Le genre est aujourd'hui très prisé des sites d'information en ligne. Mais raconter au monde une histoire éprouvante a parfois un prix.
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«So long see you tomorrow» via Flickr, License CC |
Il y a quelques mois, Natasha Chenier proposait un article à Jezebel narrant la relation qu'elle a entretenue avec son père. Elle racontait comment elle avait rencontré pour la première fois son père biologique à 19 ans et comment, progressivement, elle avait été submergée par des envies sexuelles à son égard. Elle racontait comment la honte et le dégoût l'avaient tellement foutue en l'air qu'après leur second rapport oral, elle s'était précipitée aux toilettes, prise de spasmes vomitifs.
«Pendant tout ce temps, il est resté allongé sur le lit, l'air froid et distant, écrit-elle, à me cracher des formules vides censées me rassurer, du style “tout ira bien”.»
Pour Natasha, écrire ce texte aura été «terrifiant». Mais dans un sens, aussi, inévitable. Âgée aujourd'hui de 27 ans, Chenier a toujours méticuleusement consigné sa vie dans un journal et lit Jezebel depuis des années. «Cette histoire, j'ai toujours voulu la raconter, explique-t-elle, et un jour, j'ai eu l'impression que le monde était enfin prêt à l'entendre.»
«Construire sa carrière autour de ce texte»
Jia Tolentino, responsable chez Jezebel des contributions externes, a longuement étudié le manuscrit de Chenier. Le succès était assuré. Le texte comportait des détails aussi explicites qu'atroces, tout en gardant une ligne narrative relativement sèche et objective. Il allait étancher cette soif inépuisable que ressent internet pour les récits intimes et difficiles. Mais Tolentino préfère d'abord expliquer à Chenier quels risques il y a à publier ce texte:
«Comme elle débutait dans l'écriture, je voulais simplement m'assurer qu'elle était prête, par exemple, à que cette histoire revienne éternellement dans Google lors d'une recherche sur son nom.»
Tolentino lui propose donc de signer son texte d'un pseudonyme. Mais Chenier avait visiblement conscience de ce qui l'attendait. «Elle voulait vraiment construire sa carrière d'écrivain autour de ce texte», assure Tolentino.
Quand Jezebel publie l'article, sous le titre «Mon père, de l'amour à la haine», le site l'illustre avec un lit rouge intercalé entre «J'» et «papa». Comme prévu, il affole les compteurs.
Un raz-de-marée sans précédent
La première personne est depuis longtemps la perspective naturelle d'internet. Dès qu'il y a eu des blogueurs, il y a eu des jeunes gens grattant leur vie intime pour que ses lambeaux les plus crus se transforment en textes. Mais le raz-de-marée de témoignages personnels que nous connaissons aujourd'hui est sans précédent. L'essor de la réaction à chaud, qu'un goût si décrié pour l'instantanéité pousse constamment dans l'actualité, fait que les rédactions sont perpétuellement à la recherche d'auteurs avec un quelconque début d’expertise pour les propulser en tête de gondole et surplomber le reste de la nuée.
Pour les rédactions, un témoignage à la première personne est le moyen le plus facile de s'arroger un petit avantage concurrentiel et se targuer d'une expertise de terrain sans avoir à payer pour un véritable travail de reporter. Le témoignage à la première personne est aussi devenu le moyen le plus facile de s'attirer l'attention d'un internet de plus en plus volatile, avec une barre de la provocation placée de plus en plus haut. Et pour des écrivains cherchant à percer, mettre en mots un fragment sordide de leur vie est une relative garantie de voir leurs propositions de piges lues par les rédactions.
Le pire de l'humain
Cela fait maintenant sept ans que l'ancienne rédactrice en chef de Gawker, Emily Gould, s'est couchée sur un lit défait en couverture du New York Times Magazine, image qui marque sans doute l'arrivée du concept de confession numérique dans l'imaginaire populaire. Depuis, cette appétence pour le récit intime a été totalement codifiée. Chaque site semble posséder sa ligne témoignage et le responsable éditorial qui va avec. Disparues les vieilles arguties existentielles quant aux périls du «déballage» et autres inondations narcissiques. Les pionniers du genre comme Gawker, Jezebel, xoJane ou Salon se tirent désormais la bourre aux côtés de BuzzFeed, du Washington Post et de Vox. Rookie et le Guardian ont aussi leurs rubriques dédiées.
Après un safari dans ces rubriques, l'impression générale qui en ressort –en plus du désespoir ressenti face au pire de l'humain qui s'y exhibe– est celle de titres se mélangeant les uns aux autres. Bien sûr, il y a des spécificités. Chez Vox, on table sur le didactique («Comment Medicaid force des familles comme la mienne à rester pauvres»). Chez BuzzFeed, le ton est plus désinvolte («Fat Monica n'était pas que Courteney Cox déguisée en grosse, c'était moi»). Du côté de xoJane, on table sur le sensationnel et le salace («Je trompais mon copain au moment de sa mort»). Au Washington Post, on angle davantage sur l'actualité («Je suis une femme blanche et je suis sortie avec un Black Panther. J'aurais pu être Rachel Dolezal»). Rookie fait le pari des hormones et des illustrations décalées («Pourquoi je n'arrête pas de ressasser cette rupture-là?»).
La marche forcée vers l'universel
Chez Slate, nous avons aussi notre lot de témoignages –«Avoir une vie amoureuse quand vous êtes malade mentale» ou «J'aurais pu être Elliot Rodger». Mais qu'importent ces petites nuances éditoriales, il est surprenant de constater combien ces titres semblent tous avoir été conçus sur le même moule: un succédané de contenu buzzique prenant corps grâce à une bonne dose d'immersion personnelle.
Et qu'importe la large et diverse gamme d'épreuves que cataloguent ces articles, ils ont aussi en commun une tendance à vouloir cibler l'universel tout en creusant le personnel et l'intime. L'article de Vox intitulé «Comment j'ai pu pardonner à mon violeur» débute par une histoire puissamment personnelle et se termine par «De tout ce que j'endure aujourd'hui, j'espère que le viol disparaîtra pour tout le monde». Celui de xoJane «Je trompais mon copain au moment de sa mort» se clôt par «J'espère que quelqu'un pourra apprendre de mes erreurs». Dans le Washington Post, le témoignage d'un homme descendu dans les tréfonds de la haine raciale (avant d'en remonter) s'apparente à un mode d'emploi: «Comment je suis devenu un suprémaciste blanc».
Objectif: viralité
Quant à Chenier, la première conclusion de son texte était la suivante: «Ce que je veux dire à toutes les femmes qui ont un jour été victimes, c'est que vous êtes magnifiques et que vous n'avez rien à vous reprocher.» Ce que Tolentino a modifié en «Aux victimes d'abus, je veux dire ce que j'ai fini par comprendre moi-même: votre désir, et ses éventuelles conséquences, ne sont pas de votre faute». Comme l'explique Tolentino, elle l'a fait pour «couper tout ce qui pouvait susciter des réactions trop enthousiastes –dans l'espoir d'atteindre un équilibre entre un propos susceptible d'être très fédérateur et un témoignage extrêmement personnel se faisant passer pour une vérité générale».
Mais telle est l'inévitable caractéristique des témoignages contemporains: s'assurer que chaque histoire, qu'importe sa spécificité, puisse s'adjoindre une cohorte zélée d'admirateurs (ou de contempteurs) et les clics qui vont avec –habiller le personnel des atours du politique. Une pression qui n'était vraiment pas aussi forte lorsque Gould avait relaté les conséquences de sa rupture sur Gawker, lorsque Moe Tkacik avait joyeusement raconté sur Jezebel en 2008 comment elle avait trouvé un tampon vieux de dix jours dans son vagin ou lorsque que Cat Marnell avait détaillé pour xoJane sa toxicomanie au début des années 2010.
«À l'époque, déclare Gould, je parlais de moi juste parce que c'était le truc que je savais faire. Je ne pensais pas du tout au trafic.»
«Mon gynécologue a trouvé une boule de poils de chat dans mon vagin»
La «vieille garde» des égotistes d'internet pourrait ressembler à une bande de trublions –et leur œuvre à une expérience en temps réel visant à scandaliser un public sans totalement se le mettre à dos. Reste que Gould et Tkacik créaient des liens avec des lecteurs en s'exposant elles-mêmes, en cherchant constamment à repousser les limites de leurs avatars et en suscitant une sorte d'attachement voyeuriste aux fluctuations de leurs drames personnels comme aux évolutions de leur état d'esprit.
À l'inverse, beaucoup de témoignages contemporains sentent l'usage unique –un déballage ponctuel et sensationnel qui gonfle aussi vite qu'il n'explose et disparaît. Au lieu d'être les pierres sur lesquelles se construit une carrière ou une réputation, on a l'impression d'être face –comme avec le récent et viral «Mon gynécologue a trouvé une boule de poils de chat dans mon vagin»– à des culs-de-sacs professionnels, journalistiquement parlant.
«Aujourd'hui, on dirait que c'est bien gentillet»
À ce niveau, Gould et sa couverture du Times semblent totalement désuètes. «Difficile de croire aujourd'hui que cette histoire ait autant choqué les gens», dit-elle. Même si l'article s'étirait sur 7.000 mots, il ne relatait globalement que son expérience professionnelle, ses relations personnelles et ses discussions sur messagerie instantanée. «Aujourd'hui, on dirait que c'est bien gentillet», ajoute-t-elle.
Si l'ancienne vague de témoignages était axée personnalité, la nouvelle –exception faite des chalutiers à clics jetant leurs filets en poils de chat– est davantage axée problèmes personnels. Demandez à Nona Willis Aronowitz, responsable de la rubrique The Slice de Talking Points Memo, quelques exemples de ses plus gros succès et elle vous citera ce témoignage d'un enfant d'exilés cubains publié au moment de la reprise des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba ou celui d'une étudiante à l'université de Virginie victime d'une agression sexuelle, sorti lors de l'affaire Rolling Stone. Ces articles, précise Aronowitz, «ont été de la pure folie». Pour Talking Points Memo, en général, un article est un succès quand il dépasse les 25.000 vues –ces deux témoignages en ont cumulé plus de 100.000 chacun.
«C'était assez effrayant d'avoir à écrire sur un sujet aussi personnel en moins de 24 heure, déclare Kirsten Schofield, la pigiste qui a raconté son agression sexuelle. Mais je savais que ce sujet était d'actualité et qu'il y avait une petite fenêtre d'opportunité si je voulais qu'on fasse attention à mon histoire.»
L'âge d'or de l'écriture lyrique
Le boom du témoignage aura eu un avantage manifeste: plus que jamais, il existe un marché pour les points de vue minoritaires. Et d'une certaine manière, nous sommes à l'âge d'or de l'écriture lyrique. Pour s'en convaincre, il suffit de lire les subtiles chroniques déguisées en courrier du cœur d'Heather Havrilesky pour The Cut, l'article de Cord Jefferson pour Medium sur l'accablement du journaliste travaillant sur le racisme, celui de Steve Kandell pour BuzzFeed narrant sa visite du mémorial du 11-Septembre, alors qu'il a lui-même perdu sa sœur lors des attentats, ou encore celui de Jay Caspian Kang sur les raisons de la colère d'un américano-coréen. Voici des modèles de récits intimes, d'une écriture aussi bouleversante et prenante qu'instructive sur un plan sociopolitique.
Mais ces textes semblent appartenir à une espèce littéraire bien différente de la masse des témoignages grouillant actuellement sur internet, et pas seulement parce qu'ils sont visiblement plus travaillés. Leurs confessions ont beau être parfois violentes et explicites, elles sont prodiguées avec stratégie. Elles ne se contentent pas d'affirmer une universalité de l'expérience personnelle, elles arrivent à le faire en guidant progressivement le lecteur le long d'un cheminement personnel. En réalité, ce qui fait la qualité d'un bon témoignage est précisément ce qui manque à quasiment tous les témoignages actuels: la conscience de soi.
Le prix du scandale
Rebecca Carroll, ancienne éditrice de xoJane, se souvient du témoignage d'une femme blanche se plaignant du manque de Noirs dans ses cours de yoga. L'article était «très criard, sans aucune retenue». Le remanier aurait pris trop de temps. Reste que Carroll l'a publié, certaine qu'elle était de son caractère provocateur, qu'importe l'honnêteté bien trop aride de son propos.
«Le scandale a été énorme et l'auteure en est sortie traumatisée, confie Carroll. Aujourd'hui, je me dis que je n'aurais pas dû publier cet article, parce que l'auteure n'avait pas du tout conscience des conséquences de cette publication, ce que je n'ai absolument pas compris sur le moment.»
Aujourd'hui, bien trop nombreux sont les articles de ce genre à vouloir tout déballer, sans se donner la peine, ni même avoir la capacité, d'un véritable travail d'introspection.
Et c'est l'un des problèmes fondamentaux de cette nouvelle économie du je: la manière dont elle incite à l'auto-exposition réflexe, idéalement dans un rapport d'immédiateté avec l'actualité, à la réaction à chaud sur le mode le plus intime qui soit. Le credo de xoJane, selon Carroll, est le suivant: plus un texte est «impudique», le meilleur il est. Pour Carroll, voir tous les jours sa boîte mail noyée sous les vies d'inconnus, dans leurs épisodes les plus sinistres –«des troubles alimentaires, des agressions sexuelles, du harcèlement, des “mon copain est raciste et je viens juste de m'en rendre compte”»– a fini par la «miner intérieurement». Au bout d'un moment, tous ces textes lui donnent l'impression d'avoir été écrits d'une même main «immature, assez bravache».
Épuisement mental
Tolentino, passée chez Hairpin avant de travailler à Jezebel, définit l'article standard reçu par Jezebel comme «le récit d'une petite stigmatisation du quotidien», du genre «Je suis allée me faire épiler le maillot, mon esthéticienne m'a regardé bizarrement, voilà ce que ça dit de l'oppression des femmes dans notre société», tandis que chez Hairpin, on est davantage dans le «Je viens juste de m'installer dans une grande ville et j'ai rencontré quelqu'un de génial dans un café, voilà ce que ça dit de la vie urbaine».
Le train des choses est déjà suffisamment vertigineux quand on parle des médias en général, mais sur la seule question du récit personnel, les enjeux sont encore plus élevés. Dans un cas, pour un article de xoJane intitulé «Je vis avec mon agresseur», la rédaction s'est tellement précipitée pour le mettre en ligne qu'elle allait accidentellement publier la photo de l'auteure et son nom, malgré ses promesses d'anonymat.
«À mon sens, la frontière est très mince entre offrir une tribune à ces gens, déclare Carroll, et les exploiter.»
Ryan O’Connell, qui a raconté sa vie sur Gawker entre 2010 et 2014, explique que les volumes attendus et les pressions au trafic ont été de plus en plus lourds, jusqu'à le pousser au bord de l'épuisement mental. L'an dernier, il s'est installé à Los Angeles, en partie, selon ses propres termes, pour «échapper à l'internet du je». «C'est la cour des miracles ce truc», ajoute-t-il.
La déontologie au tapis
Jamais il n'aura été aussi difficile de faire jouer une quelconque déontologie face aux forces commerciales qui génèrent de tels articles, surtout depuis que des outils techniques facilitent une écriture et un travail d'édition axé directement sur le trafic.
«J'ai toujours adoré l'écriture bloguesque brute, presque automatique et inactuelle, explique Gould. Mais, désormais, un éditeur va me dire un truc du genre “y a ce sujet qui monte, là, tu crois que tu peux le tourner à ta sauce?”.»
Sarah Hepola, responsable de la rubrique témoignages pour Salon, précise toujours garder en tête la question: «Qu'est-ce que je suis en train de faire à ces auteurs?»
«J'essaye de les mettre en garde et de leur dire que leur “je pratique le BDSM” va les suivre à la trace sur internet et pour seulement 150$.»
Mais sans compter ces bonnes intentions éditoriales, le problème relève avant tout d'un souci professionnel –on parle d'auteurs taillables et corvéables à merci, aux conditions de travail précaires, payés quasiment rien et qui n'ont comme seule garantie une vie entière d'opprobre numérique. Le boom de la première personne, ajoute Tolentino, a contribué à créer «un environnement où les auteurs ont l'impression que le pire qui a pu leur arriver est le meilleur qu'ils ont à offrir».
Au péril des femmes
À peine dix minutes après avoir envoyé sa proposition, Natasha Chenier recevait une réponse dans sa boîte mail: Jezebel était intéressé. À la publication de son article, elle allait suivre nerveusement sa trace sur les réseaux sociaux. Sur Jezebel, il accumulera quasiment 300.000 vues. D'autres médias allaient s'en emparer, sous un titre encore plus racoleur: «J'ai couché avec mon père». Chenier recevra les mails de lointaines connaissances lui disant que leurs lointaines connaissances leur ont parlé de l'article. «Ça a dépassé tout ce que j'aurais pu imaginer», déclare-t-elle.
Aujourd'hui, nous en sommes à un stade étrange et paradoxal de l'évolution du témoignage sur internet. D'un côté, cette économie du je fait primer l'inclusivité et l'ouverture, elle privilégie souvent le genre de voix auxquelles les médias mainstream ne font généralement pas attention. Mais elle peut être dangereuse pour ceux qui y participent. Et si les risques et les abus de ce secteur ne sont pas sexo-spécifiques, bon nombre de ces problèmes semblent bien plus graves pour les femmes. La raison –si ce n'est le fait que la «confession» est un genre qui, historiquement, aura davantage attiré les femmes que les hommes– en est que les supports les plus avides de témoignages, et chez qui les obstacles à la publication sont les plus minimes, demeurent des sites au public majoritairement féminin.
Monétiser chacune de ses pensées
«Écrire sur ma vie intime sur internet aura défiguré mon rapport à mon intimité», déclare Alana Massey. Massey a travaillé dans la communication. Elle savait qu'elle voulait devenir écrivain, sans vraiment savoir par où commencer. Puis elle s'est mise à témoigner sur ses problèmes d'image de soi et ses troubles alimentaires, d'abord pour xoJane, avant d'être publiée sur BuzzFeed et Medium.
«À la minute où j'ai une idée intéressante ou une bonne tournure de phrase ou une expérience forte, je me dis “bon, à qui je l'envoie? Comment je peux monétiser ça au plus vite?”»
Même Gould, qui est issue d'une époque bien plus bienveillante, a fait un burn-out et passé des années sans quasiment pouvoir écrire un seul mot. Écrire sur sa vie a pourri ses relations amoureuses et lui a laissé un grand sentiment de vide.
«Je préfère me mettre à quatre pattes et lécher le sol du café où je me trouve plutôt que de relire mes premiers textes, déclare Gould. J'ai gagné en pudeur. C'est plus difficile aujourd'hui d'écrire sur ma vie car j'ai trop conscience des conséquences.»
Depuis la publication de son témoignage, Chenier a dû couper les ponts avec la famille de sa mère, qui n'a pas compris pourquoi elle avait voulu parler de son vécu. Elle travaille sur un roman parlant de sa relation avec son père et du sujet plus général de l'attirance sexuelle entre apparentés génétiques. Elle vient de terminer un master de littérature et cherche à s'inscrire en doctorat, mais espère aussi continuer à écrire en parallèle de ses études.
Un buzz, et après?
Peu après la publication de son article, rassérénée par le succès, elle a envoyé une nouvelle proposition à Jezebel. Cette fois-ci, l'article ne parlait ni de sexe, ni d'abus, ni de son père –c'était une tribune sur les femmes dans Mad Max. Elle n'a jamais reçu de réponse.
Personne ne peut en vouloir à une rédaction qui refuse un tel projet, surtout dans un environnement déjà saturé d'articles sur Mad Max. Reste que Chenier en retirera la désagréable impression que si elle veut écrire sans écrire sur ses rapports sexuels avec son père, la balance ne penchera pas en sa faveur.
«Tout ce que j'ai dit dans mon premier projet, c'était que j'avais vécu ce traumatisme et la rédaction m'a fait: “D'accord, on t'ouvre”, explique Chenier. Ils ne savaient pas qui j'étais, ils ne savaient pas si j'écrivais bien. Tout ce qu'ils savaient, c'était que j'avais vécu un truc atroce.» Chenier se rappelle avoir vraiment voulu écrire cet article. Elle était vraiment persuadée que le jeu en valait la chandelle. «Mais rétrospectivement, quand je vois tout ce que j'ai risqué…» Elle s'arrête et reprend sa respiration. «En fait, c'est énorme. C'est toute ma vie.»
[Source : www.slate.fr]
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