ROMAN FRANÇAIS – Moi, Philip Roth est
 sorti en septembre, aussitôt enseveli par le flot de la rentrée 
littéraire où, une fois de plus, on a parlé des mêmes auteurs, ceux qui,
 tous les deux ans au plus, nous sortent un texte aussitôt chroniqués 
par les journaux. Ce sont les « vedettes » du petit écran littéraire. Je
 ne citerai pas de noms, de peur de me faire des ennemis. Tant mieux 
pour eux, finalement. Mais il est injuste d’oublier les autres. Alors, 
aujourd’hui, parlons de ce Moi, Philip Roth de Steven Sampson.

Écrit par Hervé Bel
Moi, Philip Roth est
 donc de ces livres. D’apparence, l’intrigue est simple : le narrateur, 
Jessie, juif américain, juriste d’origine, riche, sans doute, vit avec 
une Française qu’il trompera avec une autre. Mais c’est plus compliqué, 
on s’en doute. Il est plongé dans la rédaction d’une thèse sur Philip 
Roth, dont le sujet n’est pas clair, et pour cause : il semble que ce 
sujet soit le narrateur lui-même plongé dans le continent qu’est l’œuvre
 de Roth.
Peut-être
 même que le texte que nous lisons est la thèse elle-même. On en a très 
vite l’intuition, car le roman met en scène le professeur de thèse de 
Jessie, et celui-ci lui parle justement de l’histoire qu’il est en train
 de vivre avec Marie, comme si celle-ci était un des objets de sa thèse…
 On le voit, c’est tordu, un serpent qui se mord la queue et place le 
lecteur dans des situations paradoxales et dérangeantes. Cela devient 
parfois très drôle.
La compagne de Jessie, Marie, est une jeune étudiante : « Il
 y a quatre mois seulement, elle n’était pour moi qu’un T-shirt 
désincarné surgissant dans mon bureau pendant mes heures de permanence, à
 la recherche de soutien pour ses oraux d’anglais. »
Maintenant, il vit avec elle… et Philip Roth. Il n’a encore écrit que cent pages de sa thèse.
« Marie a dit que j’étais obsédé par Phil.
— Tu adores ce mec de Newark.
Zees Newark guy. En anglais, son “th” devenait “z”, pas dental, mais alvéolaire.
— Tu es bloqué sur cette putain de thèse. »
L’histoire de Moi, Philip Roth,
 c’est celle d’un homme parvenant enfin à écrire à la suite d’aventures 
cocasses ou tragiques, racontées avec l’humour d’un Woody Allen. Il 
n’est pas utile de connaître Philip Roth pour les comprendre.
Au
 début, Jessie est coincé. Pourtant, et c’est peut-être le problème, il a
 tout pour être heureux : Paris (qu’il aime avec la naïveté d’un 
Américain), quarante ans, prof à la Sorbonne, et une jolie fille 
(française) qui veut l’épouser et le présente à ses parents, les De 
Blanzy.
Les
 De Blanzy sont des catholiques pratiquants et emmènent Jessie à la 
messe. Apercevant la basilique Sainte-Clotilde-et-Sainte-Valère, Jessie 
pense : « Les
 deux hautes flèches de la façade parsemées de trous ressemblaient à des
 fantômes ou à des militants du Ku Klux Klan. Aussitôt que cette 
réflexion m’a traversé l’esprit, j’ai eu honte. Même dans mes pensées, 
je faisais le petit fayot de Philip Roth, le suivant dans sa quête 
perpétuelle des manifestations d’antisémitisme. »
Au père de Marie qui l’interroge : « Avez-vous la foi ? » Il répond : « Je crois en moi-même (…) Je suis circoncis. » La rencontre avec les parents ne se passe pas bien.
Marie
 n’est pas contente. Alors Jessie s’en va se promener au bord de la 
Seine et s’arrête sur le pont Marie. À minuit et demi, il se décide à 
rentrer. Il sonne à la porte, mais Marie ne répond pas. Il ne veut pas 
réveiller les voisins et s’endort devant la porte. Le matin, c’est elle 
qui le réveille en sortant. Elle est bizarre. Ses cheveux sentent une 
odeur d’égout. Puis elle s’écroule par terre. « Malgré la faible lumière du palier, j’ai vu sur son visage les égratignures, dont une au moins mesurait trois centimètres. »
Marie, pendant la nuit, a été agressée et violée tandis qu’elle prenait son bain.
« Elle avait le regard fixé vers le plafond, en direction des nuages que l’on voyait à travers les Velux.
— Alors, dis-moi, qui est venu ?
Elle a haussé les épaules.
— Lui.
— Lui ? »
Et c’est alors que le lecteur comprend que ce « Lui » n’est autre que Philip Roth, ce qui est impossible, absurde, et pourtant ? L’histoire commence vraiment à ce moment-là. Que signifie ce viol ? Et l’enfant qui en naîtra sera-t-il le fils du Dieu Roth ? Est-ce que Marie existe vraiment ? Et curieusement, ce viol débloque Jessie qui redémarre sa thèse…
Voilà
 qui suscite la réflexion et l’amusement du lecteur. Dès lors, on 
suivra, incrédule et cependant intrigué, persuadé que tout cela a un 
sens caché, les aventures de Jessie que je vous laisse découvrir.
Quelques mots sur l’auteur de Moi, Philip Roth.
 Steven Sampson n’est pas Jessie, mais y ressemble. Il est comme lui 
fasciné par Philip Roth. Il travaille actuellement pour la revue En attendant Nadeau après avoir tenu une chronique à La Quinzaine littéraire.
 Il appartient à cette longue liste des intellectuels américains qui, 
depuis 1900, sont venus en France, fascinés par notre culture (hélas, il
 semblerait qu’il y en ait de moins en moins, parce que nous sommes de 
plus en plus américains ou mondialisés, ce qui est la même chose).
Sampson a écrit « Moi, Philip Roth non
 pas en anglais, mais en français, ce qui signifie assez l’amour qu’il 
porte à notre langue qu’il domine parfaitement. Son style est léger, 
caractérisé par un humour toujours sous-jacent. C’est une belle 
expérience que de le lire.
Steven Sampson – Moi, Philip Roth  
Éditions Pierre-Guillaume de Roux 
9782363712585 
18 €
[Source : www.actualitte.com]
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