Best of, L’homme qui marche
Alors que les "pop idoles" des années 1980 ont, pour la majorité, jeté l’éponge, Étienne Daho poursuit sa route, inamovible icône d’une musique en trois lettres capable de passer du sourire bubble-gum à une certaine noirceur. Son Best of, L'homme qui marche, offre un formidable instantané de sa carrière en mouvement.
Avec 36 chansons et un DVD documentaire, Un itinéraire pop moderne, (récemment diffusé sur la chaîne Arte), le nouveau Daho, L’homme qui marche, retrace l'histoire de celui qui débuta dans les années 1980, la décennie des "jeunes gens modernes", et qui y a survécu. De ce Week-end à Rome qui fut l’un de ses premiers succès au Boulevard des capucines dans lequel il évoquait un passé traversé de douleur, le Rennais à l’apparence légère n’a jamais cessé d’évoluer, de surprendre.
Après un dernier album aux effluves disco (Les chansons de l'innocence retrouvée), un live (Diskönoir tour) et une bande dessinée (L’homme qui chante, éditions Delcourt), ce combo 2 CDs/DVD propose un inédit et demi : la chanson L’homme qui marche et le remake de Paris sens interdits, dont on trouve la première version sur Merge, l’album du producteur Arthur Baker sorti en 1989. Détendu, Étienne Daho nous raconte quelques histoires, avec sa voix feutrée et ses sourires timides, jeune homme moderne encore et toujours, même à l’approche de la soixantaine.
RFI Musique : Quelle est l’origine de ce Best of ?
Étienne Daho : Je ne suis pas trop fan des Best of mais il y a eu ce documentaire réalisé par Antoine Carlier, et on a eu l’envie de faire une espèce de BO du film. Et puis, de fil en aiguille, c’est devenu un Best of.
Votre voix, que certains critiques ont sévèrement jugée dans le passé, semble se bonifier avec le temps…
J’ai chanté comme je parlais, quand j’ai commencé. Parce que je n’avais pas vraiment envisagé que ça dure, ou même que je travaille ma voix. J’ai écrit mes chansons, je les ai chantées avec Richard Dumas, on a fait des maquettes à la guitare, et c’est resté. Les premières maquettes, c’est exactement la même voix que j’ai aujourd’hui quand je chante, quand je parle. C’est la même chose. Ça s’est installé. J'ai eu envie de faire des chansons plus ambitieuses à un moment donné, et ça demande du travail. C’est du boulot car ce sont toujours des mélodies mineures et il n’y a rien de plus difficile que de conserver sa justesse dans les mineures.
Vous avez assez vite connu un gros succès public. Quel a été le mauvais côté de cette soudaine renommée ?
Ce qui est fantastique, c’est de réaliser son rêve. C’est le plus bel aspect. Je n’ai jamais voulu être devant, être célèbre. J’ai découvert que la musique, ce n’était pas juste faire des chansons dans sa chambre puis en studio, et parfois monter sur scène. C’était représenter, expliquer l’inexplicable. J’ai trouvé ça très difficile. J’ai été un genre de poster boy à un moment donné, et ça ne correspondait pas du tout à l’idée que je me faisais de la musique. En même temps, j’avais vu les Beatles, il y avait toujours des filles qui criaient dans leurs concerts... Il y a toujours des filles qui crient dans les concerts, ce sont elles qui font le succès, en général. Mais je ne sais pas, je trouvais que ça n’était… pas moi.
À l’origine, Paris sens interdits figurait sur l’album d’Arthur Baker avec de nombreux chanteurs invités, dont Jimmy Somerville et Al Green…
Oui, c’est une chanson qui a été faite en 1988. Arthur est un homme que j’aime beaucoup, j’ai de l’affection pour lui. Il a fait ce disque, et je trouvais ça génial d’être sur le même album qu’Al Green. Ça m’avait bluffé.
Avez-vous une méthode pour écrire des chansons ?
Je suis assez ouvert, j’absorbe les choses. Un disque, ça se fait en permanence, peut-être même en ce moment. Je dis chaque fois la même chose, j’en suis désolé, mais on est traversé par quelque chose. C’est comme si tout d’un coup tu n’étais qu’un instrument. Les chansons se matérialisent à travers toi.
C’est ce que disait Michael Jackson, qui y mettait une touche mystique…
Mais c’est un truc mystique, finalement. Je ne me souviens jamais des moments les plus intenses de l’écriture. Parce que je crois qu’il y a un côté un peu spirituel, comme quand tu es sous hypnose en fait. Je me revois marchant avec mon casque sur la tête, à Londres. C’est une ville démente pour marcher.
Comment a été conçue la BD d’Alfred et Chauvel, L’homme qui chante, qui raconte la conception de l’album Les chansons de l'innocence retrouvée ?
On peut dire davantage de choses avec ce filtre-là, en fait. J’adorais les dessins d’Alfred. J’ai senti que c’était des gens bien, que je pouvais partager mon monde avec eux. Il y a un respect mutuel, on a fabriqué quelque chose ensemble. Ils sont venus et ils m’ont dit : "On va te suivre pendant trois ans". Je n’aurais pas accepté ça d’une caméra. Une caméra, ça me glace, je change, je n’arrive pas à être moi-même. Ils ont réussi à se fondre, ils ont accompagné des moments très intimes. C’est tellement intime de faire un album, de se tromper, de recommencer. Le résultat est très réaliste, un peu comme le documentaire. Ce n’est pas intrusif, ça montre la réalité des choses, jusqu’à la tournée, tous les moments. Ça a été trois années importantes, professionnellement et personnellement. Maintenant, je vais prendre du temps pour aller aux concerts, lire, oublier que je suis Étienne Daho. Ça va me faire beaucoup de bien. Je trouve que c’est tellement égocentré comme métier, j’étouffais avec moi-même. D'autant que je suis très intéressé par les autres, j’ai cet appétit d’aller vers les autres. C’est pour ça que je fais des prods. J’apprends beaucoup en travaillant avec les autres.
Best of Étienne Daho L’homme qui marche (Polydor) 2015
BD L’homme qui chante Alfred et Chauvel
Site officiel d'Étienne Daho
Page Facebook d'Étienne Daho
[Photo : A. Legrand - source : www.rfimusique.com]
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