De la ville de Nice au musée du Louvre en passant par l'aéroport de Marseille, bien des institutions ne respectent pas la loi Toubon. Une association les poursuit en justice... et obtient des résultats.

Sur le papier, cela ressemble à une très jolie liste : l’Elysée ; la tour Eiffel ; l’Assemblée nationale ; le parc national des Calanques ; le musée du Louvre ; la grotte de Lascaux 4 ; le musée Granet d’Aix-en-Provence ; la ville de La Ciotat ; l’aéroport Marseille Provence, le Défenseur des droits… Énumération un brin désolante, en réalité, car toutes ces institutions ont pour point commun d’être ou d’avoir été l’objet de procédures pour non-respect de la loi Toubon sur la langue française. Leur initiateur ? Observatoire des libertés, une association qui a notamment pour objet de défendre « la liberté de s’exprimer dans sa propre langue » (1). Celle-ci a adressé fin novembre une première salve de requêtes à certaines de ces structures - un tir groupé destiné à recueillir un maximum d’écho dans l’opinion publique. Une seconde salve sera de nouveau déclenchée contre une quinzaine d’autres organismes en début d’année prochaine.
De fait, trois des articles de la loi Toubon concernant l’anglais sont régulièrement contournés. Le premier prescrit que « toute inscription ou annonce apposée sur la voie publique […] doit être formulée en langue française » (article 3). Ce qui n’empêche pas la ville de Nice de communiquer avec le slogan « I love Nice » …
Le deuxième prévoit que, lorsque ces inscriptions font l’objet de traductions, « celles-ci doivent être au moins au nombre de deux » (article 4). Une disposition décisive pour préserver la diversité linguistique car, bien évidemment, s’il n’y en a qu’une, c’est toujours la langue la plus puissante du moment qui est choisie. Or, toute la signalétique du musée du Louvre – pourtant placé sous l’égide du… ministère de la Culture – est traduite en anglais et seulement en anglais. Il en va de même pour les panneaux d’information qui entourent les travaux de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, pour les publicités de la Fête des lumières de Lyon ou encore pour le musée archéologique de Gergovie, censé en théorie exalter la résistance gauloise face à l’envahisseur étranger…
Le dernier prohibe l’octroi par les collectivités de subventions aux manifestations qui ne respecteraient pas la loi Toubon (article 15). Qu’à cela ne tienne, le Salon parisien Viva Technology – avec un y, bien sûr – croule sous les deniers généreusement versés par diverses régions, dont l’Île-de-France. Tandis que la ville de Marseille accorde une aide de 60 000 euros à une association organisant un événement intitulé – sans la moindre traduction – Freestyle cup.
Ne croyez pas que les procédures engagées par Observatoire des libertés soient de simples coups d’épée dans l’eau. L’association a déjà obtenu plusieurs victoires significatives en contraignant diverses institutions de renom à se plier à ses injonctions. À commencer par… l’Elysée, qui a purement et simplement retiré la version anglaise de son site Internet. Celui de l’Assemblée nationale était naguère bilingue français – anglais ? Après avoir été menacé d’être traduit en justice, il utilise désormais une dizaine de langues. Quant à la signalétique de la tour Eiffel, qui n’était traduite qu’en anglais, elle dispose maintenant d’une version espagnole. « L’identité d’un pays est dite par sa langue. Or l’anglo-américain tend à se substituer au français comme langue d’usage. Nous attendons de ces grands acteurs une conduite exemplaire, et non qu’ils fassent le lit d’un colonisateur appliqué à nous imposer ses valeurs via sa langue », commente Louis Maisonneuve, le président d’Observatoire des libertés.
Le mal, de fait, semble profond. Car rappelons-le : il ne s’agit pas ici de pointer un accès d’anglomanie auquel céderait une poignée de jeunes désireux de paraître « modernes », mais bien de décisions prises par des organismes publics en infraction avec la législation. Même la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts a dressé des panneaux traduits uniquement en anglais – je n’invente rien. Il a fallu que des associations l’interpellent avant qu’elle ne se décide à respecter la loi…
Il est peut-être temps, en effet, de réagir…
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