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L’année 1936 fut celle des congés payés. Plus subrepticement, elle fut aussi celle du "Bon Usage" de Maurice Grevisse (Rulles, 1895 - La Louvière, 1980). D’abord instituteur puis professeur de français, il poursuivit enfin des études à l’Université de Liège et devint docteur en philosophie et lettres. Il ne se prétendra jamais linguiste, mais grammairien. La première édition de son ouvrage de référence sera rapidement épuisée, non tant comme manuel scolaire que comme outil de consultation pour des gens soucieux de leur langue.
Dans un article paru plus tard dans le supplément littéraire du "Figaro", un vibrant éloge d’André Gide, relayé ensuite par des revues spécialisées, encouragera la destinée internationale du "Bon Usage". Dans les années 1970, une émission exceptionnelle d’"Apostrophes", animée par Bernard Pivot, assoira encore davantage l’impressionnante renommée du manuel à travers la francophonie. Peu avant la disparition de son auteur en 1980.
Passage de témoin
L’on en était alors déjà à la 11e édition du "Bon Usage". Mais l’aventure était loin de s’arrêter là. Maurice Grevisse avait choisi pour dauphin son gendre, l’excellent André Goosse (Liège, 1926, UCL), homme comme lui d’une grande humanité, d’une belle humilité et d’un vif humour. Il prolongea fidèlement l’œuvre du maître, dont les plus compétents amateurs de langue française devaient convenir qu’elle était bien la meilleure grammaire française.
Tandis qu’on salue aujourd’hui la 16e édition, force est de voir que la grammaire s’est sensiblement enrichie, et qu’elle a pris du poids et du volume comme les hommes bien portants ! André Goosse, en effet, assure la pérennité du "Bon Usage" avec toujours plus de rigueur. Il s’est employé à regrouper tous les faits grammaticaux éparpillés. Il a consacré à la langue orale une place accrue. Il a largement étendu le "Bon Usage" aux spécificités prélevées au Canada ou en Suisse notamment, mais aussi les régionalismes de France, souvent ignorés ou négligés par les spécialistes français eux-mêmes. Comme quoi la vocation de la grammaire belge ne consistait pas seulement à décrire les régularités et les écarts du français de Paris.
Un éditeur français
Edité à l’origine par l’imprimeur belge Jules Duculot, dont André Goosse rend hommage à la clairvoyance, "Le Bon Usage" a aujourd’hui un nouvel éditeur français, puisque les Editions De Boeck ont changé de mains. "On doit se réjouir de cette reconnaissance explicite", insiste l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Qui, dans sa note préliminaire à la présente édition, rappelle opportunément que le but que s’est assigné l’ouvrage depuis ses débuts n’est pas de décréter, juger ou condamner, mais d’observer, décrire et expliquer le français vivant. Montrer, par l’observation de l’usage réel, combien sont précaires ou arbitraires, ou encore simplistes et même vains, beaucoup de jugements qui tenteraient de substituer des diktats péremptoires à d’autres, issus de la tradition puriste.
Aussi en version électronique
Il faut, au passage se féliciter qu’outre la collaboration intelligente et généreuse de Jacques Pinpin et la patience affectueuse de son épouse France Bastia, André Goosse peut également compter sur le soutien d’innombrables correspondants qui lui font part quotidiennement de leurs questions, objections et suggestions. C’est dire qu’un tel travail de bénédictin ne se conçoit pas sans un immense réseau d’informateurs.
S’il en coûte 89 € pour l’acquisition de l’édition papier, un monumental volume de 1 750 pages, la version électronique, elle, s’élève seulement à 36 €. Cela ne nous paraît point excessif, s’agissant de maîtriser au mieux une langue toujours vivante et, serions-nous tenté d’ajouter, parfois flottante de par ses nombreuses importations exogènes (langues étrangères, Internet, etc.), que le Pr Goosse accueille avec une large tolérance et un inaltérable optimisme. En librairie dès ce mercredi.
[Source : www.lalibre.be]
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