François Fillon s’exprime devant le CRIF le 13 mars 2017. |
Écrit par Gauthier Vaillant
François Fillon a envoyé un message à la communauté juive, lundi 13 mars, en affirmant que la lutte contre l’antisémitisme n’était « pas suffisante », lors d’une conférence organisée par les amis du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
Lors des deux dernières élections présidentielles, la personnalité de Nicolas Sarkozy avait emporté les suffrages d’une large part des électeurs juifs. François Fillon en bénéficiera-t-il en avril prochain ?
Comme il n’y a pas de « vote catholique » en France, au sens d’un vote quasi unanime des électeurs de confession catholique, il n’y a pas non plus de « vote juif ». En revanche, au sein de cette communauté (moins de 1 % de la population et environ 260 000 électeurs en 2014, selon l’Ifop), des tendances très nettes existent.
« Sur le long terme, on observe un glissement à droite très prononcé autour de la personnalité de Nicolas Sarkozy », indique Jérôme Fourquet, directeur du département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop.
Dès l’élection présidentielle de 2002, la droite avait les faveurs d’une large partie des électeurs juifs, dont beaucoup observent avec attention la position des candidats sur la question israélo-palestinienne. C’est le candidat Alain Madelin, du parti Démocratie Libérale, qui était alors arrivé en tête dans cet électorat – devant Lionel Jospin et Jacques Chirac. Avec 21,5 % des voix contre 3,9 % dans l’ensemble de la population, c’était alors un score spectaculaire que l’Ifop expliquait éventuellement, dans une note de 2014, par la « défense constante et revendiquée d’Israël et des USA » pratiquée par Alain Madelin. Du reste, en additionnant les voix d’Alain Madelin, Jacques Chirac et François Bayrou, la droite et le centre-droit recevaient les voix de plus de 45 % des électeurs juifs.
45 %, c’est le score que réalisera par la suite, à lui seul, Nicolas Sarkozy, auprès de cet électorat, lors des élections présidentielles de 2007 et 2012. Un lien privilégié entre l’ancien président de la République et une partie des électeurs juifs de France, que Jérôme Fourquet explique par une « demande de protection », dans un contexte de hausse des « délinquances antisémites du quotidien ».
Un sentiment qui s’est évidemment trouvé renforcé après les attentats de Charlie Hebdo et de l’HyperCacher, en janvier 2015. Jérôme Fourquet relève d’ailleurs que, lors de la primaire de la droite remportée par François Fillon, Nicolas Sarkozy avait encore rencontré un grand succès dans l’électorat juif. « Les deux bureaux de votes dans lesquels il réalise ses meilleurs scores sont situés au cœur du quartier juif, dans le XIXe arrondissement de Paris », cite-t-il par exemple.
Pour l’élection présidentielle de 2017, on ne peut encore formuler que des hypothèses concernant le vote des électeurs juifs. Nicolas Sarkozy ayant échoué à la primaire, la question se pose de savoir si François Fillon bénéficiera des voix juives qui se seraient portées sur l’ancien président de la République. D’autant que l’ancien premier ministre, lui, met en avant sa foi chrétienne.
Les premières tendances observées par les sondeurs, selon Jérôme Fourquet, sembleraient toutefois prévoir un score important du candidat des Républicains chez les électeurs juifs. D’autant plus qu’à gauche, le candidat socialiste Benoît Hamon a plutôt l’image d’un « ami » des musulmans, ayant même été accusé par certains de ses adversaires de complaisance à l’égard du communautarisme. « Si Manuel Valls avait gagné la primaire, on aurait pu imaginer qu’une part significative de l’électorat juif aurait pu le soutenir, car c’est lui qui, après les attentats, avait donné des gages très forts de sécurité et de protection des juifs par la République », souligne Jérôme Fourquet.
Quant à Emmanuel Macron, son image au sein de cet électorat demeure pour l’heure une inconnue, même si ses propos sur la colonisation, lors de son déplacement en Algérie au mois de février, risquent de lui avoir aliéné une partie de la communauté juive de France d’origine pied-noir.
Enfin, Jérôme Fourquet considère qu’un « verrou » existe encore entre l’électorat juif et le Front national. Ainsi, même si le score de Marine Le Pen en 2012 avait significativement augmenté par rapport à celui de son père en 2007, le responsable de l’Ifop ne croit pas que cette percée s’accentuera davantage en avril prochain.
[Photo : Christophe Archambault/AFP - source: www.la-croix.com]
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