quinta-feira, 8 de setembro de 2022

Ministre, chiffon, robot, biberon : les surprises de l'étymologie

Bien des termes que nous utilisons chaque jour ont des origines étonnantes. Illustrations.

Écrit par Michel Feltin-Palas

Aucun d'entre vous ne me contredira : nous avons tous connu des ministres qui se gonflaient d'importance. Situation assez paradoxale, en réalité, quand on connaît l'origine de ce mot. "Ministre" provient en effet du latin minister, qui signifiait.... serviteur ou domestique. Surprenant ? Non, puisque minister est l'exact opposé de magister ("celui qui commande") et est apparenté à "minuscule", "mineur", "minime", "moins" et même - ne faites pas lire cet article à Bruno Le Maire ou à Edouard Philippe -, à "minus". À l'origine, le minister est donc celui qui se met au service de quelqu'un ou de quelque chose. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle qu'il a pris le sens spécialisé de "au service du roi" puis, au XVIe, celui de "conseiller direct du souverain". "Étymologiquement, un ministre est un inférieur", conclut Françoise Nore, qui relève ces correspondances dans un ouvrage enlevé (1) dans lequel j'ai appris une foule de choses, et notamment celles-ci :

· Quel est le rapport entre la lecture et la cueillette ? Le verbe latin legere, qui signifiait "ramasser" ou "recueillir". Lire, c'est "ramasser" des lettres avec les yeux, en quelque sorte. Le français moderne doit d'ailleurs beaucoup à ce legere, qui a également donné neglegere (ou negligere), c'est-à-dire "ne pas cueillir", lequel a évidemment abouti à notre "négliger". Parmi ses autres descendants, on peut aussi citer "intelligence" (de intellegere, formé à partir de inter et de legere, "cueillir entre", donc choisir), "recueillir" (de colligere, "lier ensemble", soit rassembler, recueillir) et ses dérivés "collecte", "collection", "collectivité", "collectionneur"...
 
· Tant pis pour notre honneur national ! La vérité m'oblige à dire que notre bon vieux chiffon est un mot d'origine anglaise apparenté aux... chips de nos apéritifs. Eh oui ! Chip signifiait au XIVe siècle en anglais "petit morceau, copeau, éclat". Il a pris peu à peu le sens de "tranche", puis celui de "tranche de pomme de terre" que nous lui connaissons encore. C'est ce sens de "petit morceau" qui se retrouve dans le mot "chiffe", dont l'acception initiale "morceau d'étoffe de mauvaise qualité" s'applique désormais à une personne sans caractère, une "chiffe molle".
 
· Dans le genre "je passe par des détours étonnants pour arriver à mes fins", citons aussi le verbe grec kaien "brûler", à l'origine du terme latin cauma "grande chaleur" et de son dérivé caumare "se reposer pendant la chaleur". Ce terme est devenu au XIIe siècle "se chômer", au sens de "rester immobile", avant d'aboutir un siècle plus tard à "chômer", "chômage" et "chômeur".
 
- Le très sympathique ciao a pour sa part une histoire tragique puisqu'il a un lien avec l'esclavage. Le rapport, me direz-vous ? De nombreux Slaves avaient été réduits en esclavage pendant le haut Moyen Age, si bien que le mot s'est répandu avec ce sens dans différentes langues. Ainsi, le latin tardif sclavus signifiait à la fois "slave" et "esclave". Il a eu pour héritier à Venise (haut lieu du marché des Slaves-esclaves) schiao. De là l'expression italienne Sciao tuo ! qui signifie littéralement "je suis ton esclave". C'est elle qui a été abrégée en français en ciao.
 
· Restons sur une forme d'esclavage moderne avec robot, inventé en 1924 par l'écrivain Karel Capaek à partir du mot tchèque robota "travail forcé". Issu lui-même du vieux slave rabota, son sens premier était là encore "esclavage", ce qui peut se comprendre puisqu'un robot est une machine programmée pour exécuter des tâches à notre place. Le plus surprenant est à venir car rabota se prononçait à l'origine orbota, avant que le -r ne se déplace (les linguistes parlent de "métathèse"). Or cet orbota vient d'un mot plus ancien encore, orbho, qui a donné notre "orphelin". Longtemps, en effet, les enfants privés de père et de mère devaient exercer n'importe quel travail pour survivre...
 
· Plus étonnant encore : notre canapé doit son nom au... moustique. En effet, "canapé" a pour origine l'ancien français conopé, qui désignait à l'origine un rideau de lit, avant qu'un glissement de sens ne donne son nom au lit lui-même. Or ce rideau de lit avait notamment pour but de protéger le dormeur de ces fichus insectes. L'étymologie le prouve : conopé vient en effet du latin conopeum, lui-même issu du grec kônôpeôn, dérivé de kônôps, "moustique". Désormais, vous ne confondrez donc plus un canapé avec un "sofa" ("estrade élevée couverte de tapis et de coussins où le grand vizir recevait ses hôtes") ni avec un "divan", mot persan qui nous est arrivé par le turc avec le sens de "salle du conseil garnie de coussins".
 
Je terminerai cette chronique avec biberon. Personnellement, j'aurais parié que ce terme venait de "bébé". J'aurais perdu. En réalité, biberon descend du latin biber, "boisson" (qui a aussi donné "abreuver"). Au départ, le mot désignait le "bec d'un vase", puis le "vase à bec à l'usage des malades". C'est seulement en 1835 qu'on le trouve avec le sens que nous lui connaissons : "petite bouteille munie d'un bec pour faire boire un enfant" (c'était avant que la tétine ne remplace le bec). Sachez enfin que "bébé" correspond à la francisation de baby, anglicisme en vogue au XIXe siècle dans les milieux aisés qui employaient, c'est logique, des nurses...
 
(1) J'en perds mon latin. Étymologies étonnantes des mots de tous les jours, par Françoise Nore. Éditions de l'Opportun.

 

[Source : www.lexpress.fr]

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