Dirigé par deux historiens israéliens, Dan Michman et Haim Saadoun, le livre « Les Juifs d'Afrique du nord face à l'Allemagne nazie » (Perrin, 2018) propose quatorze contributions d’historiens sur une réalité historique méconnue. Le 10 février 2019, à 14 h 30, le Mémorial de la Shoah organise la conférence « Une « Shoah » des Juifs d’Afrique du Nord ? » en présence des directeurs d’ouvrage et de Guy Dugas, éditeur scientifique du journal d’Albert Memmi.
Publié par Véronique Chemla
« On est généralement surpris d’entendre parler de Shoah au sujet des Juifs d’Afrique du Nord, les nazis n’ayant occupé qu’une partie de cette région, le reste étant aux mains des Alliés », écrivent les auteurs du recueil d’articles « Les Juifs d'Afrique du nord face à l'Allemagne nazie » : deux historiens israéliens. « Professeur à la Faculty of Jewish Studies de l’université Bar-Ilan (Israël), chercheur associé à Yad Vashem, Dan Michman est l’auteur de nombreux ouvrages remarqués, dont De la mémoire de la Shoah dans le monde juif et The Emergence of Jewish Ghettos during the Holocaust. Professeur d’histoire à l’université libre de Tel-Aviv, Haïm Saadoun est l’auteur de Le Monde sépharade. Histoire et civilisation. »
Cet ouvrage se propose de présenter l’état des recherches historiques sur un sujet méconnu, voire souvent ignoré. Un « travail novateur qui s’appuie sur des sources non exploitées jusqu’à présent ».
Il « étudie donc l’idéologie nazie en Afrique du Nord et l’étendue de l’antisémitisme avant et pendant la guerre, et analyse le comportement des populations locales pour répondre à cette question centrale : y a-t-il eu une « Shoah » des Juifs d’Afrique du Nord ? »
« En s’appuyant sur de nouveaux documents, l’auteur démonte l’argumentation selon laquelle un programme d’extermination systématique des Juifs d’Afrique du Nord aurait été décidé à la conférence dite de « Wansee » en janvier 1942. Néanmoins, il faut aussi inclure dans la dénomination « Shoah » les conditions faites aux Juifs en Afrique du Nord pendant la guerre ».
Rappelons que la conférence de dirigeants nazis et d’officiers allemands réunis à Wansee ou Wannsee a eu pour thème « la solution finale de la question juive » visée par Hitler et a envisagé sa mise en œuvre en se fondant sur un tableau indiquant, pour chaque pays du continent européen, pour l’Union soviétique et pour la Turquie, le nombre de Juifs y vivant. Pour la France, Reinhard Heydrich, SS-Obergruppenführera allemand présidant cette conférence, désigne non seulement les Juifs de la France métropolitaine, mais aussi ceux de son empire colonial en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie - mentionnés comme vivant dans « France/territoires non-occupés »). Le tableau évalue la population juive totale à environ onze millions de personnes, dont un peu plus de la moitié se trouvent dans des pays ou des territoires non contrôlés par le IIIe Reich.
« Dans la première partie sont étudiées l’idéologie nazie en Afrique du Nord et l’étendue de l’antisémitisme avant et pendant la guerre. Dans la deuxième partie est analysé le comportement des populations locales vis-à-vis des Juifs. La troisième partie est consacrée aux événements des années 1940-1944, comme la pression exercée par le gouvernement de Vichy, les opérations de secours orchestrées par Hélène Cazes-Benatar au Maroc, le sort de la communauté juive de Nabeul en Tunisie, ou encore le cas de Tanger où se sont réfugiés des Juifs européens et où existait un réseau d’espionnage et de contre-espionnage. Enfin, dans une dernière partie est retracé le travail de mémoire dans la littérature judéo-maghrébine d’expression française et dans l’historiographie après 1944 ».
Application des statuts des Juifs édictés par le régime de Vichy avec ses exclusions d'élèves et professeurs juifs des établissements scolaires publics, entassement des Juifs dans des mellah, rafle, port de l'étoile jaune, multiplication de camps de travaux forcés, propagande nazie vers le monde arabe, rackets, viols, déportation vers les camps d'extermination... Le sort des Juifs d'Afrique du nord présente de nombreuses similitudes avec celui des Juifs persécutés par les Nazis sur le continent européen.
Rédigés par des chercheurs de divers pays, neuf focus concernent les deux protectorats français - Maroc et Tunisie - et les trois départements français d'Algérie. Pourquoi n'avoir pas inclus la Libye et l'Égypte ?
Ce livre intéressant contient des notes précieuses, mais ni un index des noms cités ni des cartes.
Son thème s'avère sensible à plus d'un titre. Des mémoires familiales juives accèdent au rang historique. La nature de la Shoah apparaît dans toute sa dimension : détruire un peuple, où qu'il se trouve sur la planète. L'Histoire du nazisme, de la Deuxième Guerre mondiale, de la Shoah et du "monde arabe ou/et musulman" repensée, et certains passages doivent être (ré)écrits : la Shoah n'est pas qu'une tragédie "européenne" car les États européens disposaient aussi d'empires coloniaux peuplés de Juifs ayant subi les persécutions antisémites des régimes collaborateurs ou/et des nazis et visés par la "Solution finale" ; la refondation de l'État d'Israël ne résulte pas d'un sentiment de culpabilité de l'Europe qui aurait imposé à un monde arabe ou/et musulman innocent de toute adhésion au nazisme ou de toute complicité dans la Shoah, un État juif. Le périmètre du "dialogue judéo-musulman" se trouve élargi malgré les réticences des protagonistes. Mais les dirigeants politiques, surtout français, et les institutions juives hexagonales sont-elles prêtes à cet « aggiornamento » ? On peut en douter.
Mémorial de la Shoah
Cet ouvrage se propose de présenter l’état des recherches historiques sur un sujet méconnu, voire souvent ignoré. Un « travail novateur qui s’appuie sur des sources non exploitées jusqu’à présent ».
Il « étudie donc l’idéologie nazie en Afrique du Nord et l’étendue de l’antisémitisme avant et pendant la guerre, et analyse le comportement des populations locales pour répondre à cette question centrale : y a-t-il eu une « Shoah » des Juifs d’Afrique du Nord ? »
« En s’appuyant sur de nouveaux documents, l’auteur démonte l’argumentation selon laquelle un programme d’extermination systématique des Juifs d’Afrique du Nord aurait été décidé à la conférence dite de « Wansee » en janvier 1942. Néanmoins, il faut aussi inclure dans la dénomination « Shoah » les conditions faites aux Juifs en Afrique du Nord pendant la guerre ».

« Dans la première partie sont étudiées l’idéologie nazie en Afrique du Nord et l’étendue de l’antisémitisme avant et pendant la guerre. Dans la deuxième partie est analysé le comportement des populations locales vis-à-vis des Juifs. La troisième partie est consacrée aux événements des années 1940-1944, comme la pression exercée par le gouvernement de Vichy, les opérations de secours orchestrées par Hélène Cazes-Benatar au Maroc, le sort de la communauté juive de Nabeul en Tunisie, ou encore le cas de Tanger où se sont réfugiés des Juifs européens et où existait un réseau d’espionnage et de contre-espionnage. Enfin, dans une dernière partie est retracé le travail de mémoire dans la littérature judéo-maghrébine d’expression française et dans l’historiographie après 1944 ».
Application des statuts des Juifs édictés par le régime de Vichy avec ses exclusions d'élèves et professeurs juifs des établissements scolaires publics, entassement des Juifs dans des mellah, rafle, port de l'étoile jaune, multiplication de camps de travaux forcés, propagande nazie vers le monde arabe, rackets, viols, déportation vers les camps d'extermination... Le sort des Juifs d'Afrique du nord présente de nombreuses similitudes avec celui des Juifs persécutés par les Nazis sur le continent européen.
Rédigés par des chercheurs de divers pays, neuf focus concernent les deux protectorats français - Maroc et Tunisie - et les trois départements français d'Algérie. Pourquoi n'avoir pas inclus la Libye et l'Égypte ?
Ce livre intéressant contient des notes précieuses, mais ni un index des noms cités ni des cartes.
Son thème s'avère sensible à plus d'un titre. Des mémoires familiales juives accèdent au rang historique. La nature de la Shoah apparaît dans toute sa dimension : détruire un peuple, où qu'il se trouve sur la planète. L'Histoire du nazisme, de la Deuxième Guerre mondiale, de la Shoah et du "monde arabe ou/et musulman" repensée, et certains passages doivent être (ré)écrits : la Shoah n'est pas qu'une tragédie "européenne" car les États européens disposaient aussi d'empires coloniaux peuplés de Juifs ayant subi les persécutions antisémites des régimes collaborateurs ou/et des nazis et visés par la "Solution finale" ; la refondation de l'État d'Israël ne résulte pas d'un sentiment de culpabilité de l'Europe qui aurait imposé à un monde arabe ou/et musulman innocent de toute adhésion au nazisme ou de toute complicité dans la Shoah, un État juif. Le périmètre du "dialogue judéo-musulman" se trouve élargi malgré les réticences des protagonistes. Mais les dirigeants politiques, surtout français, et les institutions juives hexagonales sont-elles prêtes à cet « aggiornamento » ? On peut en douter.
Mémorial de la Shoah
Le 10 février 2019, à 14 h 30, le Mémorial de la Shoah organise la conférence « Une « Shoah » des Juifs d’Afrique du Nord ? » en présence des directeurs d’ouvrage et de Guy Dugas, éditeur scientifique du journal d’Albert Memmi. Une rencontre animée par Jean-Pierre Allali, journaliste et écrivain, et proposée autour de la parution de Les Juifs d’Afrique du Nord face à l’Allemagne nazie sous la direction de Dan Michman et Haim Saadoun, éd. Perrin, 2018, et de Journal d’un travailleur forcé d’Albert Memmi, éd. CNRS, coll. Biblis, 2019, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Dan Michman et Haim Saadoun, « Les Juifs d'Afrique du nord face à l'Allemagne nazie ». Perrin, 2018. 400 pages.
Le 10 février 2019, à 14 h 30
Au Mémorial de la Shoah
À l’Auditorium E.J.Safra
17, rue Geoffroy l’Asnier – 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72
Photo : Rabbins sortant du palais du bey, après lui avoir rendu visite, Tunis. Tunisie, années 1930
[Source : www.veroniquechemla.info]
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