Un professeur de Roumain écrit son journal pour décrire sa vie dans un Bucarest fantastique. L’onirisme pessimiste et noir de Mircea Cartarescu vous rendra heureux malgré tout.
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Je dois bien l’avouer, je n’avais jamais entendu parler de Mirça Cartarescu avant d’ouvrir Solénoïde — et pourtant, c’est un auteur connu, reconnu qui a déjà reçu plusieurs prix prestigieux — y compris en France — et dont on parlerait même pour le prix Nobel de littérature! Je dois aussi avouer que j’ai failli arrêter, fermer le livre. Plusieurs fois. Je n’avançais pas, je me perdais dans des dédales de mots, de phrases trop riches, excessivement sophistiquées. Lassé par trop plein poétique systématique qui encombrait ma lecture — une notation particulière à la traduction extraordinaire de Laure Hinckel.
Et pourtant, après avoir tourné la dernière page, j’ai eu un frisson et j’ai recommencé. Non pas parce que je n’avais pas compris — Solénoïde n’est pas de ces livres qui se comprennent. Mais parce que j’avais envie d’être encore avec les personnages que je venais de quitter. Solénoïde est un peu comme ces repas chez votre belle-mère, on parle un peu, on s’ennuie ferme, on parle encore un peu mais la viande est bonne et le vin millésimé. C’est la vie, avec ses bons et mauvais côtés. En plus onirique, en plus fantastique, en plus violent, en plus sensuel, pauvre, pouilleux, dur, infini, incompréhensible. Il y a tout ça dans Solénoïde, de l’amour et du sexe, du sperme et du sang, de gens qui meurent et des naissances, des enfants qui souffrent et qui n’apprennent rien à l’école, des enseignants et enseignantes qui n’enseignent pas grand chose (mais qu’est-ce qu’il y a à apprendre?), des gens qui disparaissent et réapparaissent, des usines qui n’ont aucun sens, grandes comme les cathédrales souterraines de Cthulhu, des médecins qui ne soignent pas… C’est comme les rêves que font le personnage central, des rêves dont on ne peut pas sortir (parce qu’on ne sait pas bien si on rêve ou pas). Solénoïde, on y revient parce que c’est plus qu’une histoire, c’est la vie.
Vous aurez compris que l’histoire est irracontable. Mais simple.
Et pourtant, après avoir tourné la dernière page, j’ai eu un frisson et j’ai recommencé. Non pas parce que je n’avais pas compris — Solénoïde n’est pas de ces livres qui se comprennent. Mais parce que j’avais envie d’être encore avec les personnages que je venais de quitter. Solénoïde est un peu comme ces repas chez votre belle-mère, on parle un peu, on s’ennuie ferme, on parle encore un peu mais la viande est bonne et le vin millésimé. C’est la vie, avec ses bons et mauvais côtés. En plus onirique, en plus fantastique, en plus violent, en plus sensuel, pauvre, pouilleux, dur, infini, incompréhensible. Il y a tout ça dans Solénoïde, de l’amour et du sexe, du sperme et du sang, de gens qui meurent et des naissances, des enfants qui souffrent et qui n’apprennent rien à l’école, des enseignants et enseignantes qui n’enseignent pas grand chose (mais qu’est-ce qu’il y a à apprendre?), des gens qui disparaissent et réapparaissent, des usines qui n’ont aucun sens, grandes comme les cathédrales souterraines de Cthulhu, des médecins qui ne soignent pas… C’est comme les rêves que font le personnage central, des rêves dont on ne peut pas sortir (parce qu’on ne sait pas bien si on rêve ou pas). Solénoïde, on y revient parce que c’est plus qu’une histoire, c’est la vie.
Le narrateur adore la littérature qu’il a découvert jeune et rêve de devenir écrivain. Plutôt, il va devenir écrivain. Il le sait. Il en est persuadé. D’ailleurs, le long poème qu’il écrit au tout début de ses études universitaires ne sera qu’un début. Ce sera une oeuvre marquante. Malheureusement, la lecture qu’il en donne devant un professeur et d’autres étudiants est un bide, échec, un fiasco terrible. Le verdict est sans appel, c’est nul. Il pourrait recommencer, remettre l’ouvrage sur le métier. Non. Il comprend qu’ils ont tort et pas lui, qu’ils ne comprendront jamais ce qu’il veut faire — qu’ils ne comprennent d’ailleurs pas ce qu’est la littérature ou, plutôt, qu’ils comprennent la littérature de travers. Il ne sera donc pas écrivain si c’est ce qu’est la littérature. Il devient professeur de Roumain et décide de tenir un journal. Solénoïde, c’est ce journal qui nous emmène dans son enfance et adolescence, dans des quartiers misérables, des dispensaires sordides — où les médecins torturent des enfants en s’imaginant (peut-être pas d’ailleurs) les soigner, dans l’école 86, à Bucarest — où enseigner a l’air de consister essentiellement à frapper sur les enfants, qui de leur côté n’ont de toute façon pas l’air de vouloir apprendre grand chose —, dans sa maison — en forme de bateau dans le jardin de laquelle les voisin jettent leurs appareils électroménagers inutilisables —, dans cette usine désaffectée encombrée de gigantesques machines —, dans son lit — qui peut léviter 1 mètre au-dessus du sol grâce au solénoïde et grâce auquel le sexe devient quelque chose de fantastique, quasiment irréel.
Quasiment, parce que Cartarescu dit qu’il a voulu s’appuyer sur la réalité et la dépasser. Pourtant, la réalité de la réalité de Solénoïde est contestable. Rien ne semble vraiment réel. Même ce qui pourrait l’être ne l’est jamais. Ce qu’il décrit est une variation du réel. Les variations peuvent être infimes ou infinies. Même quand vous pensez pouvoir vous raccrocher à quelque chose, il y a toujours un détail qui vient faire douter, faire dérailler l’histoire dans une autre dimension. Ou, pour dire les choses autrement, de l’autre côté du miroir. Beaucoup (trop?) de citations émaillent Solénoïde — Cartarescu lui-même fait référence à des tas d’auteurs et d’œuvres auxquels son oeuvre peut se ramener, Calvino, Kafka, Borges, Lovecraft etc etc. Il y en a une que je n’ai pas lue ou entendue, que j’ai peut-être manquée, Alice. Le journal du narrateur de Solénoïde est écrit des deux côtés du miroir. Des deux côtés. Ou alors il n’y a qu’un seul côté, l’autre.
Ah oui, un solénoïde c’est une bobine magnétique. Pour savoir comment on peut y consacrer 800 pages de poésie délirante, il faut lire le livre.
Solénoïde
Roman roumain de Mircea Cartarescu
Traduit par Laure HinckelÉditeur : Noir sur Blanc800 pages – 27,00 €Parution : 22 août 2019
[Photo : Silviu Guiman - source : www.benzinemag.net]
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