L'incident a provoqué une levée de boucliers de la part des Canadiens francophones, remettant sur la table la nécessité de protéger la langue française dans toutes les provinces francophones du pays.
Pour son premier discours au Québec, le PDG d’Air Canada Michael Rousseau a choisi de s’exprimer uniquement en anglais.
Ce devait être un discours comme un autre, prononcé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Dans d'autres circonstances, il n'aurait sans doute pas fait l'objet de plus d'une brève dans la presse québécoise. Mais pour son premier grand discours au Québec, le 3 novembre dernier, le PDG d'Air Canada Michael Rousseau a choisi de s'adresser uniquement en anglais à la foule d'hommes d'affaires majoritairement francophones venus l'écouter.
Pire encore, le grand patron qui vit à Montréal depuis près de quatorze ans est resté interdit face aux questions qui lui ont été posées en français par les journalistes à l'issue de son discours. «Can you redo that in English?», leur a-t-il demandé, avant de justifier –en anglais– son unilinguisme assumé: «J'ai toujours pu vivre à Montréal sans parler français. C'est tout à l'honneur de la ville.»
Loin de l'excuser, sa réponse maladroite a eu l'effet d'une bombe. Comment un Montréalais, chef d'une entreprise dont la maison-mère est située au Québec, peut-il ne pas connaître un traître mot de français?
Langue et culture méprisées
En émoi, le gouvernement québécois a immédiatement réagi aux propos du PDG. «Je trouve ça insultant», s'est indigné le Premier ministre François Legault. «Le grand patron d'Air Canada exprime tout ce que nous avons rejeté il y a des décennies: le mépris pour notre langue et notre culture chez nous au Québec. Ces propos sont indignes des fonctions qu'il occupe», a renchéri le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, sur Twitter. La polémique s'est envolée jusqu'au plus au sommet de l'État fédéral, le Premier ministre canadien Justin Trudeau qualifiant la situation d'«inacceptable».
À l'image de toutes les entreprises publiques fédérales, Air Canada est soumise à certaines obligations en matière de bilinguisme. Société d'État à sa création, elle a été privatisée en 1988, mais est restée assujettie à la Loi sur les Langues Officielles (LLO) qui assure notamment l'égalité de l'anglais et du français dans les services publics.
«C'est un manquement à l'esprit de la loi, analyse François Larocque, professeur titulaire de la chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Air Canada est une organisation qui est légalement tenue d'être bilingue dans son service au public et qui devrait présenter un visage bilingue. L'exemplarité est importante, et elle doit venir d'en haut.»
À ce jour, plus de 2.000 plaintes ont été déposées auprès du Commissariat aux langues officielles du Canada, chargé de faire appliquer la LLO et donc d'assurer l'égalité du français et de l'anglais dans le pays. Un chiffre qui nous été directement fourni par le service de presse de cette autorité. Si la recevabilité de l'intégralité de ces plaintes doit encore être étudiée, ce record illustre à quel point le PDG d'Air Canada a touché une corde sensible chez les Canadiens francophones.
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