quarta-feira, 8 de fevereiro de 2017

La Chine, cet objet viticole non identifié

Une spécialiste chinoise participant à un concours de dégustation, en 2015 à Chateauneuf-du-Pape. Boris Horvat/AFP


Écrit par Sebastien Bourdin
Enseignant-chercheur en géographie-économie, Institut du développement territorial (IDéT) - Institut du développement territorial (IDéT) – Laboratoire Métis - EM Normandie, École de Management de Normandie  

Fin janvier, Golden Field, le géant de l’agroalimentaire chinois, rachetait le Château Bel-Air, cru classé du Médoc. La Chine n’en est pas à son coup d’essai : entre 1997 et 2014, ses investisseurs ont acquis pas loin d’une centaine de propriétés en Gironde. Caprice de milliardaire ou appât du gain ?
On imagine bien que la renommée mondiale des vins de Bordeaux aura donné à ces riches investisseurs l’envie de posséder leurs propres parcelles d’or rouge ; il existe cependant derrière ces acquisitions une vraie logique économique.
On peut évoquer à ce propos Cellar Privilege, une société de négoce créée par le magnat de l’immobilier Huang Youlong et le fondateur du géant Alibaba, Jack Ma, déjà propriétaire de plusieurs vignobles dans l’Hexagone. Basée à Saint-Émilion, Cellar Privilege exporte vers la Chine de grands crus produits dans le Bordelais.

Une production viticole en nette hausse

Mais le pays n’est pas qu’un importateur de vins, et la viticulture se pratique sur le sol chinois depuis environ 3 000 ans. C’est sous la dynastie des Han que l’on a planté les premiers pieds, principalement dans les régions situées au sud de Pékin. Dans ces provinces méridionales, le climat ensoleillé et les sols sablo-argileux riches en minéraux sont particulièrement favorables à la culture de la vigne.
Les principales régions viticoles de Chine. Pancrat/WikipediaCC BY-SA
Ces vingt dernières années, une production viticole à grande échelle s’est déployée dans le pays, faisant passer la France au troisième rang mondial pour la taille des vignobles, derrière la Chine donc et l’Espagne.
Cette hausse très significative de la culture et de la production s’explique, entre autres, par le soutien de l’État central qui encourage depuis 1996 la consommation de vin plutôt que celle d’autres boissons alcoolisées à base de céréales, telles que la bière ou les baijiu (eaux de vie).

Hong Kong, plaque tournante du vin

Le vin est cependant loin de s’être banalisé et reste un produit consommé occasionnellement, surtout lors des grandes fêtes (Nouvel An fin janvier, Fête du travail, le 1er mai ou Fête nationale, le 1er octobre) et s’adressant à une population plutôt aisée.
On le consomme essentiellement dans les milieux urbains et plus particulièrement à Hong Kong, véritable plaque tournante du marché viticole asiatique. La « région administrative spéciale de la République populaire de Chine » s’est en effet positionnée comme importatrice de vins occidentaux qu’elle distribue ensuite aux fortunes asiatiques, très friandes de bonnes bouteilles qu’elles entreposent dans leurs caves, symbole de réussite sociale.
Si Hong Kong est devenue une place majeure du vin, centre mondial des ventes de grands crus aux enchères, c’est aussi qu’en 2008 elle a supprimé les taxes sur les alcools. Porte d’entrée du vin en Chine et en Asie, Hong Kong a accueilli l’an passé le prestigieux salon Vinexpo, évènement phare des professionnels des vins et spiritueux.
La Fête du vin et de la gastronomie qui se tient chaque année fin octobre à Hong Kong attire des milliers de visiteurs. Discover Hong Kong

En attendant les classes moyennes

Premier pays au monde au regard du nombre de bouteilles consommées, la Chine reste encore dans le bas du tableau au niveau de la consommation par habitant : les Chinois ne boivent en moyenne qu’un litre de vin par an et par habitant… contre 44 litres pour les Français !
Néanmoins, avec un marché potentiel s’appuyant sur une classe moyenne estimée à 220 millions d’individus en 2020 et une population d’étrangers et d’expatriés en augmentation, le vin ne devrait pas manquer de se faire une place sur les tables chinoises.
Avec 29 % d’augmentation pour la consommation de vin entre 2009 et aujourd’hui, les changements sont très rapides. Et à côté des régions traditionnellement viticoles (comme celles du Hebei, du Xinjiang ou encore du Shandong), d’autres se construisent petit à petit une économie autour du raisin. C’est le cas de la province du Ningxia, qui y voit une opportunité d’attirer des investisseurs et de se développer économiquement.

La qualité, un vin(gt) sur vin(gt) ?

Si par le passé, la pratique de la fabrication du vin consistait essentiellement à mélanger raisins crus à du vin en vrac importé, les Chinois cherchent désormais à satisfaire une clientèle toujours plus exigeante.
On passe tout doucement d’une production de masse et de faible qualité à une haute technicité. Les procédés de fabrication se sont largement améliorés grâce notamment aux échanges avec des œnologues français. On compte aujourd’hui de nombreux vins d’excellente qualité concurrençant les grands vins de Bordeaux.
Le vin Dynasty.
On pourra citer à titre d’exemple le vin Dynasty, issu d’une coopération sino-française. Élevé dans le sud de Pékin, ses bouteilles s’écoulent à près de 70 € le litre.
Autre exemple : les vins de la péninsule de Penglai, dans la province du Shandong. Principal lieu d’implantation des entreprises viticoles du pays, cette zone a été choisie par le domaine Barons de Rothschild pour y implanter 15 hectares de vignes ; l’objectif est d’y élaborer un produit haut de gamme qui pourrait s’écouler à 120 000 bouteilles par an.
Ici, le terroir est particulièrement bien adapté aux cépages traditionnels du bordelais. Avec une pluviométrie et un ensoleillement équivalent à ceux de Bordeaux, et des sols argilo-calcaire dotés pentes bien drainées, il y est facile d’y cultiver du Cabernet Franc, du Cabernet Sauvignon ou encore du Merlot.
On se souviendra qu’en 2011 lors d’un concours d’œnologie à Pékin, le jury, composé notamment de spécialistes français, avait évalué à l’aveugle des vins du monde entier et attribué les meilleures notes à des bouteilles « made in China ».

Un concurrent à prendre au sérieux

Après avoir importé en masse des vins européens – dont l’industrie viticole chinoise dénonce aujourd’hui le système de subventions européennes –, la Chine s’est mise en ordre de bataille et compte bien s’imposer sur ce marché pour concurrencer, à l’instar des vins du Nouveau Monde, les crus de l’Hexagone.
Dans ce contexte, les viticulteurs français ont tout intérêt à proposer des vins d’excellente qualité s’ils veulent assurer leurs exportations vers l’Empire du Milieu, devenu comme le soulignent des chiffres tout récents le premier client des vins français AOP.

[Source : www.theconversation.com]

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