segunda-feira, 7 de maio de 2018

Ne cherchez plus: le paradis des végétaliens, c'est Varsovie

En 2017, la capitale polonaise est devenue la troisième ville la plus «vegan-friendly» du monde, selon le site Happy Cow. Une vraie petite révolution alimentaire.

Place du marché de la vieille ville de Varsovie

Écrit par Hélène Bienvenu 

C’est en plein fief des hipsters varsoviens, à deux pas de Plac Zbawiciela que le restaurant végétalien Wegeguru a ouvert ses portes l’an dernier. 

À treize heures, toutes les tables sont prises d’assaut. Des enfants crayonnent sous l’œil attentif de leurs mamies. Un peu plus loin, des employés de bureau en costard côtoient les «nomades digitaux» accros à leur ordi –sans oublier les toutous qui mordent allégrement dans leurs croquettes végétales. 

«On sera bientôt trop à l’étroit!», glisse Hanna Halek, responsable de la communication de cette cafétéria accueillante, à l'esthétique zen très «nature». Wegeguru et ses quarante employés servent jusqu’à 200 repas quotidiens bio, sans gluten, ni glucose. «Nos aliments sont certifiés “vegan” par V-Label –un label que nous sommes les seuls à posséder à Varsovie avec les collègues de Beirut, un restaurant moyen-oriental à proximité»,s’enorgueillit-elle. 

L’établissement offre des réductions pour le cinéma voisin, dispose d’un purificateur d’air naturel et même de panneaux solaires. Quant au menu, il s’inspire largement du continent asiatique: curry à la mangue, bouillon sukiyaki japonais ou phö vietnamien, sans oublier un menu enfant. 

«On a beaucoup de clients qui mangent ici midi et soir, précise Hanna Halek. Wegeguru est plus qu’un établissement où s’alimenter sainement: c’est un lieu de rencontres. On organise des concerts, des débats sur la cause animale, des ateliers de cuisine…» 

Plus végane que New York 

L’été dernier, la bible des végétaliens, Happy Cow, publiait son classement mondial des villes les plus véganes. Et catapultait Varsovie en troisième place du podium, aux côtés de Berlin et Los Angeles, quitte à court-circuiter New York ou Tel-Aviv. 




La raison est simple: la capitale polonaise compte une quarantaine de restaurants entièrement végétaliens, et même deux épiceries idoines. La croissance est exponentielle. Ramens, sushis, houmous, falafel, burger, mais encore kebab, pizza, burritos ou grands classiques polonais revisités (pierogi, viande panée…): les enseignes rivalisent de créativité en centre-ville pour attirer le chaland, à moins de cinq euros le déjeuner. Dernière nouveauté? Un «Canabistro» où dévorer des spécialités… chanvrées. 

La tendance ravit Lucas Skurczyński, 35 ans, végétalien depuis plusieurs mois. «Je suis allé à Nice, il y a peu. Je me suis rendu compte que les restos vegan se comptent sur les doigts d’une main, là-bas. Il étaient tous de type falafels ou burgers, et vraiment chers. On est bien mieux lotis à Varsovie!» 

Conscience environnementale et alimentaire de plus en plus aigüe ou respect du bien-être animal, 7% des Polonais se déclaraient végétaliens en 2017 –un chiffre qui monte à 11% chez les 25-34 ans, selon une étude de la société d'analyse Mintel. «Je suis devenu vegan pour le côté éthique-écologique: l’effet de serre, la consommation d’eau des abattoirs, le soja produit pour nourrir les bêtes. Et puis la hiérarchie entre l’homme et animal me semble archaïque», confirme Lucas Skurczyński. 

Les produits de substitution ont aussi fait une entrée fracassante dans les rayons des supermarchés polonais. À Biedronka, le champion du hard discount local, on trouve houmous, tofu ou barquette de luzerne germées à un euro la pièce. De quoi démocratiser un peu plus le mouvement. 

«Au début des années 1990, il y a eu les Hare Krishna; je pense que l'on assiste à une deuxième vague de véganisme. Dans mon entourage, je découvre de plus en plus d’adeptes. Même ma mère nous a servi un plat végétalien lors d'un repas familial, l’autre soir. Elle en avait assez de devoir cuisiner rien que pour moi et ma femme!», analyse le Polonais. Best-seller végétalien. 

Cette petite révolution alimentaire se traduit aussi en librairie. C'est un livre de recettes végétaliennes, Nowa Jadłonomia, qui caracole aujourd’hui en tête des best-sellers culinaires en Pologne, avec plus de 100.000 exemplaires écoulés en six mois. 

À 27 ans, Marta Dymek a été la première surprise par une telle ovation: «Quand j'ai lancé mon blog, personne autour de moi n’y voyait d’intérêt.» Six ans plus tard, la blogueuse engrange un million de visites mensuelles et signe son deuxième ouvrage de cuisine. «Enfant, je n’aimais pas la viande. En Pologne, à l’époque, ça inquiétait forcément. À l’adolescence, je suis devenue végétarienne. Face à ma mère qui ne savait pas comment m’alimenter, j’ai dû apprendre à cuisiner moi-même. Puis je suis devenue végétalienne, par défi créatif. Ajouter des œufs, du fromage ou du beurre pour donner du goût, je trouvais ça un peu trop facile!» 

Hot-dogs végétariens à Varsovie, repérés par Marta Dymek


Depuis, Marta Dymek enchaîne ateliers de cuisine aux quatre coins du pays et plateaux de télévision pour une chaîne privée polonaise. «Je ne voulais pas être cette végétalienne qui essaie de convertir tout le monde. En revanche, je suis persuadée que loin d'être élitiste, la cuisine végétalienne peut-être égalitaire!» 

Son but? Montrer aux Polonais qu’on peut cuisiner végan, local et saisonnier pour pas cher. «Qui a besoin de lait de coco ou de tofu, quand on a, comme en Pologne, quatre saisons agricoles très marquées par an et des produits phare comme les haricots, les pois, le millet, le sarrasin?, argumente la chef. On a encore la chance que l'agriculture polonaise soit restée paysanne –du moins dans une certaine mesure. Ici, les gens cultivent souvent un petit lopin à la campagne.» 

Traditions populaires véganes 

L’experte voit encore plusieurs facteurs à l’explosion subite du véganisme polonais. Si le répertoire culinaire populaire semble regorger de viande, il suffit de remonter quelques décennies en arrière pour découvrir une «cuisine polonaise d'avant-guerre ou même d'entre-deux guerres très peu carnée. Il existait à l’époque plein de recettes à base de haricots ou de champignons». 

À cela s'ajoute le facteur religieux. Profondément catholiques, les Polonais bannissaient la viande lors des périodes de jeûne et de privation –soit une bonne partie de l'année. Même pendant les longues années communistes, la viande était rationnée. 

De quoi expliquer sans doute un retour de balancier, à la chute du Mur. «Beaucoup de légumes ont même disparu des étalages, remplacés par la viande», constate la blogueuse. Puis arrivent les années 2010, et avec elles un certain point de saturation, propice au changement: «Je pense que la cuisine polonaise était vraiment trop riche en viande. Les Polonais sont ouverts au monde et aux influences culinaires, friands de nouveautés. Pendant longtemps, la cuisine n’était pas en Pologne un élément aussi important de notre identité qu'en France. Mais la situation semble changer», avance la Varsovienne. 

Une chose est sûre: le phénomène dépasse largement l'effet de mode. Loin de se circonscrire à la capitale, il touche grandes et petites villes de province, à l’image de Cracovie, Wrocław, Poznań ou même Zielonia Góra.


[Photo : UggBoy♥UggGirl via Flickr CC License by - source : www.slate.fr]

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