Contrôler et réguler valent
toujours mieux pour les autres.
Les membres de Facebook sont victimes d'un biais
cognitif. | Simon via Pixabay
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Traduit par Iris Le Guinio
En dépit des controverses, Facebook affiche des bénéfices record et des milliards de
personnes –dont plus des deux tiers de la population adulte aux États-Unis–
continuent d'utiliser la version non régulée alors même qu'un certain nombre
de personnalités en appellent à une régulation du réseau social, y compris
l'un des cofondateurs de l'entreprise et l'un de ses premiers soutiens financiers.
196 personnes parlent à ce sujet
La majeure partie des critiques porte sur la façon dont les algorithmes du réseau social ciblent les membres à coups de publicités et sur l'effet «caisse de résonance» qu'ils
produisent en diffusant un contenu idéologiquement biaisé.
J'étudie les dynamiques sociales à l'œuvre sur internet depuis
trente ans et je soupçonne que ces contradictions apparentes sont d'ordre
psychologique. Les gens connaissent les problèmes que pose Facebook mais
chaque personne s'estime à l'abri de ses effets délétères tout en s'imaginant
que les autres risquent d'en subir l'influence. Ce paradoxe aide à comprendre
pourquoi les gens continuent à fréquenter le site, qui peut encore se targuer
de compter plus de 2 milliards de membres par mois en moyenne. Ironie du
sort, la psychologie explique aussi les appels à réguler le géant des réseaux
sociaux.
«Biais d'optimisme»
Le biais cognitif à l'origine de cette croyance
s'appelle «l'effet troisième personne» ou «biais d'optimisme», c'est-à-dire
la croyance selon laquelle les autres se laissent avoir alors que nous, non.
Paradoxalement, cette dynamique
peut pousser les gens à approuver le contrôle des médias et les restrictions
imposées… aux autres. Si une personne se sent à l'abri de l'influence
négative d'un réseau social cela provoque chez elle un phénomène
psychologique nommé «influence de l'influence présumée». Elle craint
que quelqu'un d'autre soit influencé et protégera autrui même si elle-même
estime ne pas avoir besoin de l'être. C'est sans doute la raison pour
laquelle beaucoup de membres de Facebook se plaignent de ses dangers pour
autrui mais continuent à se connecter au site. Même l'investisseur Roger McNamee, qui a contribué
financièrement au lancement de la société et a récemment écrit un livre pour en dénoncer les dérives, semble avoir succombé à ce réflexe paradoxal. Selon le Washington Post: «En dépit […] de son dégoût pour les délits
commis par les plateformes de médias sociaux […], M. McNamee est non
seulement toujours actionnaire de Facebook […] mais compte toujours parmi les
plus de 2 milliards d'utilisateurs du géant des réseaux sociaux. Après tout,
reconnaît-il avec un sourire et un haussement d'épaules, “il faut bien que je
fasse la promotion de mon livre.”»
Tout le monde ne peut pas sortir du
lot
Roger McNamee se croit peut-être insensible aux
caisses de résonance et autres influences qui, prévient-il, affectent
l'internaute lambda. Mais que faire si cet·te internaute lambda ne se
considère pas comme tel·le en se croyant à l'abri de l'influence pernicieuse
de Facebook?
J'ai exploré cette éventualité dans une enquête
menée auprès de 515 adultes américain·es ayant utilisé le réseau social au
moins une fois dans la semaine précédant l'étude. Les participant·es, issu·es
des cinquante États du pays avaient en moyenne 39 ans, et ont déclaré passer
en moyenne un peu moins de dix heures par semaine sur Facebook, un temps que
ces personnes estime similaire à celui de la majorité des autres membres.
Trois types de questions étaient posées. Le premier
concernait le degré auquel ces personnes estimaient être influencées par
Facebook sur un certain nombre de sujets sociaux et politiques, y compris la
construction du mur à la frontière mexicaine, l'expansion ou l'abrogation de
l'Obamacare, l'efficacité de Donald Trump et d'autres problématiques majeures pour l'avenir du pays.
Le second visait à déterminer à quel point le réseau
influence, selon chacun, l'opinion des autres personnes sur les mêmes sujets.
Une question pour comprendre à quel point les médias sociaux affectent l'idée
que ces individus se font d'une «personne lambda».
Le troisième groupe était consulté pour explorer les
diverses stratégies envisagées pour réguler le géant, y compris des arrêts de
la Commission fédérale du commerce (FTC) ou de la Commission fédérale des
communications (FCC), le démantèlement du réseau par le biais de lois
anti-monopole, la révélation de ses algorithmes, etc.
Protéger les autres
Le panel était persuadé que Facebook affectait
davantage les perceptions d'autrui. Plus ces personnes pensaient que les
autres étaient vulnérables, plus elles étaient soucieuses que soient
instaurés des contrôles sur le réseau.
Les individus qui se croyaient peu influençables
imputaient le problème aux caisses de résonance. Ils soutenaient les
nouvelles régulations même s'ils risquaient d'être eux-mêmes affectés.
Mieux vaut se protéger soi-même des mauvaises
influences que de se mêler des croyances du voisin.
Ces caisses de résonance affectent réellement les
perceptions, au point qu'un homme a été jusqu'à ouvrir le feu dans une pizzeria à la suite de
fausses allégations diffusées en ligne, selon lesquelles l'établissement
servait de façade à un réseau de pédophilie. Toutefois, le rôle de ces
caisses est remis en questions par certaines études remettent en question.
Il me semble plus important de faire comprendre aux
gens que tout le monde encourt le même risque d'être influencé. La société
porte une part de responsabilité, les membres de Facebook aussi. En fin de
compte, mieux vaut se protéger soi-même des mauvaises influences que de se
mêler des croyances du voisin.
[Source : www.slate.fr]
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