domingo, 26 de março de 2017

Catalogne: la condamnation d'Artur Mas ou les limites de la stratégie de Madrid


L'ancien président catalan a été condamné à deux ans d'inéligibilité pour l'organisation d'une consultation sur l'indépendance en 2014. Une décision qui montre les limites de la stratégie de Madrid.


Écrit par ROMARIC GODIN


C'est une escalade de plus dans le bras de fer qui oppose depuis 2010 la Catalogne à l'Espagne. Ce lundi 13 mars, le Tribunal supérieur de Justice de Catalogne (TSJC) a condamné Artur Mas, l'ancien président du gouvernement catalan, la «Generalitat», à deux ans d'inéligibilité et 36.500 euros d'amende. La justice espagnole lui reproche d'avoir soutenu l'organisation d'une consultation, le 9 novembre 2014, sur l'indépendance de la Catalogne.

Cette consultation s'était déroulée dans le calme et, malgré son résultat (80 % des votants en faveur de l'indépendance) n'avait pas donné lieu à des décisions impliquant la sécession de la part du gouvernement Mas. Mais le Tribunal constitutionnel (TC) espagnol avait interdit cette consultation qui s'opposait à l'unité de la nation espagnole et, partant, à la Constitution. Il avait donc interdit sa tenue a priori. A l'époque, Artur Mas, qui espérait initialement organiser un vrai référendum, s'était contenté d'une «consultation» informelle et symbolique qui n'avait eu qu'un soutien logistique de la Generalitat. Mais le TSJC a jugé que la tenue de la consultation était elle-même un acte de «désobéissance». 
 
Huile sur le feu
 
Certes, le Tribunal s'est montré relativement clément : le procureur réclamait 10 ans d'inéligibilité. Compte tenu de la situation en Catalogne, les juges ont dû arbitrer entre leur volonté d'envoyer un signe concernant le respect des décisions du TC et sa volonté de ne pas jeter de l'huile sur le feu. Cette dernière ambition semble, cependant, ratée. La condamnation d'Artur Mas apparaît en effet pour les Indépendantistes catalans, comme la condamnation de la possibilité de s'exprimer par les urnes. Le président actuel de la Generalitat, Carles Puigdemont, a ainsi déclaré que «l'on ne commet pas de crime en demandant l'avis des gens». Et d'ajouter que «ceux qui ont voté [ils étaient plus de deux millions, ndlr] se sont sentis condamnés».

Détermination du gouvernement catalan
 
En réalité, il en va concernant la condamnation d'Artur Mas comme des autres mesures judiciaires prises par l'État espagnol contre les Indépendantistes : loin de décourager ces derniers, elles les déterminent à considérer qu'aucune négociation n'est possible avec Madrid et que le divorce est la seule option. Carles Puigdemont n'est donc nullement impressionné par la condamnation de son prédécesseur. «Cette décision ne change rien, sinon que nous sommes plus déterminés que jamais», a indiqué le président de la Generalitat. Le gouvernement catalan a donc répété sa détermination à tenir un référendum sur l'indépendance avant la fin septembre, alors même que ce scrutin a été d'ores et déjà interdit par le TC. La désobéissance des Indépendantistes catalans ne sera donc pas freinée par la condamnation d'Artur Mas.
 
Quelle réaction de la gauche non indépendantiste?
 
L'élément important est de savoir comment va réagir la gauche non indépendantiste, regroupée autour de Podemos et de la maire de Barcelone Ada Colau. Ce groupe, arrivé en tête aux élections générales espagnoles de 2015 et 2016 en Catalogne, est décisif pour le succès du référendum. S'il accepte d'y participer, sa légitimité dépassera le seul cercle indépendantiste et s'imposera. Or, si ce groupe condamne le verdict du TSJC, il accepte de facto l'idée que l'on puisse désobéir au TC et, ainsi, l'idée de l'unilatéralité, y compris pour appeler à voter «non» à l'indépendance. Et c'est ce scénario que la décision de ce lundi pourrait bien déclencher. Pablo Iglesias, le leader de Podemos, peu connu pour être favorable aux Indépendantistes, a ainsi, jugé cette condamnation d'Artur Mas de «honte».
 
Impasse de la stratégie de Madrid
 
La stratégie judiciaire des Unionistes vise à montrer aux personnes tentées par l'indépendance que cette voie est une impasse qui mène à des condamnations judiciaires et à des situations de blocage. L'idée est de forcer les Indépendantistes à choisir entre l'état de droit espagnol et leurs convictions. Mais cette stratégie semble de plus en plus limitée : les Indépendantistes apparaissent en effet déterminés à aller jusqu'au bout sans se laisser impressionnés par la «guérilla judiciaire». Dès lors, la responsabilité s'inverse et Madrid doit décider soit de laisser faire le référendum unilatéral et donc de prendre le risque d'une sécession «légitimée» par les urnes, soit d'empêcher ce vote, mais en ayant recours à l'état d'exception, avec tous les dangers qu'un tel chemin suppose.
 
L'heure du choix approche
 
Dans le combat à distance entre Barcelone et Madrid, le gouvernement espagnol doit donc faire face à un choix délicat puisque les condamnations n'ont pas leur fonction dissuasive. La stratégie de la détermination menée par Carles Puigdemont semble donc avoir été plus efficace, jusqu'ici, puisqu'elle a conduit à ce choix impossible de l'Espagne. Reste à savoir ce que sera effectivement ce choix, alors que le gouvernement Rajoy a toujours pensé que les Catalans bluffaient. Exercera-t-il l'article 155 qui prévoit la suspension de fait de l'autonomie ou instaurera-t-il l'État d'urgence? Ce serait prendre le risque de victimiser encore davantage les Indépendantistes. Ne fera-t-il rien? Mais alors, le référendum sera de facto valable car toléré, malgré la décision du TC. L'heure du choix approche, en tout cas...


[Photo :  Albert Gea / Reuters - source : www.latribune.fr]

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