Un petit décodeur dévoile les nouveaux mots des banlieues, laboratoire de néologismes…
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Le petit livre de la tchatche, sorti en mai 2013, décrypte les néologismes nés en banlieue. |
« Ton
kissman (mec) de Bezbar (Barbès en verlan), il est dans le game (dans
les magouilles), il a chargé le coffre (dissimuler la drogue dans le
coffre), il est khapta (défoncé). »
Si cette phrase ressemble à du chinois pour vous, Le petit livre de la tchatche*
pourrait s’avérer utile. Ce dictionnaire des néologismes nés en
banlieue répertorie les expressions imagées et exotiques pour apprendre
le parler des cités, les traduit et propose des exemples types. Mariant
anglicisme, mots d’arabe, expressions venue d’Afrique subsaharienne ou
encore le vétéran verlan, l’argot des banlieues, qui se réinvente
particulièrement grâce aux emprunts, ne manque ni d’humour ni
d’inventivité.
Des anglicismes et des mots d’Afrique subsaharienne
Au chapitre « nés au bled », on découvre ainsi, habibette, ma chérie
ou plus simplement une fille, hchouma, la honte ou zahef, énervé. Les
immigrés d’Afrique noire ont enrichi la langue française de s’enjailler,
s’amuser et taf-taf, vite fait en wolof. Ce petit décodeur apprend
aussi pourquoi bibi est devenu un verbe (dealer), choupette concerne une
voiture, chtar un synonyme de policier et nous apprend l’origine du
bienaimé « bolos » ou encore l’expression actualisée de à la one again
(à la zeub).
Des mots entrés dans le dico
Le rap, les clips et l’école ont permis à ces néologismes de sortir de la cité. Si bouffon et rebeu ont
déjà gagné leur place dans le Larousse, il y a fort à parier que
d’autres expressions à découvrir dans ce petit livre, qui s’achève sur
un quizz pour tester votre bilinguisme, viendront garnir la langue
française homologuée. Et ainsi perdre son rôle de marqueur social. « A
partir des années 1980, une identité linguistique s’est cristallisée
dans les grands ensembles, explique Philippe Blanchet, professeur de
sociolinguistique. Aucune politique de la ville n’a changé cette
ségrégation. Les jeunes vivent toujours en relégation aussi bien
géographique qu’économique. Pour marquer leur distinction identitaire
et pour répondre à un besoin, ils ont créé un lexique pittoresque et
intéressant. »
Une langue pour montrer sa différence
La fécondité de cette langue s’explique donc par ce besoin de
renouvellement de mots dont le rôle était de marquer sa différence par
rapport au reste de la société. « La fonction cryptique est la base de
la création de tout argot, puisqu’il est créé pour que les gens qui
n’appartiennent pas à cette communauté ne le comprennent pas. Mais il y a
aussi une question de génération. Ces jeunes des banlieues inventent
des expressions pour montrer qu’ils ne sont pas des vieux. » Pourtant,
certains mots répertoriés ont des racines très anciennes. « Ainsi le mot
bled était déjà utilisé au XIXe siècle, au moment de la colonisation.
De même, on retrouve le mot darons (parents) dans les romans noirs des
années 1950 et pourrait avoir été inventé par la pègre parisienne de
l’époque. » Vincent Mongaillard cite aussi blaz, un mot qui vient du rap
mais surtout un descendant de blason, qui définissait les emblèmes des familles nobles au XIXe.
Cette petite grammaire des cités instructive devrait être rapidement
obsolète, étant donné le renouvellement perpétuel de cette langue fort
vivante.
* 2,99€. Le petit livre de la tchatche, Vincent Mongaillard, First Editions, mai 2013.
[Photo : V. Wartner - source : www.20minutes.fr]
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