Dans Gauguin – Voyage de Tahiti, au cinéma ce mois-ci, l’acteur français se glisse dans la peau du peintre postimpressionniste. Ce film d’Édouard Deluc revient sur le premier séjour de Paul Gauguin en Polynésie en 1891. On a discuté avec Vincent Cassel de ce tournage pas comme les autres, entre peinture et océan.
Écrit par Marie Pâris
En ce moment, il fait une pause sans caméra. L’acteur revient d’un tournage en Corée, et plusieurs films dans lesquels il joue vont sortir prochainement (L’Empereur de Paris de Jean-François Richet, Le monde est à toi de Romain Gavras, Underwater de William Eubank…). Avant de commencer une comédie à la rentrée, Vincent Cassel a pris le temps de revenir avec nous sur Gauguin – Voyage de Tahiti, sorti en septembre en Europe. Une sortie qui ne s’est pas faite sans bruit.
Voir: On ne peut pas parler de ce film sans évoquer la polémique qui l’a accompagné. On lui a reproché d’être un peu trop complaisant avec Gauguin, en passant notamment sous silence ses relations sexuelles avec des adolescentes…
Vincent Cassel: Certains ont oublié de remettre les choses dans leur contexte. Et beaucoup d’informations qui ont circulé étaient fausses… On a par exemple dit que Gauguin était syphilitique, alors qu’il ne l’était pas encore lors de son premier voyage.
Le film se concentre sur son époque tahitienne et s’inspire surtout de son récit de voyage Noa Noa. Gauguin a fait comme le font souvent les auteurs qui racontent leur vie: il romance un peu les choses. En adaptant ce livre, on savait qu’on avait déjà dans les mains quelque chose qui n’était pas la réalité à 100%.
Vincent Cassel: Certains ont oublié de remettre les choses dans leur contexte. Et beaucoup d’informations qui ont circulé étaient fausses… On a par exemple dit que Gauguin était syphilitique, alors qu’il ne l’était pas encore lors de son premier voyage.
Le film se concentre sur son époque tahitienne et s’inspire surtout de son récit de voyage Noa Noa. Gauguin a fait comme le font souvent les auteurs qui racontent leur vie: il romance un peu les choses. En adaptant ce livre, on savait qu’on avait déjà dans les mains quelque chose qui n’était pas la réalité à 100%.
Le film n’a pas été fait pour défendre Gauguin, il s’agit juste de lever un peu le voile sur qui était ce mec. Il a quand même un parcours incroyable: avoir confiance toute sa vie en quelque chose alors que tout le monde dit le contraire, au point de tout abandonner et de sacrifier sa famille. C’était presque une mission.
On n’a jamais dit qu’on faisait un film qui montrait la vie d’un saint. Mais de réduire tout ça à l’histoire de pédophilie, je trouve que c’est un peu hors sujet…
Que vous inspire le personnage de Gauguin?
Au-delà du peintre, c’est un homme qui est parti s’expatrier à l’autre bout du monde, à une époque où il était très difficile de prendre un bateau. Quand on va si loin, on ne sait jamais si on en revient. Gauguin a eu la force de tout abandonner parce qu’il savait qu’il avait des choses à réaliser; et même si de son vivant personne ne lui dira jamais, l’histoire nous prouve qu’il avait raison de vouloir aller au bout de ce qu’il sentait.
Noa Noa est un bouquin incroyable, où Gauguin parle de lui, des difficultés qu’il rencontre, de ses craintes. Même s’il enjolive les choses, on voit qu’il est dans une détresse profonde. Il n’a pas toujours eu de quoi manger… Son quotidien n’était pas ce qu’il avait imaginé en partant.
Comment avez-vous travaillé ce personnage pour le film?
J’ai fait de Gauguin quelqu’un d’un peu plus rustre que ce qu’il était dans la vie, je crois. Sans l’avoir planifié, ça s’est passé comme ça sur le plateau. On a d’ailleurs eu à un moment un petit désaccord à ce propos avec le metteur en scène: il voulait en faire un personnage un peu plus dandy. Il voulait me ramener vers quelque chose de plus distingué et je n’y arrivais pas. Mais bon, le dandysme, quand on fabrique des toiles avec de la noix de coco et qu’on court dans la forêt pieds nus…
Vous vous êtes déjà glissé dans la peau de personnages réels (Jacques Mesrine dans L’instinct de mort de Jean-François Richet, Otto Gross dans Une méthode dangereuse de David Cronenberg…), mais Gauguin est votre premier rôle d’artiste.
J’avais l’impression que ça manquait un peu à ma panoplie! Quand l’occasion de faire quelque chose de cet acabit s’est présentée, j’y suis allé.
J’ai fait beaucoup de lectures, et on m’a expliqué sa peinture parce que je n’y connaissais rien. J’ai appris en quoi il avait révolutionné quelque chose, comment il peignait à ce moment, etc. En fait, ce qui m’a vraiment aidé, c’est de peindre: devenir peintre pendant un moment m’a permis d’avoir l’air un peu crédible quand je peins dans le film.
Je ne peins plus aujourd’hui. Mais ce film a changé mon regard sur la peinture et sur l’art en général. J’ai compris des choses, je ne regarde plus une œuvre de la même manière. Ce qu’un personnage vous fait découvrir sur vous-même à chaque fois, on s’en rend compte un peu après…
Quelle a été votre expérience de Tahiti pendant les deux mois de tournage?
Très différente des tournages que j’ai pu faire ailleurs! On faisait le maquillage sous des huttes, ou carrément à l’air libre. On travaillait avec des locaux. Ça ne me dérange pas de jouer avec des gens qui ne sont pas forcément acteurs à la base; parfois certaines choses prennent plus de temps, mais sinon c’était vraiment sympa.
Pour les paysages, j’avais tout le temps l’impression d’être dans Avatar ! On allait beaucoup dans la mer, dès qu’on avait cinq minutes de libres… À Tahiti, tout se passe dans l’eau, tout a un rapport à l’océan. Et le surf, la plongée ou la pêche deviennent une aventure complètement dingue là-bas.
Je ne savais pas très bien à quoi m’attendre avant d’y aller, mais finalement, tout ce qu’on m’avait dit est vrai: c’est magnifique, les gens sont très accueillants, on a envie d’y rester… C’était l’occasion d’être longtemps dans un endroit magique, et ça, je sais pas si ça arrivera de nouveau. Mais c’est sûr que je vais y retourner. J’ai gardé des contacts là-bas. En attendant, il me reste le souvenir d’un tournage unique.
Le film montre aussi l’île avec ses sables noirs, ses ciels orageux… A-t-on une image trop clichée de Tahiti?
Tahiti n’est pas que bleue. Il y a aussi un côté un peu mélancolique et dramatique dans la lumière. C’était un parti pris depuis le début de montrer l’île comme ça, autrement que comme dans un dépliant touristique.
Sur place, il y a aussi eu des protestations contre le film à votre arrivée…
Oui, il y a des gens qui n’aimaient pas Gauguin et qui ne voulaient pas qu’on fasse un film sur lui. Le rapport de Tahiti avec Gauguin est particulier: il a pété des plombs à certains moments, et c’est devenu une histoire très sulfureuse. À la fin de sa vie, il est devenu complètement nihiliste, il rampait dans la fange… Mais il n’a pas été que ça là-bas. En même temps, les Tahitiens se rendent bien compte qu’ils sont indissociables de Gauguin. Il a tellement représenté l’île! Il y a toute une imagerie de Tahiti qui est retranscrite à travers le monde grâce à ses tableaux.
Il y a aussi des gens sur place qui le reconnaissent pour ce qu’il est. Et il n’a pas laissé que des mauvais souvenirs! Contrairement à ce qu’on a pu lui reprocher, par exemple de se comporter comme un colon, il n’avait parfois pas de quoi manger, car justement il n’était pas venu à Tahiti pour faire du business. Il a fui toute la petite France et ses notables qui se trouvaient là. Il avait besoin de trouver quelque chose de plus profond que ça, ce que devait être l’île avant l’arrivée de tous ces gens. Certains le voient un peu comme un touriste qui essayait de profiter, mais ce n’est pas du tout ça! C’est un mec qui était venu se perdre. Il avait un amour profond pour ce qui l’entourait, ce qu’il découvrait à Tahiti. Il fait d’ailleurs partie des gens qui l’ont le mieux retranscrit.
Comment a évolué le film au fil du temps, depuis l’idée qu’en avait initialement Édouard Deluc?
Dans les premières versions, il y avait plus de voix off, de dialogues aussi… On a enlevé beaucoup de mots au fur et à mesure du film, et ça j’en suis assez content. Le film est plutôt mutique et je trouve que ça lui va bien. Gauguin est la plupart du temps seul ou avec des gens dont il ne parle pas bien la langue, donc il fallait que ça se passe par autre chose que des mots. On a épuré beaucoup le film pour en faire quelque chose d’assez contemplatif: c’est un espèce de western, sur un mec qui se perd dans la nature.
On s’est aussi rapproché du personnage par rapport aux premières versions. Raconter l’histoire d’un peintre, on s’en fout un peu – l’homme devant les affres de la création, c’est chiant à regarder. Mais le rapport impossible avec cette jeune fille qu’il épouse alors qu’il est déjà marié, qui devient sa muse; le moment où il se rend compte qu’il est vieillissant et perd ses moyens, qu’il réalise qu’il est complètement contre nature en étant ici alors qu’il prétendait vouloir être un sauvage; le fait qu’il soit refusé malgré lui… C’est en cristallisant autour de tout ça que le film devient intéressant.
Gauguin – Voyage de Tahiti
Sortie le 25 mai
[Source : www.voir.ca]
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