La loi d’amnistie aura eu raison de l’enquête sur la mort de Federico Garcia Lorca. Le poète, mort fusillé en 1936, faisait l’objet d’un retour judiciaire, impulsé par une juge de Buenos Aires. Maria Servini, travaillant sur la violation des droits de l’Homme, avait rouvert le dossier en août 2016. Brutalement refermé ce 25 octobre.
Écrit par Clément Solym
Que ce soit au cours de la Guerre d’Espagne ou durant la dictature de Franco – périodes allant de 1936 à 1975 – la juge argentine était bien décidée à faire figurer la mort de Garcia Lorca dans cette enquête. Depuis 2010, le dossier était revenu dans les tribunaux, au nom de la compétence universelle : ce concept autorise des pays à enquêter sur des crimes qui se sont déroulés en dehors de leur territoire national.
Double culbute et salto juridique
Pour autant, la Cour nationale espagnole vient de refuser à deux commissions les demandes formulées. La première visait à faire interroger l’ancien ministre Rodolfo Martín Villa, sollicité pour les crimes qui se sont déroulés durant l’époque franquiste. L’autre portait sur le dossier directement lié au meurtre de Federico Garcia Lorca.
Mais le juge d’audience, José de la Mata, a mis un terme définitif aux attentes : invoquant la loi d’amnistie de 1977, établie par la jurisprudence de la Cour suprême, il a fait table rase. Ainsi, les requêtes de la justice argentine se heurtent à une prescription qui les rend irrecevables.
Le cas de Martin Villa remonte à 40 ans, celui de Federico Garcia Lorca à 80 ans. Or, l’Espagne n’a pas ratifié la Convention sur l’imprescribilité des crimes de guerre, remontant à 1968. Le texte international qui permet de dépasser la date du 1er octobre 2004 pour poursuivre des criminels ou rouvrir des enquêtes ne s’applique pas sur le territoire.
Ce sera certainement la dernière tentative, les recours manquent désormais pour faire avancer la procédure.
Des ossements au désir de justice
Une enquête avait déjà été relancée en 2008, aboutissant aux recherches de la tombe et des ossements, que le juge Baltasar Garzon avait portée. Cependant, il s’était heurté à de fortes résistances, et fut contraint d’abandonner la procédure. Garcia Lorca est censé avoir été enterré non loin de la cité de Grenade, mais les fouilles lancées en 2009 n’avaient absolument rien donné.
« Il se trouve tant de corps ici que des pins furent plantés pour qu’ils ne soient pas découverts en cas de pluies trop intenses », avait expliqué le professeur Juan Antonio Lopez Diaz de l’université de Grenade. Des exécutions illégales, arbitraires, l’époque de Franco en a connu son lot.
Une perspective qui avait posé d’autres problèmes, alors que la famille faisait de la résistance. Elle avait invoqué le respect de son droit à ne pas chercher. « Nous défendons ce droit, car il nous semble essentiel que l’on veuille savoir ce qu’il est advenu de la famille, mais nous ne forçons pas les recherches, personne n’a le droit de nous le demander », appuyait la nièce.
L’enquête diligentée par la juge argentine intervenait d’ailleurs dans une période un peu spéciale : l’Espagne célébrait en effet le 80e anniversaire de la mort du poète. Or, sa disparition reste toujours auréolée d’un mystère pesant. Les historiens considèrent aujourd’hui que près d’un demi-million de personnes ont été victimes des crimes survenus durant la guerre d’Espagne.
[Photo : Guillaume Flament, CC BY ND 2.0 - source : www.actualitte.com]
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