presque tous les habitants ont mis la main à la
poche et se sont engagés pour dix ans via leur apport. Seuls deux foyers
sur quarante n’ont pas pu être convaincus. Aux 38 particuliers
concernés, il faut ajouter la coopérative agricole, la commune, le
syndicat des eaux et l’église. Trente-cinq foyers sont raccordés au
réseau de chauffage de trois kilomètres de long. Les autres se chauffent
par géothermie. Ceux qui ont choisi les réseaux alternatifs ont déjà
fait de sérieuses économies. Le système de chauffage est entré en
service en 2009. Un an plus tard, les éoliennes étaient opérationnelles.
Alors que le prix moyen du kilowatt/heure s’élève à 28 centimes en Allemagne,
les habitants de Feldheim, qui se servent directement chez le
producteur, ne le paient que 16,6 centimes. Ce tarif exceptionnellement
contenu n’est cependant possible que grâce à une clause spéciale du
règlement sur la redevance d’accès. Seule une fraction du courant
produit alimente Feldheim, soit 0,5% environ, explique le porte-parole
du fournisseur, Werner Frohwitter. Le reste part sur le réseau public.
Quant au tarif du chauffage, il est 10% moins élevé à Feldheim que dans
le reste du pays.
Il y a longtemps que Feldheim est un village modèle en matière
d’énergie verte. En 2009, en plus de la centrale à biogaz, la commune
s’est dotée d’une chaudière à copeaux de bois qui permet de conserver
une chaleur agréable dans les vieilles Vierseithöfen [fermes disposées
en carré autour d’une cour intérieure] les jours de grand froid. En
2010, Feldheim a été désigné "village bioénergétique". La commune s’est
aussitôt servie de l’argent du prix pour développer ses énergies
renouvelables. Economiquement aussi, les énergies vertes ont des
retombées non négligeables pour la petite commune. Certes,
l’agriculture, qui nourrit 30 personnes, y est encore dominante. Mais la
société EQ-SYS, qui fabrique des composants métalliques pour les
panneaux photovoltaïques, a créé 21 emplois sur place.
Des écotouristes affluent chaque année du monde entier dans le
village, alors que sa seule auberge n’en est même plus une. Celle-ci a
été convertie en centre de recherche et de formation par le Forum des
énergies nouvelles de Feldheim. L’association propose des visites
guidées à travers l’écovillage en allemand, anglais, espagnol et
français. Le japonais n’est pas encore représenté, même si de nombreux
Nippons se rendent à Feldheim, notamment depuis la catastrophe de
Fukushima.
[Photo : AFP - article publié originalement sur le
journal suisse Neue Zürcher Zeitung – source : www.presseurop.eu]
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