quinta-feira, 14 de junho de 2018

Italo Calvino, l'oulipien italien qui fit un pacte avec le diable


Après avoir été l'égal de Kundera, le romancier du "Baron perché" avait disparu des radars. Le voilà retraduit. 

                                                      Italo Calvino (1923-1985), ici en 1978.


Écrit par Didier Jacob

Italo Calvino, vous connaissez ? Il fut proche de l'Oulipo, un Robbe-Grillet italien qui fit, contrairement au théoricien français, un pacte avec le diable. A l'avant-garde, il préféra la fable, et plaça sous le signe de l'imaginaire son livre le plus célèbre, «Si par une nuit d'hiver un voyageur» (1979).
Dans l'art de Calvino, écrivait Roland Barthes, il y a une sensibilité. On pourrait dire aussi une humanité, je dirais presque une bonté, si le mot n'était pas trop lourd à porter: c'est-à-dire qu'il y a, à tout instant, dans les notations, une ironie qui n'est jamais blessante, jamais agressive, une distance, un sourire, une sympathie.»
Dans les années 1980, Calvino est l'égal d'un Kundera, icône indispensable du roman européen. Vingt ans plus tard, il a disparu des radars. Que s'est-il passé? Le mariage du romanesque et de la théorie littéraire est-il passé de mode? Ou le Seuil, son éditeur de référence, a-t-il manqué de pugnacité quant à la promotion de son auteur? C'est le reproche fait par les ayants droit du romancier italien qui ont exfiltré son œuvre chez Gallimard, lequel, du coup, retraduit tout Calvino. D'où la parution, en mode tir groupé, de ces trois romans, publiés dans les années 1950, et qui composent le cycle intitulé «Nos ancêtres».
« Le Baron perché », le plus célèbre de la trilogie, est une fable parodique qui se déroule au XVIIIe siècle. Le jeune Cosimo décide un jour, tandis qu'on sert, à la table du baron, son père, un plat d'escargots, de refuser d'avaler cette horreur: il prend la poudre d'escampette et se réfugie dans un arbre. Sautant de branche en branche, Cosimo découvre que la vie en altitude a plus d'avantages qu'il n'y paraît: il a la tête plus près des étoiles, et peut observer, en toute discrétion, la comédie humaine qui, à ras de terre, suit son cours médiocrement. Mais l'enfant du conte vieillit :
Si la jeunesse passe vite sur terre, pensez donc sur les arbres où tout est destiné à tomber: feuilles, fruits.
L'insaisissable Cosimo est désormais un vieillard tout racorni. Au moins aura-t-il, depuis son arbre, discuté avec Napoléon et agonisé à hauteur de canopée, sur un lit hissé tout là-haut par les soins de son frère. Ainsi disparaît le premier grand résistant de l'Histoire, inventeur de la manif verticale, héros donquichottien et farceur inégalable, qui rappelle Cyrano – non pour le nez, pour le panache.


[Photo: ANDERSEN ULF/SIPA - source :  bibliobs.nouvelobs.com]

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