En 400 clichés, A través de la máscara retrace l’évolution du portrait photographique au Mexique. Entretien avec Pablo Ortiz Monasterio,
qui a coordonné cette somme.
Courrier international – Pourquoi un livre sur le portrait photographique au Mexique ?
PABLO ORTIZ MONASTERIO
– Le portrait est l’un des grands genres de la photo. On peut presque
affirmer que la photographie a été inventée pour faire des portraits.
Elle est apparue en Europe à la fin du XIXe siècle pour que
les nouveaux bourgeois puissent avoir leurs portraits, comme les nobles
se faisaient faire les leurs à la peinture à l’huile. A peine inventé en
Europe, le procédé s’est exporté au Mexique tout en évoluant. Nous
présentons par exemple des photos-cartes de visite faites par l’empereur
Maximilien du Mexique (1864-1867), qui avait besoin de se faire
connaître à son arrivée dans notre pays. C’est sans doute la première
fois que la photographie a été utilisée comme un instrument de
propagande politique.
Au XXIe siècle, à l’ère des téléphones mobiles, d’Internet,
de la technologie numérique, on n’a jamais produit autant de portraits.
Les jeunes en font bien sûr, mais aussi les artistes contemporains, qui
questionnent le genre et les pratiques. On assiste à un véritable boom
du portrait au Mexique aujourd’hui. Or faire un portrait, c’est montrer
un visage, mais aussi l’identité du sujet. L’idée est de faire dialoguer
les portraits d’autrefois et ceux d’aujourd’hui, ceux des anonymes et
ceux des personnes célèbres, pour montrer non seulement les Mexicains,
mais aussi l’essence du Mexique.
Comment avez-vous procédé ?
Cela a été un énorme travail. Quelque 400 photos sélectionnées sur les
milliers que nous avons pu voir. Et elles ne sont pas toutes “jolies”.
Pour que le livre soit attractif, accessible à un public non averti, il
fallait qu’elles aient un sens, qu’il y ait une grâce, un rythme. Nous
les avons choisies en construisant des chapitres dont les titres sont
très évocateurs du Mexique : “Le pacte avec le photographe”, “Rêves de
gloire”, “Le portrait de la tribu”, “Masque contre chevelure”,
“Métamorphoses”, “Le dernier portrait”, “Le portrait en absence”… Par
exemple, le chapitre “Masque contre chevelure” fait allusion à une des
règles de la lucha libre, une forme de catch typique de la culture
populaire. L’un des combattants met en jeu son masque, l’autre sa
chevelure : le perdant devra soit enlever son masque, soit avoir la tête
rasée.
Que signifie le titre A través de la máscara (A travers le masque) ?
Le masque est une tradition très populaire au Mexique. On la retrouve de
la culture préhispanique aux zapatistes, et on continue de voir des
masques partout, dans les fêtes populaires comme chez les artistes
contemporains. On peut user de toutes sortes de stratégies pour tirer un
portrait, en montrant un visage, en le niant ou en le cachant, mais
par-delà le masque l’idée est toujours de montrer qui nous sommes.
Quelle est la place de la photographie au Mexique aujourd’hui ?
La photographie a toujours eu une place importante au Mexique, pendant
la révolution, durant l’époque moderne, dans les années 1950. Le
photographe Manuel Alvarez Bravo (1902-2002) reste l’un des plus cotés
du marché. Mais il existe de façon générale dans le pays un véritable
bouillonnement artistique. Quand nous arrivons en Europe, nous sommes
fascinés par la beauté de Paris, l’héritage ancien. Mais, en dépit de
notre manque d’éducation et de moyens, il me semble qu’il y a plus
d’optimisme et de vitalité au Mexique, et cela se reflète dans la
photographie, dans les travaux formidables des jeunes artistes qui
surgissent.—
—Courrier international, Paris
L’appli Libro de la Fundación Televisa
EN SAVOIR PLUS
L’AUTEUR
Pablo Ortiz Monasterio,
né en 1952 à Mexico, est l’un des photographes les plus réputés au
Mexique. Multiprimé, professeur d’université, curateur, éditeur, il a
fondé en 1994 à Mexico le Centro de la Imagen (Centre de l’image), destiné à l’enseignement et à la promotion de la photographie. Il a publié de nombreux livres.
LE LIVRE
Le livre A través de la máscara. Metamorfosis del retrato fotográfico en México (A
travers le masque. Métamorphose du portrait photographique au Mexique),
de Pablo Ortiz Monasterio et Vesta Mónica Herrerías, a été publié en
2012 par la Fundación Televisa aux éditions Lunwerg. L’ouvrage est
disponible en France dans sa version en anglais : Mexican Portraits, Aperture, 2013.
L’APPLI
Parallèlement au livre, la Fundación Televisa propose une splendide application pour iPad – gratuite. Celle-ci réunit une centaine de photos de l’ouvrage, couplées à des vidéos, des sons et des interviews de photographes.
Partenariat
AMERICA LATINA
Pablo Ortiz Monasterio compte parmi les photographes sud-américains dont les travaux seront à (re)découvrir à partir du 19 novembre, à Paris.
En coproduction avec le Museo Amparo de Puebla, au Mexique, la Fondation Cartier propose en effet une plongée dans la photographie latino-américaine de 1960 à nos jours.
Courrier international est partenaire de cette manifestation.
America Latina 1960-2013, Du 19 novembre 2013 au 6 avril 2014,Fondation Cartier
pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, 75014 Paris.
Plus d’infos sur fondationcartier.com
[Source : www.courrierinternational.com]
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