quinta-feira, 7 de novembro de 2013

DA SILVA - "Je sais que la chanson française est boudée, mais j’aime la langue française, j’aime la chanter"

À 37 ans, Da Silva, de son vrai nom Emmanuel Da Silva, sort son cinquième album, Villa Rosa*. Énergique, éclectique et électrique, le disque de ce chanteur Franco-portugais se veut également nostalgique et un brin mélancolique. Lepetitjournal.com a rencontré Da Silva dans un discret hôtel parisien.


Lepetitjournal.com - Faites-vous partie des artistes qui aiment partir en tournée hors de France, dans des endroits moins convenus, plus originaux ?  
Da Silva - C’est simple, dès que peux, j’y vais. J’espère d’ailleurs que pour ce nouvel album, ce sera le cas. Pour le précédent, La Distance, sorti en 2012, j’avais fait une tournée en Algérie dans cinq centres culturels français : Alger, Oran, Annaba, Tlemcen et Constantine. J’ai aussi fait une tournée dans neuf pays d’Afrique sub-saharienne. En 2010, j’avais joué deux soirs en Biélorussie juste avant les élections présidentielles. 

Vous chantez uniquement en français. Comment faites-vous pour partager vos chansons avec un public pas forcément francophone ?
Avec appréhension ! Car lorsque l’on fait de la chanson française, à part la Suisse, la Belgique, le Québec et la France, personne ne va vraiment comprendre les textes, qui sont au moins aussi importants que la musique selon moi. Mais finalement, ils résonnent tout de même, dans un environnement différent, une autre époque, une autre réalité. Lorsque l’on parle de sentiments dans les chansons, quelque chose d’universel, cela passe plutôt bien. En Biélorussie, même s’il y a beaucoup d’expatriés à Minsk, j’étais quand même un peu angoissé. Cela se déroulait au centre des Beaux Arts. Et finalement, c’était super. Tout passe par le pouvoir de la musique et du live. Sur scène, on peut créer un lien avec le public, même si on ne parle pas la même langue. En revanche, les blagues ne fonctionnent pas !  Et puis dans certains pays, il ne faut pas en faire…
 
Vous n’avez pas pensé à chanter en anglais, comme le font beaucoup d’artistes et de groupes français, histoire d’être plus à l’aise et mieux compris ?
Je suis trop mauvais ! Et puis, même si je sais que la chanson française est un peu boudée, j’aime bien la langue française, l’écrire, la chanter. Je ne sais pas si c’est plus facile ou difficile que l’anglais, mais je n’ai pas envie de chanter des trucs en anglais. Je ne suis pas Anglais, être Français me va très bien. 

Jouer à l’étranger est donc un vrai plaisir pour vous ?
En général, je dis oui pour chanter à l’étranger, quelles que soient les conditions. Je me remets en cause, je pense ma musique autrement, la communication aussi. Je suis à la fois invité et étranger. Et les après concerts avec les expats sont très sympas ! C’est une grande évasion. Quand j’ai commencé la musique, j’habitais dans une banlieue d’une ville de Province, à Nevers. Il y avait un centre social culturel. J’y allais tous les mercredis. Un jour, j’avais à peine 12 ans, j’entends un groupe de qui répète à l’étage. C’était du rock. Je lâche mon baby-foot, je monte. Je m’assois, j’écoute. C’était super. Je suis resté. Et je les ai entendus parler : "demain, on joue à Montpellier…". Je me suis dit : "putain, la musique, c’est une porte de sortie ! Avec elle tu peux te tirer d’ici, c’est une invitation au voyage".

                 "J’ai vraiment une angoisse avec le temps, cette impression 
                              de vivre en permanence dans l’urgence"
 
C’est ce qui s’appelle un déclic, non ?
Clairement. Je ne faisais pas de musique avant. Je m’y suis mis dès lors. J’ai dit à ma mère que je voulais une guitare pour Noël. Je l’ai eue et j’ai travaillé comme un forçat ! Seul. J’ai acheté la méthode de Marcel Dadi (rires), fais du picking, appris les accords, les bases. J’allais chez le disquaire, j’achetais des dizaines de disques, et je jouais. 

À quand remontre votre première scène à l’étranger ?
En 1992. C’était en Suisse, à Neuchâtel, j’avais 16 ans. Cela avait lieu dans un squat qui est devenu une vraie salle de concert aujourd’hui, La Case à chocs. Je crois que c’est une ancienne fabrique de chocolat. Un an avant j’avais débuté à Nevers. Et à 18 ans, j’étais programmé au Printemps de Bourges dans le cadre des Découvertes.
 
Avez-vous déjà joué au Portugal, le pays dont votre père est originaire ?
Je suis allé au Portugal une à deux fois par an jusqu’à l’âge de mes 11 ans. Ensuite j’y suis retourné à partir de mes 18 ans. Et je garde un lien permanent aujourd’hui, avec "ma ville" notamment, Braga. Mais mon grand drame est de n’y avoir jamais joué… 

Le Portugal est ici présent dans le titre de l’album Villa Rosa. Qu’évoque-t-il précisément le titre de cet album, Villa Rosa ?
Le lien franco-portugais évidemment. Ensuite, je trouvais que cette maison pouvait bien abriter toutes mes chansons, il y avait 10 pièces. Chaque pièce est décorée différemment. J’ai voulu que la musique habille les textes et que l’on soit affranchi des genres et des styles. 

C’est un hasard si ce titre est également le plus énergique de l’album ?
Pas vraiment, non. Je voulais donner une sensation de vitesse à l’ensemble du disque. L’ordre des quatre premières chansons donne le ton. Ça va crescendo. Cela me paraît déterminant de bien choisir la place des chansons, même si aujourd’hui sur le numérique, c’est moins décisif du fait du mode de lecture aléatoire. Je n’y pense pas lorsque je compose, mais quand arrive le moment du mastering et du tracklisting, je suis vigilant. 

Le passé revient souvent au cœur de vos titres, comme dans L’été et 20 ans. La nostalgie vous gagnerait-elle déjà ?
Sans faire de la psychologie de comptoir, j’ai vraiment une angoisse avec le temps. Pas la peur de vieillir, non. Juste cette idée que la vie fait un espèce de travail de sape, que le chrono tourne. J’ai l’impression de vivre en permanence dans l’urgence. Je me dis que tout ce que je rate, je ne peux pas le récupérer. Dans L’été, c’est très fort, c’est un mec qui n’a pas vu son enfant grandir. 20 ans, c’est autre chose. Je me rapproche doucement mais surement des 40 ans, et je me dis que si tout est possible j’ai déjà fait un bon bout de chemin. Je m’interroge : "Qu’as-tu fait de tes rêves de gosse ? Où en es-tu ? Qu’est-ce que tu devais faire et que t’as fait ou pas ?..."
                     
                  "Mon influence, c’est Gainsbourg. Il était affranchi de 
                                  tous les genres, de tous les styles"
 
Et alors ?!
Je n’en sais rien ! Je ne suis pas malheureux de la vie que j’ai. Je vis de la musique, ma passion. Je voulais avoir des horizons, voyager, être dans le travail en mettant mon imagination à l’épreuve, je crois que ce n’est pas trop mal fait.
 
Vivre de sa musique s’apparente presque à un exploit aujourd’hui ? Y-a-t-il une recette magique pour y arriver ?
En réalité, on vit de sa musique avec pas grand chose ! Tout le monde le sait, l’industrie du disque va très mal. On s’en sort en écrivant pour soi, pour les autres (il a collaboré par exemple avec Jenifer sur l’album L’amour et moi en 2012, ndlr), et en faisant des tournées. Il faut être multi-tâches. En même temps, pour moi, la musique n’est pas un travail. Je vis de la musique, mais surtout je vis la musique. C’est un peu comme quand tu es skateur, c’est un mode de vie. Je me suis construit avec des amis, avec des gens qui m’ont nourri musicalement. J’ai fait cinq albums, c’est pas mal. 

Depuis 2005, vous êtes d’ailleurs un vrai métronome : un album tous les deux ans. La peur du vide ?
Je suis régulier, en effet ! En réalité, lorsque je termine un disque, j’en commence déjà un autre. J’ai toujours cette petite angoisse d’avoir à redémarrer, je préfère donc ne pas m’arrêter. J’entretiens toujours le fait d’écrire des chansons.
 
La presse et le public vous comparent souvent à d’autres chanteurs (Stéphane Eicher, Daniel Darc, Raphaël…) et vous voient davantage comme un second rôle plutôt que comme une tête d’affiche. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Aucune idée précise, c’est comme ça. J’ai toujours été sur des labels indépendants, toujours essayé de faire quelque chose de qualitatif. Je n’étais jamais en haut des charts, mais cela me correspond-il finalement ? Qu’on dise que ma musique puisse ressembler à ceci ou cela, ça ne me dérange pas. Je ne peux pas empêcher les gens de comparer. Je connais mes influences. C’est Gainsbourg pour la chanson française, il est passé de l’électro à des rythmes orientaux, au reggae… Il était affranchi de tous les genres, de tous les styles. Moi, je fais du mieux possible, le reste c’est du baratin.

Si vous deviez garder trois chansons dans un lecteur numérique à très faible mémoire ?
Boys don’t cry des Cure, cette chanson me fait toujours le même effet. L’Anamour de Gainsbourg et Angie des Stones.

Pour terminer, parlez-nous de tous ces tatouages qui ornent votre peau…
J’ai commencé à 18 ans. Tous les événements importants de ma vie sont là : rencontres avec des amis, avec des tatoueurs. J’ai beaucoup d’amis dans ce domaine. J’ai commencé par un tatouage puis rencontré un copain, puis un autre… J’ai ce besoin-là d’inscrire quelque chose sur moi.
 
Il sera peut-être temps de faire un morceau sur cette passion, non ?!
Pourquoi pas ! Mais ce n’est vraiment pas évident ! J’ai dessiné en revanche dans un livre CD pour enfants, Les dinosaures du rock qui sort chez Acte Sud junior le 20 novembre. J’ai fait quelques planches avec un grand-père tatoué !  
 
Jérémy Patrelle 

[Source : www.lepetitjournal.com]

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