Miloš Forman
(1932-2018), réalisateur, scénariste et professeur de cinéma, est né en
Tchécoslovaquie. Après le Printemps de Prague en 1968, ce chef de file
de la "nouvelle vague" tchécoslovaque choisit l'exil aux États-Unis où
il réalise des chefs d'oeuvre - "Vol au-dessus d'un nid de coucou", "Hair", "Ragtime", "Amadeus" - et est distingué par deux Oscar du Meilleur réalisateur. Arte diffusera le 10 mai 2020 « Milos Forman, une vie libre » (Milos Forman, ein freies Leben) par Helena Trestikova et Jakub Hejna.
Publié par Véronique Chemla
Né en 1932, Miloš Forman est
orphelin durant la Deuxième Guerre mondiale : directeur d'école, son
père est résistant et sa mère, dénoncée, est tuée au camp nazi
d'Auschwitz. Plus tard, des indices l'inciteront à penser que son père
biologique a pu être un architecte juif.
Formé à l'École de cinéma de Prague, il s'affirme dans les années 1960 en chef de file de la nouvelle vague tchèque.
Formé à l'École de cinéma de Prague, il s'affirme dans les années 1960 en chef de file de la nouvelle vague tchèque.
Il se distingue par ses comédies dramatiques ironisant sur le régime communiste : L'As de pique (1963), Les Amours d'une blonde (1965), Au feu, les pompiers ! (1967).
Après la répression du Printemps de Prague - son ami admiratif le réalisateur Claude Berri ramène de Prague à Paris l'épouse et les fils du réalisateur -, Miloš Forman s'installe aux États-Unis. Là, il y tourne Taking off (1971).
Suivent "Vol au-dessus d'un nid de coucou", "Hair", "Ragtime", "Amadeus"... Son génie dans la direction d'acteurs, la finesse psychologie, et son regard empreint d'humanité teintée d'ironie lui valent d'être distingué à Hollywood par deux Oscar du Meilleur réalisateur.
"La Tchéquie insoumise de Milos Forman"
Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre d'"Invitation au voyage" (Stadt Land Kunst), "La Tchéquie insoumise de Milos Forman"
(Miloš Formans rebellisches Tschechien). "Les calmes collines de la
Bohème d’après-guerre ont vu éclore le talent de l’un des plus grands
cinéastes tchèques, Milos Forman. Dans la Tchécoslovaquie communiste, le
jeune homme réalise ses premiers films dans lesquels il dénonce
l'oppression et l’absurdité des systèmes autoritaires. Exilé aux
États-Unis, il revient à Prague dans les années 1980 pour tourner l’un
de ses chefs-d’œuvre, “Amadeus”.
"Milos Forman, un outsider à Hollywood"
"Milos Forman, un outsider à Hollywood" est un documentaire produit et réalisé par Clara Kuperberg et Julia Kuperberg. "Milos Forman, adolescent, afin d’éviter de faire son service militaire, entre dans la première université qui l’accepte, celle de cinéma ! Malgré les contraintes de la bureaucratie stalinienne, il s’impose comme le créateur de la « nouvelle vague » tchèque".
"Milos Forman, un outsider à Hollywood" est un documentaire produit et réalisé par Clara Kuperberg et Julia Kuperberg. "Milos Forman, adolescent, afin d’éviter de faire son service militaire, entre dans la première université qui l’accepte, celle de cinéma ! Malgré les contraintes de la bureaucratie stalinienne, il s’impose comme le créateur de la « nouvelle vague » tchèque".
« Milos Forman, une vie libre »
« Milos Forman, une vie libre » (Milos Forman, ein freies Leben) est un documentaire réalisé par Helena Trestikova et Jakub Hejna.
« J’évite consciencieusement de m’analyser. J’aurais horreur de devenir trop indulgent envers moi-même... »
«
Milos Forman aura réalisé nombre de chefs-d’œuvre, de "Vol au-dessus
d'un nid de coucou" à "Man on the Moon" en passant par "Amadeus". De la
Nouvelle Vague tchèque à la consécration hollywoodienne, le portrait
simple et émouvant d'un franc-tireur disparu en 2018, tissé d’archives
en partie inédites ».
«
Essentiellement tissé d’archives, dont certaines inédites, puisque les
réalisateurs ont eu accès au fond privé de sa famille, et ponctué
d’extraits de films, ce portrait est raconté par la voix du cinéaste
disparu en 2018, tantôt en tchèque, tantôt dans son anglais à l’accent
rocailleux, hormis un bref interlude dans un impeccable français ».
« Cinéaste entre deux mondes, habité par l’expérience précoce de la perte et de la solitude, mais aussi de la résistance, Milos Forman se livre avec une pudeur et une simplicité aujourd’hui presque désarmantes, tant son refus de la pose et de l'étalage intime semble relever d'une époque irrémédiablement révolue ».
«
Recueillis sur plus de quarante ans, du milieu des années 1960 à 2009,
la dernière où il a accepté d’être filmé, les entretiens qui font la
matière de ce portrait ne parlent pourtant que de lui ».
«
Mais qu'il replonge dans son enfance brisée par le nazisme (son père
résistant, puis sa mère ont péri en déportation) ou la débine de ses
premières années d'exil à New York, quand il loge gratuitement au
glamour Chelsea Hotel, qu’il évoque sa gloire de héraut de la Nouvelle
Vague tchèque (Les amours d’une blonde en 1965, puis Au feu les pompiers ! en 1967) ou ses Oscars en déluge (cinq pour Vol au-dessus d’un nid de coucou en 1976, huit pour Amadeus en 1985), Milos Forman fait montre de la même distance, teintée parfois d’autodérision ».
«
Aussi peu soucieux de son image que d’analyse savante, il livre aussi
le fil rouge qui a guidé ses pas avec constance : un attachement
instinctif à sa liberté d’homme et de créateur, ayant préféré en
connaissance de cause "la dictature du spectateur" à celle du
bureaucrate ».
Rétrospective à la Cinémathèque
À l'été 2017, la Cinémathèque française a rendu hommage à Milos Forman en présentant une rétrospective de cet auteur (31 août-20 septembre 2017).
"Cinéaste
tchèque contemporain à ses débuts des nouvelles vagues européennes des
années 1960, devenu américain en 1968 après l'entrée dans Prague des
chars soviétiques, Milos Forman a su garder son cap en n'étant jamais
dupe de n'importe quel pouvoir : celui qui pèse sur les êtres pour les
contraindre et les priver de toute dimension. C'est cette dimension
retrouvée que ses films et ses personnages, à leurs risques et périls,
manifestent et exaltent sans cesse", a écrit Bernard Benoliel.
"LES CHEMINS DE LA LIBERTÉ
Et Bernard Benoliel d'analyser : "Vol au-dessus d'un nid de coucou, Hair, Amadeus...
Qui ne connaît Milos Forman, sinon l'homme du moins ses films ? Mais
davantage certains de ses films que l'œuvre tout entière, d'une rare
cohérence par-delà les accidents d'une vie. Qui, jusqu'à récemment, a
vraiment pris en compte Taking Off ? Qui a vu Ragtime sur grand écran ces dernières années ? A-t-on assez dit que Man on the Moon
est un film stupéfiant, variation inspirée sur le spectacle et
l'anti-spectacle ? Comprend-on suffisamment que les films et personnages
de Forman ont en commun un humour tellement jusqu'au-boutiste qu'il
devient manifeste politique ? « L'humour jaillit d'une crevasse qui
s'est ouverte entre ce que les choses prétendent signifier et ce
qu'elles sont en réalité. (...) Rien ni personne n'est dispensé du
comique qui est notre condition, notre ombre, notre soulagement et notre
condamnation », écrit Kundera à propos de Milos Forman justement. Sans
doute cette attitude philosophique face à l'insensé de l'existence l'a
t-elle sauvé lui-même, lui insufflant légèreté et lucidité, lui donnant
envie de la place de cinéaste comme lieu idéal d'observation et
qualifiant à jamais son regard sur le monde."
"NAISSANCE D'UN REGARD
Et Bernard Benoliel de rappeler : "Né
à Čáslav, dans l'ancienne Tchécoslovaquie, il est élevé dès l'âge de
huit ans par de proches parents, les siens ayant été déportés sans
retour. Il faut dire d'emblée la particularité d'un destin qui va
irriguer toute son œuvre et lui donner chaque fois, quel que soit le
sujet ou le pays du tournage, cette couleur si personnelle : Forman a
connu intimement et à différents âges de sa vie toutes les idéologies
qui ont formé et défiguré le XXe siècle, le nazisme, le communisme
soviétique, le capitalisme américain. Non qu'il ait posé sur celles
qu'il a représentées un regard d'équivalence ; il n'est simplement
jamais dupe d'aucune, ni de celles-là ni de modèles historiques
antérieurs, conscient de leurs effets systématiquement dévastateurs.
Chaque fois, il leur oppose une liberté individuelle aussi fragile
qu'acharnée et célèbre les sortes de riposte inventées par quelques-uns :
un chant, un cri, une provocation, une sonorité inconnue – la musique
et le rire de Mozart."
"UN CINÉASTE À PART
Et Bernard Benoliel de souligner : "Étrangement
ou logiquement, cet artiste, dont l'œuvre américaine interroge le
spectacle et produit sa représentation critique, va rencontrer le succès
: cinq Oscar pour Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975), huit pour Amadeus (1983). En même temps, Forman demeure aux États-Unis un cinéaste à part : voir Taking Off,
son premier film « américain » (1971) qui s'inspire en partie de
Concours, qu'il tourne avec Miroslav Ondříček, le chef-opérateur de sa
période tchèque, qui s'intéresse autant sinon moins à la jeunesse de son
temps (Hair, dix ans plus tard) qu'à la génération des parents. À part encore parce que si souvent européen dans ses goûts : Amadeus, Valmont d'après Choderlos de Laclos (1988), Les Fantômes de Goya
(2005). À part toujours parce qu'il choisit ses sujets ; parce que ses
méthodes sur le plateau servent avant tout à restituer une certaine
forme de « naturel » et de spontanéité des êtres, des gestes et des
situations ; parce qu'il sait unir dans un même film la fresque et la
miniature, tout un art du portrait à la manière de cet artiste dans Ragtime (1981)
capable de faire apparaître des figures ressemblantes en découpant des
profils dans du papier noir. Surtout, il s'éprend de personnages
insoumis : Mozart, McMurphy (Jack Nicholson dans Vol au-dessus d'un nid de coucou), Berger (Treat Williams dans Hair), Larry Flint (1996), Andy Kaufman (Jim Carrey dans Man on the Moon,
1999), tous en butte à une forme ou une autre d'oppression avant que ne
se dévoilent peu à peu leurs fêlures secrètes, la tentation du
dédoublement, une forme de démence même que le spectateur, pris au piège
de son identification idéale, n'avait su déceler plus tôt et constate
avec étonnement. C'est dans cette manière d'être toujours surprenant et
subtil, capable de formuler et déjouer des attentes, de provoquer
pendant la projection elle-même un déplacement de la pensée que Forman
rejoint son ambition la plus grande : « Je voudrais arriver à concevoir
un art qui, à travers les infimes manifestations de l'esprit humain,
puisse découvrir et libérer les plus grandes quantités d'énergie. »
Le
journaliste Ken Kesey s'inspire de son travail dans un hôpital
psychiatrique et de ses expériences comme cobaye de produits chimiques
hallucinogènes pour écrire son roman One Flew Over the Cuckoo's Nest, du point de vue d'un Amérindien schizophrène. Dans
les années 1960, une partie de la jeunesse américaine rebelle est
sensible à la contestation qui agite les campus, aux thèmes et au style
imagé de ce livre.
Au faite de sa gloire - il vient de jouer Spartacus de Stanley Kubrick (1961) -, l'acteur Kirk Douglas lit les épreuves du livre avant sa publication en 1962. Enthousiasmé, il en achète les droits et interprète le rôle principal dans l'adaptation théâtrale par Dale Wasserman à Broadway.
Au faite de sa gloire - il vient de jouer Spartacus de Stanley Kubrick (1961) -, l'acteur Kirk Douglas lit les épreuves du livre avant sa publication en 1962. Enthousiasmé, il en achète les droits et interprète le rôle principal dans l'adaptation théâtrale par Dale Wasserman à Broadway.
Fort
du succès de la pièce, Kirk Douglas, qui dirige sa société de
production Bryna, cherche les financements nécessaires pour l'adaptation
cinématographique. En vain : les producteurs potentiels trouvent le
sujet "trop déprimant". Peu avant de céder ses droits, Kirk Douglas
confie ce projet à son fils Michael, acteur devenu célèbre par son rôle d'un jeune policier au côté de Karl Malden dans la série Les rues de San Francisco.
Ce projet cinématographique est proposé à Miloš Forman par Michael Douglas et Saul Zaentz,
producteur quinquagénaire de disques de jazz et dirigeant de la société
Fantasy Records, longtemps la firme discographique indépendante la plus
importante au monde. Né en 1932, Miloš Forman est le chef de file de la nouvelle vague tchèque.
À
ses amis américains qui lui déconseillent de réaliser l'adaptation du
roman de Kesey - "C'est mauvais pour toi ! Tu n'y arriveras pas : c'est
un sujet si américain ! Tu ne pourras pas en faire un film qui plaira au
public américain : tu es un immigrant de fraiche date de
Tchécoslovaquie" -, Miloš Forman rétorque : "Pour vous, c'est de la
fiction. Mais pour moi, c'est la réalité. J'ai vécu dans cette
société-là. Le parti communiste était mon infirmière en chef. Il me
disait quoi faire, quoi dire, à quoi penser, à quelle heure me lever et
me coucher. Je sais de quoi ce livre parle. Beaucoup plus que vous".
Et
Vladimir Boukovski, "ex-dissident soviétique enfermé pendant 12 ans en
tout dans une institution psychiatrique", renchérit : "Ce livre évoquait
un sujet qui m'était très cher. J'ai lutté contre l'utilisation de la
psychiatrie à des fins répressives". En 1971, Vladimir Boukovski était
parvenu à transmettre à l'Ouest un document intitulé Une nouvelle maladie mentale en URSS : l'opposition".
Apprenant
le choix de son fils, Kirk Douglas lui confie alors qu'il avait
envisagé de produire seul le film en songeant à Miloš Forman, auteur de
comédies tournées avec un budget réduit et rapidement. Il lui avait
envoyé le livre. Las, les autorités tchèques l'avait confisqué avant
qu'il ne parvienne à l'artiste.
La
distribution ? Auparavant catalogué dans des rôles de "jeune homme
sensible", Jack Nicholson s'impose pour interpréter Mc Murphy, "un genre
d'anarchiste qui veut détraquer le système", comme le définit le
réalisateur. Un acteur "parfait" dont Miloš Forman loue la préparation,
la discipline et la générosité sur le plateau. Un acteur qui travaille
énormément son rôle pour que son jeu soit le plus naturel possible à
l'écran.
Miloš Forman tient à tourner en décors réels, comme en Tchécoslovaquie. Les producteurs peinent à trouver un hôpital psychiatrique pour y tourner le film, tant les descriptions des traitements prodigués dans le roman n'ont pas été appréciées par les psychiatres.
Miloš Forman tient à tourner en décors réels, comme en Tchécoslovaquie. Les producteurs peinent à trouver un hôpital psychiatrique pour y tourner le film, tant les descriptions des traitements prodigués dans le roman n'ont pas été appréciées par les psychiatres.
19
novembre 1975. Sortie du film. Les avant-premières du film sont
accueillies par un public enthousiaste. Les patients de l'hôpital de
Salem "ont adoré le film", se souvient le Dr Dean Broks. "Ils avaient
l'impression d'être libérés d'eux-même", ajoutent Miloš Forman. Le
succès est du film est "inattendu et mondial".
Cependant, ce film rafle les cinq principaux Oscar : meilleur acteur - Jack Nicholson -, meilleure actrice - Louise Fletcher - , meilleur film - Michael Douglas et Saul Zaentz -, meilleur réalisateur - Miloš Forman, qui monte sur scène avec ses fils jumeaux dont il avait été séparé lors de son exil aux États-Unis - et meilleure adaptation cinématographique (Lawrence Hauben, Bo Goldman).
Cependant, ce film rafle les cinq principaux Oscar : meilleur acteur - Jack Nicholson -, meilleure actrice - Louise Fletcher - , meilleur film - Michael Douglas et Saul Zaentz -, meilleur réalisateur - Miloš Forman, qui monte sur scène avec ses fils jumeaux dont il avait été séparé lors de son exil aux États-Unis - et meilleure adaptation cinématographique (Lawrence Hauben, Bo Goldman).
C'est le deuxième film à recevoir cinq Oscar principaux, après NewYork-Miami (It Happened One Night) de Frank Capra (1935). Après la cérémonie, Frank Capra envoie un télégramme à Miloš Forman : "Bienvenue au club !"
France, République tchèque, 2019, 55 min
Sur Arte le 10 mai 2020 à 22 h 50
Disponible du 03/05/2020 au 08/06/2020
Visuels : © Pavel Jiras
Visuels : © Pavel Jiras
"Milos Forman, un outsider à Hollywood" par Clara Kuperberg et Julia Kuperberg
France, 2011
Sur Histoire les 7 octobre 2019 à 21 h 40, 8 octobre 2019 à 23 h 10, 12 octobre 2019 à 16 h 45, 18 octobre 2019 à 16 h 10 et 30 octobre 2019 à 16 h 40
"La Tchéquie insoumise de Milos Forman"
France, 2019, 14 min
Disponible du 02/12/2019 au 02/12/2021
France, 2011
Sur Histoire les 7 octobre 2019 à 21 h 40, 8 octobre 2019 à 23 h 10, 12 octobre 2019 à 16 h 45, 18 octobre 2019 à 16 h 10 et 30 octobre 2019 à 16 h 40
"La Tchéquie insoumise de Milos Forman"
France, 2019, 14 min
Disponible du 02/12/2019 au 02/12/2021
« Vol au-dessus d'un nid de coucou » de Miloš Forman
Fantasy Films, 1975, 128 minutes
Diffusions :
- 27 juin 2011 à 20 h 40 et 28 juin 2011 à 1 h 50 ;
Les citations sont d'Arte.
[Source : www.veroniquechemla.info]
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