sábado, 21 de novembro de 2015

Tulpan, film kazakh de Serguei Dvortsevoy (2009)


Écrit par Sophie Jama 

On ne possède pas toujours des aspirations identiques dans la vie, quand bien même on n’a connu que les steppes arides et désertiques de l’Asie centrale. Pour ceux qui en doutent encore, je leur conseille d’aller voir le très beau film de Serguei Dvortsevoy, Tulpan

Asa est un jeune homme, passé par la marine de la flotte pacifique, où il a obtenu quelques médailles. Malgré les animaux étranges qu’il a vus dans l’océan et les aventures extraordinaires qu’il dit avoir vécues, son unique rêve est d’obtenir un troupeau de brebis du Camarade Chef qui régit la région, d’installer une yourte dans la steppe et d’y fonder une famille. 

C’est ce rêve qu’il a dessiné au revers de son col de marin, créer, comme il le dit, « son petit coin de Paradis ». Mais pour cela, il lui faut trouver une épouse et les jeunes filles sont plus que rares. 

En attendant, il partage la yourte de sa sœur et de son mari (un berger-nomade taciturne qui aimerait voir Asa partir vivre ailleurs), et de leurs trois enfants. 

Boni est le seul ami d’Asa. Il conduit un vieux camion avec lequel il alimente les yourtes en eau, en concombres et en rares bonbons. Pour lui, l’idéal de vie est celui qu’on a en ville, où les filles ne manquent pas, et où il espère trouver un meilleur travail, à condition qu’Asa l’y accompagne, dans la mesure où il ne trouve pas d’épouse. Il a tapissé son camion de photos de femmes dénudées, découpées dans des magasines, et écoute à tue tête Rivers of Babylone de Boney M. 

Mais Asa veut se marier pour devenir berger-nomade. À une journée de route de la yourte de la famille de sa sœur, une jeune fille, Tulpan, vit avec ses parents. Ondas, le beau-frère, Boni et Asa se rendent dans la yourte de Tulpan pour une demande officielle en mariage. Malgré les dix brebis promises et le lustre (en dépit du manque d’électricité) offert en cadeau de bienvenue, Tulpan refuse d’épouser Asa, prétextant que ses oreilles sont trop grandes. C’est que le rêve de Tulpan, et celui de sa mère pour elle, est de quitter la steppe et d’aller étudier dans un collège en ville. 

Mais Asa s’obstine et tombe amoureux de la jeune fille dont il trouve le prénom original. Il ne l’a pourtant qu’entre aperçue, et de dos. Hélas, il a beau montrer aux parents de Tulpan que le mari de Diana, le prince Charles lui-même (prince d’Afrique? Non, d’Amérique…) a de plus grandes oreilles que lui, Tulpan refuse de se marier. Et il n’y a pas une seule autre fille dans toute la steppe… 

Ce beau film, tout en nuances, nous fait partager la vie de quelques personnages dont les aspirations diffèrent. Leurs vies, à tous, nous paraissent si difficiles. Une steppe hostile où l’herbe est tellement rare que les brebis meurent de faim, au sens propre, l’une après l’autre. Des orages ou des tornades de vent terribles qui obligent à lutter pour rassembler le troupeau. Quelques chameaux dans ce désert plat et désolé qui s’étend à perte de vue sans laisser apercevoir âme qui vive. Une yourte où tout le monde partage le même sol poussiéreux pour dormir. Mais le bonheur y est possible. Sous la tente, dans l’intimité de la famille, l’amour, la douceur et le calme ont leur place. Samal aime tendrement son frère et vit heureuse avec son mari Ondas et leurs enfants. Le plus jeune, Nuka, rit toute la journée en galopant sur son bâton en guise de cheval ou en jouant avec sa tortue. Maha, la grande sœur de 7 ou 8 ans, chante sans arrêt, parfois en chœur avec sa maman. Et Beke, l’aîné à peine plus vieux, écoute les nouvelles du Kazakhstan sur une vieille radio qu’il conserve précieusement. Il retient chaque menu détail des informations du monde et de son pays qu’il redit à son père tout en perçant les points noirs sur son dos. 

Asa, qui n’arrive pas à réaliser son rêve pourtant modeste, trouve les paysages grandioses et s’émerveille lorsqu’il réussit, après mille efforts, à faire naître un agneau en lui faisant du bouche à bouche pour qu’il ne meure pas. Et c’est avec une minutie d’ethnographe que Serguei Dvortsevoy filme la vie et les mœurs de ces bergers-nomades kazakh dans ce qu’il y a de dur mais aussi dans ce qu’il y a de bon. 

Découragé par les refus réitérés de Tulpan, Asa sera à deux doigts de quitter la steppe et de suivre Boni en ville. Mais c’est la vie dans ce désert immense qui est la seule désirable pour le jeune homme, et c’est tout juste s’il ne nous en convainc pas nous-mêmes...




[Source : www.tolerance.ca] 

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