quarta-feira, 26 de fevereiro de 2020

Le seizième arrondissement, une fable


Dans l’arrondissement le plus à l’ouest de Paris, nous pourrions organiser un rallye, en empruntant les rues qui portent le nom d’un poète, du Point-du-Jour à la porte-Dauphine. L’arrondissement le plus huppé de Paris est le mieux loti en matière de poésie.
 « L’autre jour, à cheval, dans le bois de Boulogne »
Poésies nouvelles, inédites et posthumes, Théophile Gautier. 
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Jeanne Menjoulet, CC BY 2.0
Propos recueillis par Nicolas Grenier

D’un point de vue statistique, on compte quarante-neuf lieux pour les poètes : vingt-sept rues, six squares, en hommage à Anna de Noailles, Henry Bataille, Alphonse de Lamartine, François de Malherbe, Pétrarque, Racan, cinq villas, quatre impasses, pour Pierre de Corneille, Marie de Régnier, Racine et Voltaire, quatre avenues, pour Stanislas de Boufflers, Molière, Théophile Gauthier et Victor Hugo, deux places. La poétesse Renée Vivien, elle, ne figure sur aucune carte de l’arrondissement, bien qu’elle ait habité au rez-de-chaussée du 23, avenue du bois de Boulogne, qu’on appelle aujourd’hui « avenue Foch ».
D’un point de vue statistique, les rois de l’arrondissement seraient Nicolas Boileau, avec sa rue, sa ville, son hameau, Victor Hugo, avec sa station de métro sur la ligne 2, sa place et son avenue qui débouche sur l’Arc de Triomphe. Derrière ces poètes figurent Jean de la Fontaine, avec sa rue et son lycée à la porte Molitor, Molière, avec son avenue et son lycée, Théophile Gauthier, avec sa rue et son square, Béranger, pour sa villa et son hameau, Michel-Ange, pour sa rue et son hameau, Pétrarque, pour sa rue et son square.
L’axe le plus long est l’avenue Victor Hugo avec plus de deux cents numéros, la plus courte reviendrait à la rue Pierre-Louÿs, à côté du pont de Grenelle, non loin de l’île aux Cygnes. Au numéro 124 de l’avenue, on peut lire :
Ici s’élevait l’hôtel
Où Victor Hugo est mort
Le 22 mai 1885
Sur les immeubles, les plaques fleurissent. Il y a les poètes illustres, Henri de Régnier, dans la rue Boissière, le prix Nobel de littérature, Alexis Léger (dit Saint-John Perse) dans l’avenue Camoëns, Jean Richepin, Albert Samain, et les moins illustrés, Fernand Mazade, Emmanuel Aegerter :

Ici vécut
De mai 1926
Jusqu’à sa mort
Le 16 décembre 1945
Le poète
Emmanuel Aegerter

Le haut lieu de la poésie, dans cet arrondissement, serait le square des poètes, situé à côté des serres d’Auteuil. Dans cet endroit de plus de dix mille mètres carrés, l’on trouve des allées dédiées à François Villon, Paul Verlaine, Charles Baudelaire. Et aussi, la statue de Frédéric Mistral, les bustes de Victor Hugo, Théophile Gautier, Alexandre Pouchkine, Jean Moréas, et un monument en hommage à Joachim Gasquet. Au fil de l’herbe, des plaques honorent la poésie, avec des vers de Marguerite de Valois, Tristan Klingsor, Victor Segalen, entre autres.
Dans les jardins du Trocadéro, on trouve la statue de Paul Valéry, dont la prose figure en lettres d’or sur les façades du palais de Chaillot. Le poète portugais Luis de Camoëns a également, un monument en marbre rose, en son avenue. Alphonse de Lamartine qui a déjà sa rue dans le neuvième arrondissement dispose d’un square, et d’une statue, à côté de la mairie de l’arrondissement.
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Álvaro Bertelsen, CC BY 2.0
Chaque quartier pourrait avoir son poème dans ce triangle d’or parisien. Depuis les hauteurs du charmant village d’Auteuil, André Chénier, exprime une vision, toute romantique, dans son élégie « La promenade à Auteuil », composée sous le régime impérial :Le soleil affaibli vient dorer ces vallons ;

Je vois Auteuil sourire à ses derniers rayons.
Oh ! que de fois j’errai dans tes belles retraites,
Auteuil ! lieu favori ! lieu saint pour les poètes !

Dans sa maison de campagne, Nicolas Boileau, lui, rend hommage à son jardinier :

Antoine, gouverneur de mon jardin d’Auteuil
Qui diriges chez moi l’if et le chèvrefeuille.

Toujours à l’action poétique, Voltaire réplique dans son « Épître à Boileau », en 1769 :

Je vis le jardinier de ta maison d’Auteuil
Qui chez toi, pour rimer, planta le chèvrefeuille.

Face à cette licence poétique de l’Ancien Régime, Guillaume Apollinaire choisira une nouvelle rime :
Et moi qui m’attardais sur le quai à Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Et encore, Paul Verlaine, poète de la Révolution industrielle, évoque le chemin de fer, aujourd’hui disparu :
Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
De la gare d’Auteuil et des trains de jadis
Du côté de Passy, où fut arrêté André Chénier le 7 mars 1794, Anna de Noailles, dans son « poème de l’amour » de 1924, s’enchante :
Auprès d’un verger de Passy,
Quand la nuit met sa molle roche
Sur tout l’espace dessaisi,
J’entendais, au lointain, des cloches

Au nord-ouest de l’arrondissement, le bois de Boulogne revêt son manteau d’hiver. Dans un rondeau, tiré du Parnasse contemporain de 1876, Théodore de Banville grelotte :

Au bois de Boulogne, l’Hiver,
La terre a son manteau de neige. 

De son côté, le poète berrichon, Maurice Rollinat, adoptera un ton plus grave à l’égard du seizième arrondissement et de Paris, dans le poème liminaire de son recueil Dans les brandes :
Fuyons square et bois de Boulogne !
Là, tout est artificiel !

[Source : www.actualitte.com]

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